Jean Cartry nous fait partager son quotidien professionnel, et donc son intimité puisqu'il est, avec sa femme, famille d'accueil. On le suit, au fil des pages, entre rire et larmes, dans ses petits riens de la vie de tous les jours qui permettent à des enfants carencés précoces de réparer quelque chose d'une souffrance qui s'estompe mais ne disparait jamais tout à fait. On aime Rémi qui contemple les poules couver et dont l'Oedipe est envahissant, Thibaut dont « le rapport à la douche n'est pas spontané », Pierre qui au fil des ans répète les transgressions et les rendez-vous manqués et Sophie, figure maternelle, maternante qui semble rarement se décourager. Pas d'angélisme ici – l'éducateur cède à l'agacement, voire à la colère : la baffe éducative est parfois la seule issue, semble-t-il - pas de guérison totale, mais une présence, une disponibilité, un accueil du symptôme qui peuvent favoriser un peu de mieux-être.
Jean Cartry met à jour une pratique éducative respectueuse du rythme de l'enfant, qui s'élabore avec l'étayage de la psychanalyse (un peu trop à mon goût quand elle s'apparente à de la pensée magique). J'avais déjà beaucoup aimé
Cahier du soir d'un éducateur – cet ouvrage-là puise également aux racines de l'éducation spécialisée, dans sa tradition humaniste, et rappelle que rien ne remplace le quotidien partagé comme modalité d'accompagnement des enfants abandonniques. Dans la lignée de Graine de crapule.