Le hasard a voulu qu'étant dans la lecture d'un livre de l'auteure roumaine germanophone nobellisée Herta Muller, j'ai découvert par un superbe commentaire enthousiaste d'une de mes « amies babeliotes », Christina (Chris49) un autre auteur roumain,
Mateiu Caragiale et son roman,
les Seigneurs du Vieux Castel.
Il m'a été facile de me le procurer, car disponible en téléchargement auprès d'une grande enseigne pour le prix dérisoire de 1 euro.
J'ai, moi aussi, beaucoup apprécié ce court mais somptueux roman, qui se déroule dans un Bucarest du début du 20ème siècle.
Un roman dans lequel il m'a été parfois un peu difficile d'attribuer les propos à tel ou tel protagoniste, mais qui est absolument fascinant par l'atmosphère décadente qu'il nous livre.
Dans sa préface,
Robin Planque évoque l'arrivée avec ce roman des fleurs du mal dans la littérature roumaine.
Oui, il y a de cela. Parmi les hommes qui animent ce récit, deux d'entre eux, Pasadia et Pantazi, des hommes plus tout jeunes, riches, raffinés, mais désabusés par la vie vont, avec un troisième plus jeune, vulgaire et dépravé, Pirgu, se livrer à une vie nocturne faite de beuveries, de rencontres avec des femmes jeunes ou vieilles, riches ou désargentées, et y entraîner un narrateur dont on ne saura que peu de chose.
Ces trois protagonistes qui, comme les Mousquetaires, sont quatre avec le narrateur, constituent le quatuor des « Seigneurs du Vieux-Castel » , comme les dénommera une vieille un peu folle rencontrée dans la rue.
L'intrigue est faite de déambulations dans Bucarest et dans des habitations luxueuses ou en ruines, d'évocations par Pasadia et Pantazi de leurs vies passées, et de rencontres avec des femmes, dont l'une essaiera de séduire le narrateur, et une autre subjuguera Pantazi.
« J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans » dit
Baudelaire dans un de ses poèmes Spleen. C'est ce spleen, ce dégoût de la vie, cette plongée dans un plaisir qui n'assouvit pas, qui parcourt ce roman splendide et baroque, mais bien mélancolique, je trouve.
Et puis, il y a une ville, Bucarest, dont l'auteur nous fait ressentir si fort l'atmosphère fanée, frelatée et décadente.
Pour terminer, je voudrais dire la beauté de l'écriture, magnifiée par la traduction de
Gabrielle Danoux (Tandarica chez Babelio). Ah, la traduction, quel art difficile c'est, je m'imagine. Cela m'a rappelé les propos de
Kundera, relatés, je crois, dans
l'Art du roman. Après s'être exilé en France et y ayant appris notre langue, il avait découvert avec irritation les traductions « fleuries » de ses premiers livres, qui, selon lui, n'étaient pas fidèles à son texte. Bien que ne connaissant pas le roumain, je suis persuadé qu'ici, le choix des mots rares (dont il m'a fallu chercher le sens dans le dictionnaire) aussi bien que celui des termes triviaux ou argotiques, est fidèle au texte original. En tout cas, cette traduction nous donne un texte magnifique.