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Critique de berni_29


Revenir à Albert Camus, c'est une joie. Une joie solaire. Impatiente. J'avais prévu de relire depuis longtemps La Peste, j'avais prévu de lire La Chute que je ne connaissais pas. Intrigué par le Mythe de Sisyphe pour différentes raisons personnelles, cette oeuvre continue de me tendre la main. Souhaitons que l'année 2023 exauce mon souhait ardent d'y aller. Sur mon île déserte, Noces - L'été figure à jamais comme un livre essentiel pour moi, pour d'autres aussi je le sais.
Le Discours de Suède que prononça Albert Camus le 10 décembre 1957 lors de sa remise du prix Nobel fut dédicacé à Louis Germain, l'instituteur de son enfance, celui qui lui donna le goût de lire et sans doute plus tard d'écrire... Je connais ici une institutrice, - elle préfère le terme de maîtresse d'école, je sais qu'elle donne envie à ses élèves le goût des livres, le goût de lire, celui peut-être d'écrire un jour aussi. N'est-ce pas, Sandrine ?
Je n'avais jamais lu ce discours jusqu'à ce soir.
En quelques lignes d'un propos marqué par la générosité et l'humilité, Albert Camus tente de définir ici ce qu'est être écrivain pour lui.
Je dois vous avouer que le portrait qu'il en esquisse me plaît totalement.
Il le pose dans les convulsions du temps, traversant les guerres européennes, les guerres coloniales. Nous sommes en 1957, il y a l'avant et l'après tout aussi proche en matière de barbarie, ce que l'humain est capable de produire lorsqu'il se met à vouloir se dresser devant le destin de son prochain, son voisin, différent de lui...
Que dirait aujourd'hui Albert Camus du totalitarisme du pouvoir russe qui grince à nos portes, incitant autant et toujours comme avant le culte du viol des femmes civiles des peuples envahis que celui du nihilisme ?
Être écrivain, est-ce un art de vivre dans le séisme de ces barbaries qui broient les peuples opprimés ?
Écrire, c'est naître, renaître, douter autant que lutter, à visage découvert contre l'instinct de mort.
Être écrivain, c'est refaire le monde à sa manière, avec le seul pouvoir qu'il détient, écrire des mots, des phrases, tisser des liens entre ces phrases, dénouer des histoires intimes et universelles et les transmettre dans le bruit du monde.
Construisant déjà une oeuvre, partagée entre la douleur et la beauté qui nous entourent à chaque instant.
Découvrant un monde menacé de désintégration en 1957, lorsqu'il écrivit ce discours, Albert Camus posait son engagement déjà présent, en devenir, une trajectoire généreuse qui fut anéantie par un platane au sortir d'un virage un certain 4 janvier 1960 à Villeblevin.
Camus est cet écrivain qui me fait aimer l'humanité avec ce qu'elle a de douleur et de barbarie mais de beauté et de générosité aussi.
Humble, disant ses limites, voulant partager les honneurs qui lui sont faits avec ceux qui ont souffert par les tyrannies passées, actuelles et à venir, touchés par leurs persécutions...
Camus visionnaire, intemporel, immortel...
Ce beau discours de Suède donne déjà à voir l'oeuvre magnifique et inachevée de ce très grand écrivain.
Je me souviens de cet été-là, j'étais dans le Lubéron et j'ai voulu faire ce détour du côté de Lourmarin au cimetière où est enterré Albert Camus. Si j'ai trouvé facilement celle d'Henri Bosco, la tombe d'Albert Camus me paraissait totalement invisible durant ma première demi-heure de pérégrination dans le petit cimetière. Et pour cause, c'est une simple et modeste pierre tombale mangée par les mauvaises herbes, camusienne à sa façon, un seul nom figure, celui de l'écrivain. Elle lui ressemble, sobre.
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