Qu'arrive-t-il la nuit ?
Vous êtes-vous déjà posé la question ?
Si ce n'est pas le cas, et bien
Peter Cameron, l'a fait, et sa réponse dans ce livre est déroutante.
Peter Cameron va nous entrainer beaucoup plus loin que sous une banale couette, plutôt à bord du songe d'une nuit d'hiver.
Par une nuit sombre, en terre glacée inconnue, un train transportant l'homme et la femme traverse des étendues enneigées et des forêts noires. S'ils sont à bord de ce train, c'est pour adopter l'enfant dont ils ont tant rêvé et qui leur a sans cesse échappé du fait de la maladie de la femme, de ses fausses couches. Alors, ils s'accrochent à leur dernier espoir, quittent New York pour entreprendre le voyage de la dernière chance, avec en main la photo de leur enfant envoyée par un orphelinat du bout du monde.
Les épreuves successives, l'infertilité, le cancer qui ronge la femme de l'intérieur ont rendu l'ambiance délétère au sein du couple. La période des mots d'amour est passée depuis longtemps. Si l'homme reste attentionné envers sa femme dont il semble toujours amoureux, la femme semble avoir basculé dans l'amertume et le sarcasme, s'attachant à laisser un espace sans cesse grandissant et irrespirable entre eux.
La destination du couple est le Borgarfjaroasýsla Grand Imperial Hotel à côté de l'orphelinat, mais l'auteur tente d'abolir tous nos repères dans ce récit.
Nous ne connaissons pas l'époque, si l'on peut penser au départ que l'action se déroule de nos jours, plusieurs indices laissent finalement à penser à une date antérieure, fin des années 90, début des années 2000 (d'après les échanges concernant
Isadora Duncan).
Ensuite le lieu, là encore peu d'indice sur cette contrée glacée. le nom de l'hôtel est Borgarfjaroasýsla ce qui ressemble à quelques lettres près à un nom de ville en Islande. Ce qui est impossible car il n'existe pas de transport ferroviaire en Islande. Peut-être dans le Danemark inuit, comme pourrait le laisser supposer le terme angakok utilisé pour Frère Emmanuel ou encore en Finlande d'après le terme haamutie utilisé pour route fantôme.
Peter Cameron s'amuse donc à brouiller les pistes, laissant son lecteur dans une brume permanente, de jour comme de nuit avec ses personnages étranges aux comportements irrationnels, toujours nommés « l'homme », « la femme » et « l'enfant ».
L'homme et la femme vont tous les deux suivre des trajectoires différentes, se déchirer. Quelle est la part de rêve et de réalité ? Sur cette terre de contrastes, où est la frontière entre le jour et la nuit, l'espoir et la détresse, le chaud et le froid ? le lecteur ne sait plus, est perdu, cela a-t-il une importance ? cela non plus le lecteur ne le sait plus …
Une impression étrange en refermant ce livre, de léger malaise, il faudrait tout relire pour mieux cerner les chausse-trappes, capter les indices. Aux amateurs d'Inception et Twin Peaks, je dirais que ce livre est pour vous. Venez faire un commentaire sur cette chronique quand vous aurez trouvé la clé !
NB : voilà plus d'un an que j'ai lu ce livre. Je complète mon billet en disant qu'il me reste en tête de façon très marquante l'atmosphère de ce livre enneigée, oppressante et onirique, comme un songe entre rêve et cauchemar…