Citations sur L'eau du lac n'est jamais douce (79)
La professoressa....viene a insegnare educazione fisica in gonna di tweed e stivaletti, ha sempre le unghie fucsia e un basco in testa, è più il tempo in cui fuma che quello in cui corre.
La prof vient faire le cours d'éducation physique en jupe de tweed et bottes, a toujours les ongles vernies couleur fuchsia et un béret sur la tête, et passe plus de temps à fumer qu'à courir.
Je me les figure comme un peloton d'exécution : tôt ou tard, les livres non lus ouvriront le feu sur moi.
Je regarde ma main ouverte, ses cheveux tombent de mes doigts, le vent les emporte et emporte mon premier amour avec eux.
Puis je le vois, droit et robuste, mon dictionnaire, il est là, placide, il ne craint ni jugements ni méchancetés, alors je l’agresse, parce qu’il a été le premier à me mentir, à me faire croire qu’avec les mots je changerais ma vie, la réécrirais, la narrerais, la narrerais à la première personne, mais non, ce sont toujours les autres qui nous racontent, ce sont eux qui trouvent nos définitions, nos crochets, nos racines.
Moi sans vélo, eux au volant, nous nous regarderons bientôt depuis des univers parallèles, séparés par la Voie lactée.
Moi j'ai été un cygne, on m'a implantée ici, j'ai voulu m'adapter de force, et puis j'ai agressé, je me suis débattue et bagarrée y compris avec ceux qui s'approchaient avec leur quignon de pain dur, leur aumône d'amour.
(...) entre la personne que j'étais et ce en quoi j'ai évolué, à quelle espèce est-ce que j'appartiens maintenant? Je suis peut-être un lynx, peut-être une anguille, peut-être un dinosaure, je viens du passé et c'est pour cela que je suis à l'étroit dans le présent, il ne semble pas avoir de place pour moi.
Une seule chose peut te sauver quand tu n'as pas d'argent, c'est Ia beauté, je me répète en me brossant les cheveux plus souvent, en tirant sur le coin de mon œil pour me mettre du crayon et rendre mon regard plus profond,
en faire un objet d'intérêt. Je n'ai pas grand-chose, mais cela me suffira à ne pas ressembler à ma mère négligée, l'ouvrière, la femme de ménage qui enfile un tailleur en lin acheté au marché afin de se faire passer pour ce qu'elle n'est pas. Moi je dois arrêter dès que possible d'être une fillette défectueuse pour me transformer en femme à même d'être aimée.. Ce changement me démange, je me jette la tête la première dans la compétition, morbide des corps et des regards.
Les livres ont disparu de mon étagère, il y a maintenant la place pour toutes les têtes tranchées de mes ennemis, je les époussetterai, les admirerai, les caresserai en signe de mépris et de compassion, c'est grâce à moi qu'elles sont tombées.
Plus ils tapaient fort plus je me rapprochais, et je suis restée au premier rang jusqu'à ce qu'ils s'écroulent par terre, éreintés par la rixe et par l'alcool, leurs visages étaient méconnaissables, leurs yeux fermés, leurs cheveux trempés de sueur et de sang.
Leurs amis les ont secourus à la fin du combat, les soulevant par les bras et par les jambes, et alors seulement je me suis aperçue que j'étais la seule fille restée là. Mes amies s'étaient éloignées, elles avaient récupéré leurs serviettes et leurs sacs, et avec Ours et le Grec elles étaient allées se réfugier au-delà du saule, mettant de la distance entre elles et la bagarre.
J'ai jeté un regard alentour à leur recherche et senti des yeux inconnus et curieux posés sur moi, peut-être que certains m'avaient reconnue: celle qui sait tirer, la fille d'Antonia la Rousse, la fille qui aime le carnage, les effusions de sang et les blessures.