Attention, ce billet pourrait sembler violent et partisan à certains d'entre nous. Si violence il y a, elle n'est que dans la remise en cause de notre mode de vie, de nos formatages et de nos lâchetés. Si parti pris il y a, il est assumé.
Utopia XXI, d'
Aymeric Caron. Pas facile de commencer un billet car
l'utopie prête à sourire dans le meilleur des cas, voir à la moquerie allant jusqu'au dénigrement. Quand à ça on ajoute
Aymeric Caron que la plupart d'entre nous définissent comme un bobo arrogant, méprisant et donneur de leçons, ça n'aide pas.
J'hésite à adopter la méthode de Notre Dame de Babélio qui avait fait de son billet sur « Antispécisme » un réquisitoire contre l'homme Caron sans avoir lu le livre, en me faisant « avocat » d'un homme de conviction dont j'ai lu le bouquin. J'avoue avoir été très tenté de répondre ici puisqu'on m'a interdit l'accès là bas (il y a longtemps) mais le si agressif Caron a par sa pensée imprimée sur papier, réussit à me faire adopter un angle plus modéré et de laisser de coté l'ironie qui me titille.
Avec
Utopia XXI,
Aymeric Caron continue de prouver qu'il est un homme de convictions. C'est probablement ce qui nuit à son image. C'est vrai qu'aujourd'hui mettre en accord ses actes et sa pensée devient un bien de plus en plus rare (perso, j'ai souvent du mal dans certains domaines) surtout quand il s'agit de la vie de la cité pour ne pas dire de la planète.
Utopia XXI à première vue c'est de l'enfonçage de portes ouvertes, des évidences. Mais…
— Quand il pleut, ça mouille.
— Oui merci t'es gentil mais te vexe pas, c'est pas un scoop. Et puis fais pas chier, je suis trempé.
— ???
— Ben il pleut...
— Et t'avais oublié que la pluie ça mouille.
— Euh… ta gueule.
Voilà, après quelques pages, bien trempé, on s'enrhume et on se dit que oui tout est évident, que tout n'est que bon sens et pourtant nos sociétés sont en rade en panne des sens.
Le livre est construit en trois parties. Songe, Mensonges, Rêves.
On commence le Songe par une interview imaginaire d'un habitant (descendant de
Thomas More, auteur d'Utopia il y a cinq siècles déjà…) de l'île Utopie qui évoque la vie chez lui et met le doigt sur les aberrations de notre système. Caron se met dans la position de l'intervieweur contradicteur en opposant à l'utopiste les objections les plus courantes faites en général par la bien pensance ambiante dans nos pays soit disant développés…
Quelques claques plus loin (j'avais prévenu que ça allait être violent) avec des sujets comme l'argent, le logement, l'écologie, le droit des animaux, le travail, la justice, la liberté, le temps libre, le communisme, le religion et quelques autres réjouissances, les deux hommes se séparent d'accord sur la conclusion à tirer de ce choc des consciences et inconsciences de l'homme. C'est pas gagné mais ça vaut le coup d'essayer d'aller à contre courant.
Cette petite introduction de 120 pages nous amène naturellement au constat à charge (comment pourrait-il en être autrement) sur notre société, sur notre quotidien, notre soumission, notre passivité, en un mot sur notre responsabilité.
Les Mensonges que sont les concepts de la démocratie, du travail, de l'argent, du terrorisme, de la nation, de la liberté, de l'égalité, de la fraternité pour ne citer que les grandes lignes, sont disséqués un à un par l'auteur avec nombre d'exemples (avec références) venant appuyer une plaidoirie sans faille contre notre système sclérosé par l'argent, le pouvoir, la bêtise et la peur.
A la fin de chaque sujet, des propositions « utopiques » bien argumentées qui feraient grincer des dents bon nombre de « non futurs lecteurs » s'ils se plongeaient dans ce livre. Des propositions qui tiennent la route bien mieux que ce qu'on nous explique à longueurs d'éditoriaux, de discours politiques, de journaux télévisés et autres instruments de lobotomisation.
Quelques exemples en vrac :
Un permis de voter après petit questionnaire au sujet du vote parce qu'il est vrai qu'on a tous un avis sur tout mais qu'on ne maitrise pas tous les sujets et que de s'en remettre à une traduction faite par un homme politique ce n'est même plus de l'irresponsabilité, ça relève de la connerie chronique aigue.
Plus aucun élu ne sera professionnel de la politique, semaine de quinze heures, revenu universel, salaire maximal, frontières abolies tout comme le scrutin majoritaire à deux tours, … oui j'entends quelques rires, quelques sarcasmes. Dit comme ça, je comprends mais ayez un peu de curiosité et lisez
UtopiaXXI, seule une mauvaise foi de compétition peut trouver des objections valables aux arguments de Caron. On peut ne pas adhérer à tout (moi le premier, sur le mariage ou la justice par exemple) mais au moins y réfléchir même si on a pris l'habitude qu'on réfléchisse pour nous depuis toujours.
La dernière partie, Rêve, est une petite conclusion où
Aymeric Caron explique un peu le cheminement de sa pensée et de son militantisme à travers son parcours. Je précise que ça ne fait qu'à peine vingt pages, ça évitera peut être à certains de parler de son égo…
Ce livre est à la fois déprimant et rassurant. Déprimant parce que malgré les évidences nous continuons à baisser la tête en allant droit dans le mur et rassurant parce que certains continuent malgré les embûches à croire qu'on peut changer les choses et à apporter sa contribution à un monde juste loin des considérations économicomerdicopolluantes.
J'ai fait long alors je vais terminer comme se termine le livre.
« Imaginons. Proposons. Risquons. Tant pis s'il nous faut pour cela sacrifier un morceau de carrière et quelques relations sociales. A quoi servent nos pas sur Terre, si nous passons pour nous taire ?
Réveillez vous, rêvez.
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