Toute petite, j’écoutais les disques de Clo-Clo. À cette époque, comment pouvait-on faire l’impasse sur celui qui avait eu le génie d’adapter les chansons du label Tamla Motown ? Plus tard, à la période disco, qui n’a pas dansé au moins une fois sur Alexandrie, Alexandra ? J’adorais tout de lui : sa manière de bouger, sa façon de parler, mais également son exigence extrême dans la maîtrise des moindres détails, ce qui m’apparaissait comme un véritable signe de professionnalisme. Je pense qu’il avait compris avant tout le monde le fonctionnement de ce monde impitoyable qu’est le show-business. Il inventait le rêve, en tout cas les miens, et ceux de milliers de fans. À peine rentrée du collège, je me précipitais sur mes 45-tours, il représentait pour la petite jeune fille de province que j’étais un accès à un autre monde. Je l’écoutais en boucle. Il me faisait m’envoler. C’était mon oxygène, ma bulle de légèreté dans cet univers un peu oppressant de la bourgeoisie provinciale.
Ma vie m’a emportée dans un tourbillon d’histoires paradoxales, sans que j’aie eu à demander quoi que ce soit. La vie m’a fait des signes en permanence. Je me suis toujours dit qu’il fallait que je sois à la hauteur des rôles ou des fonctions qu’il m’était donné d’exercer, et je les ai exercés le mieux possible, à quelques erreurs près, bien sûr, mais ces erreurs m’ont enrichie comme souvent les faux pas font grandir.
J’emploie fréquemment le mot « extase », parce que, à chaque fois, c’était ça dont il s’agissait : une extase. Voler, c’est une extase, c’est le rêve de l’homme, le tout premier, celui qui est enfoui en chacun de nous depuis le premier homme qui a levé la tête et observé les oiseaux. C’est pour cela que je dis de Nicolas qu’il est ma référence, qu’il m’a tout offert. Voler avec les aigles ou plonger aux Maldives parmi les requins, avec un homme qui avait mis au point un appareil particulier pour émettre des sons qui poussaient les requins à venir nous voir… Je peux assurer que cette fois-là je n’ai pas vécu une extase, j’étais plutôt morte de peur ! Autant les fonds sous-marins sont sublimes, autant j’avais si peur que j’en oubliais leur spectaculaire beauté.
Je ne peux vivre qu’en osmose avec les gens avec lesquels je travaille, sinon je n’y arrive pas. Avec lui on a monté des idées dingues. C’est encore mieux l’après-midi, c’était l’endroit où tout le monde voulait passer. J’ai fait fabriquer un décor très novateur pour l’époque. Le générique a été souvent repris, c’était un tube de rouge à lèvres qui se baladait dans l’espace et qui dessinait. Je m’étais inspirée d’un générique américain qui s’appelait This is your Life. J’ai eu la chance de tomber sur un directeur des programmes qui m’a dit : « Écoutez, Dominique, rêvez, et on gérera votre rêve. » J’ai adoré cette phrase, je la garde, je la trouve très belle. Parce que j’étais incapable de gérer l’aspect financier d’une émission comme celle-là.
Nicolas(Hulot) n’est pas une « petite personne ». Cela peut aider à comprendre pourquoi il va au plus loin du plus loin et pourquoi il n’a pas peur. En fait, je pense qu’il n’a pas peur de mourir. On n’a peur de rien quand on ne craint pas la mort, il me semble. C’est comme cela qu’il est, même s’il aime la vie comme un fou, même s’il aime le bon vin. C’est quand même quelqu’un qui a besoin de se frotter à l’impensable, à l’impossible, et dans des conditions invraisemblables. Il a un courage assez rare, que la plupart des gens qualifieraient d’inconscience.