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Citations sur Nos vies romancées (8)

Supporter sa liberté, pour une femme, est courageux et difficile. Supporter sa liberté pour un homme est parfois courageux, quoique moins difficile. La nuance est de taille mais s'il y a une nuance, même de taille, c'est qu'il y a un lien.
Epousez une profession digne de ce nom, mariez-vous (installez-vous en couple, au minimum), concevez un enfant dans la foulée : et la société vous lâchera. Au sens : vous foutra la paix. Rien de plus pratique et confortable, socialement parlant, que d'obtempérer devant ces trois devoirs fondamentaux (qui peuvent donner le meilleur, cela étant). Mais que l'une de ces conditions ne soit pas remplie (et pire : les trois) : alors profitez de la chance que vous avez de vivre dans un pays libre mais attendez-vous à n'être pas si bien vu que ça et à ce qu'on vous le rappelle tous les jours, même dans le silence d'un relatif tabou.
Je suis écrivain, je me suis toujours refusé (pour le moment du moins) à vivre avec qui que ce soit (il ne s'agit pas là d'un choix par défaut, merci), je n'ai pas d'enfants (sinon quelques-uns que j'aime, très proches de moi mais qui ne sont pas mes enfants) : alors je sais aujourd'hui ce que c'est de supporter ma liberté. D'où l'identification à ces écritures féminines (pas exclusivement mais identification tout de même). D'où sans doute aussi mon admiration pour cette romancière qui n'a cessé de raconter combien la liberté, et notamment celle des femmes, dérange : Jean Rhys.
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"... j'ai conscience que ce cas personnel qui est le mien n'est pas seulement un cas isolé, que c'est une histoire représentative et générale, qui peut en illustrer bien d'autres. Pour cette raison, peut-être, aussi, une question politique."
Politique, oui, bien sûr. L'enjeu de ce récit familial est, par essence, éminemment politique, comme dans beaucoup plus de romans familiaux qu'on ne veut bien le penser.
Zorn ne perd jamais de vue que, vainqueur ou pas devant la maladie, sa prise de parole est nécessaire, et pas simplement pour lui-même : "Si je me tais, j'épargne tous ceux qui n'aiment pas vivre dans un autre monde que le meilleur des mondes possibles, tous ceux qui n'aiment pas parler de ce qui est désagréable, et ne veulent reconnaître que ce qui est agréable, tous ceux qui refoulent et nient les problèmes de notre temps au lieu de les affronter, tous ceux qui condamnent les gens qui critiquent ce qui existe, même les plus intègres, les traitent de vauriens parce qu'ils préfèrent vivre dans une porcherie non critiquée plutôt que dans une porcherie où l'on ose prononcer le mot "porc". Mais ce sont justement ceux-là que je ne veux pas épargner et appuyer et dont je ne veux pas me déclarer solidaire, car ce sont eux qui ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui."
Il me semble que Zorn, du fond de sa tombe, nous conjure d'épouser le mouvement induit par son pseudonyme et le titre de son livre : une colère guerrière. Si son cas doit être utile, c'est en insufflant cette colère guerrière, dans l'espoir qu'elle porte jusqu'au point de libération.
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Alejandra Pizarnik note en 1959 dans son journal intime : «Je dois arrêter de lire les auteurs dont je peux me passer, ceux qui pour le moment ne m'aident pas.» Les livres que je voudrais évoquer ici ont eu le précieux don de m'aider plus que je ne me serais autorisé à l'espérer. Ils m'ont aidé au moment où je les ai lus bien sûr, mais aujourd'hui encore. Je ressens le besoin impérieux de m'y replonger à intervalles réguliers. On appelle cela des «livres de chevet».
Ces livres m'ont envoyé ailleurs, dans le corps et la voix de qui je n'étais pas et, ce faisant qu'ils fomentaient mon évasion, ils m'ont déposé au coeur de moi-même, procédant à une invasion salutaire, m'allouant cette chose toute simple dont on ne peut aucunement faire l'économie : la reconnaissance ; petit miracle que Charles Juliet résume d'un sublime trait de simplicité : «Le rôle de l'écrivain est de prêter à autrui les mots dont il a besoin pour accéder à lui-même.» Ces livres me devinaient, ils m'écrivaient et me donnaient droit de cité tout en mettant au jour une part commune. Je m'aventurais dans l'étranger pour finalement tomber sur moi-même, m'offrant d'aller dans une complexité à laquelle la dictature du divertissement généralisé a définitivement tourné le dos. Ces livres prenaient soin de moi. Bien sûr, ils me bousculaient, ils étaient crus dans leur exigence de vérité mais ils substituaient au silence, à l'angoisse et à l'isolement non pas le baume de la consolation (Dagerman a clos le débat : notre besoin de consolation est impossible à rassasier) mais la contemplation du vivant. Ni à genoux, ni à moitié mort, ni objet : debout, bel et bien en vie, sujet.
Ainsi, j'ai souvent eu le sentiment en lisant d'aller à la rencontre de «mes vies romancées» et, parce que c'est la part commune qui a toujours raison du froid glacial, de «nos vies romancées».

Évidemment, la plupart de mes «livres de chevet» ne figurent pas dans cet ouvrage. D'abord parce qu'il m'a fallu n'en choisir que quelques-uns, sous peine d'avoir trop peu d'espace à réserver à chacun d'entre eux. J'en ai donc retenu six, à partir d'une liste bien plus longue dont j'ai pensé un moment que je ne m'en débrouillerais jamais. Mais, contre toute attente, l'odieux tri s'est fait de lui-même lorsque j'ai «redécouvert» qu'on n'a pas forcément quelque chose de pertinent à dire de tout ce que l'on aime. Certains livres sont donc tombés pour cause d'enthousiasme banal, obscur ou impropre à faire l'objet d'un exercice d'admiration.
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- Comment supporter sa liberté-, le très bel essai de Chantal Thomas, en est une autre démonstration: pour une femme, faire le choix de n'avoir pas d'enfants, de se construire une existence à soi faite d'écriture, de plages de solitudes choisies, de flâneries dans les cafés, de voyages, seule ou accompagnée par quelqu'un qui n'est pas spécialement un "mari", noyer parfois son chagrin dans l' alcool, tout cela est toujours appréhendé avec plus ou moins de désapprobation. alors il faut apprendre cette liberté, se l'autoriser lorsqu'on ne se sent pas fait pour un destin plus classique (je ne dis pas forcément plus conformiste, quoique ce soit souvent le cas). Il faut se risquer à faire ces choix de vie qui vous mettront nécessairement -à côté-, hors du groupe. Il faut supporter ces gens qui vous reprocheront votre liberté, n'y verront qu'un déplorable égoïsme, auront pitié de vous au pire, plutôt que de reconnaître que cette liberté leur fait parfois envie. (p.202-203)
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Au passage, Zorn s'autorise bien sûr un portrait de la bourgeoisie suisse dont on ne peut pas rire. Etre bourgeois, se lâche-t-il, c'est donc "être contre le fait que la fourmi se balade dans la forêt " parce que le sentier sur lequel elle se balade est peut-être un chemin privé où il est interdit de passer sous peine d'amende" (p. 118)
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Dans le chapitre passionnant consacré au texte unique et bouleversant de Zorn, "Mars"---

Hiver 2010. Je suis plongé dans l'œuvre d'Alice Miller, psychanalyste suisse décédée aujourd'hui, dont la recherche lumineuse s'articule autour de la maltraitance (physique et psychique) des enfants. Le mode d'éducation dont Miller étudie les ravages trouve le nom de "pédagogie noire" dans ses ouvrages. Avec cette question aussi désarçonnante que passionnante : pourquoi certains individus ayant traversé des drames tels que des faits divers, la guerre et la déportation parviennent-t-ils, vaille que vaille, à se reconstruire et à survivre là où des êtres surprotégés développent des névroses accablantes ? (p. 112)
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A propos de Jean Rhys:
Heureusement, il y a le refuge dans les livres: "J'ai tenté de me perdre alors, dès que j'en ai été capable, dans le vaste univers des livres, pour fuir cet univers réel, qui me posait tant de problèmes-univers dans lequel, j'en avais comme un pressentiment confus, obsédant, je serais toujours perdue, toujours perdante"
Plus elle grandit, plus Jean Rhys est inquiète. beaucoup de choses font question: la religion, les rapports entre les blancs et les noirs. Elle veut savoir si elle a raison de trouver tant de choses "injustes". Une pensée naît, ciselée et esseulée: "Bon gré, mal gré, j'ai l'impression de me heurter sans cesse à l'ambivalence des choses. D'en voir, en même temps, le bon et le mauvais côté. Je me demande parfois si je suis seule à réagir ainsi"( p. 180) ...
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c'est la part commune qui a toujours raison du froid glacial, de "nos vies romancées"
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