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Critique de LetCo


LetCo
05 décembre 2023
Le 15 novembre 1959, deux ex-détenus récemment libérés sur parole, Perry Smith et Richard Hickock dit « Dick », font irruption dans la maison d'un fermier prospère de l'ouest du Kansas nommé Herbert Clutter, avec l'intention de dérober l'argent qu'il détiendrait dans un coffre-fort. Information recueillie lors de l'incarcération d'un des deux malfrats de la bouche d'un ancien employé du fermier, mais erronée. Quand ils se rendent compte de l'absence de coffre-fort et d'argent, ils assassinent froidement toute la famille présente sur place : le père, la mère et deux de leurs enfants âgés de 15 et 16 ans. Puis ils repartent avec un maigre butin : quelques dollars, une paire de jumelles et un poste radio.
Arrêtés six semaines après, ils seront reconnus coupables et condamnés à la peine de mort. Ils sont exécutés par pendaison le 14 avril 1965.

C'est ce crime crapuleux qui retient l'attention de Truman Capote dans les journaux. Il s'y intéresse, mène de nombreuses investigations, recueille bon nombre de témoignages, des courriers, questionne la population locale et les autorités, consulte les documents de l'affaire, interroge les deux criminels, sonde leur for intérieur, cherche les causes profondes... Il veut saisir la trajectoire de ces deux hommes, comprendre comment deux êtres peuvent basculer petit à petit dans la délinquance et s'y enfoncer jusqu'à commettre un tel acte. Il veut savoir aussi comment une petite ville tranquille appréhende un tel événement, en analyser les répercussions. Il veut saisir tous les aspects de cette affaire, par l'étude de la nature et des causes du crime d'un point de vue individuel et social à la lumière des aspects psychologiques, sociologiques, économiques ou que sais-je encore. C'est un champ d'étude qui le fascine, l'obsède et l'épuise. 5 ans d'enquête, 8000 pages de notes...

Son enquête minutieuse sera la matière de son roman le plus connu de son oeuvre. Je ne l'avais jamais lu, je n'ai pas vu les versions cinématographiques. Je viens donc d'en découvrir la teneur. J'ai abordé cette lecture après avoir consulté uniquement les conclusions de critiques sur babelio afin de m'assurer seulement d'une bonne lecture, et après avoir pris connaissance via internet de la nature et des premiers éléments de l'affaire Clutter. Je suis donc partie presque en aveugle sur cet ouvrage, en tout cas juste avec l'essentiel pour ne pas perdre de temps à la compréhension du contexte, j'ai fait le choix de le lire comme une chronique judiciaire, avec la curiosité de découvrir comment l'auteur avait articulé son ouvrage, s'il était fidèle à la réalité des faits ou s'il s'en éloignait pour en faire un roman fictionnel, s'il prenait parti pour une cause ou une autre, s'il écartait certains pans de ses recherches ou s'il en restituait les fruits de manière exhaustive. Beaucoup de curiosité donc et un intérêt très vif pour son écriture et le liant qu'il allait mettre dans tout cela.

Je viens d'achever ma lecture et je suis d'abord impressionnée par la quantité d'informations relevées par l'auteur au cours de son enquête ; j'ai lu un dossier d'instruction très dense sous forme de roman. Un roman qui a tout d'une fiction mais qui raconte une histoire vraie, dans le détail, s'attachant aux faits, aux victimes, à leur entourage, aux auteurs du crime, à la ville et ses habitants, aux conséquences... Une lecture descriptive, longue de 506 pages, où l'on ressent pleinement le total investissement de l'écrivain, corps et âme plongés dans cette noirceur.
C'est un roman reportage, qui s'effeuille progressivement. le tout est restitué magistralement, c'est sans conteste un roman très abouti de l'oeuvre de Truman Capote qui témoigne de ses grandes qualités d'écrivain, le point culminant de son oeuvre. Un roman phare qui lui apportera la gloire avant de l'entraîner inexorablement vers son déclin, incapable de se remettre de sa rencontre avec Perry Smith avec lequel il a noué des liens d'amitiés et qu'il a vu comme son autre soi s'il n'avait pas trouvé la voix de la littérature, incapable de se remettre en phase avec lui-même et retrouver le sens de l'écriture, sombrant dans l'alcool.

«  de sang-froid », un titre dont on saisit plusieurs sens : le sang-froid des criminels dénués de sentiments lorsqu'ils abattent leurs victimes d'un coup de fusil dans la tête après les avoir ligotées et égorgé pour l'une d'entre elles, le sang-froid de la justice qui prononce la peine capitale, le sang-froid de Truman Capote qui conserve la tête froide dans l'analyse de cette affaire et parvient assez bien à ne pas mettre ses sentiments personnels dans ce qu'il rapporte.

Un roman qui m'a plu, séduite par la plume de l'auteur et sa capacité à narrer une affaire criminelle dans le détail, mais souffrant de quelques longueurs qui ont parfois diminué l'intérêt de la lecture ainsi qu'une traduction quelques fois approximative.

Un excellent roman à ne pas manquer de lire, un jour, quand vous le sentirez.
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