Ne pas se rappeler les premiers mois. Les mois du déchaînement. Quand tu tu débrouillais pour passer presque tous les jours avant de rentrer chez toi. Quand tu ne pouvais pas faire l'économie de ces parenthèses entre nos bras. Curieuse perfection.
(...)
Là : ce que j'appelle les mois du déchaînement. Qui ont duré pas mal de temps. Quand je n'avais même pas à attendre : tu arrivais déjà. Quand je supportais que ce "nous" ne nous appartienne pas. Quand j'ai commencé à me convaincre que tu viendrais me rejoindre définitivement un jour prochain.
Il n'aimait pas dormir, contrairement à elle. Dormir signifiait quitter l'autre. Même enlacés au lit, cela revenait quand même bien à quitter l'autre.
Qui s'endormirait (s'éloignerait de l'autre) le premier ? Qui cèderait le premier à l'insignifiante et ordinaire trahison ? (p.33)
Régulièrement, il insista pour la photographier nue. Elle lui demandait pourquoi il faisait ça. (...)
C'était juste pour la -garder-
L'intranquillité toujours relancée exigeait des palliatifs. Plutôt que de combler (impossible): il fallait garder, c'est-à-dire fixer; la photographie était idéale. (p.53)
Ma main est restée à la hauteur de tes omoplates. Figée. J'ai une douleur brusque que je n'arrive tout d'abord pas à situer. Je sais confusément que mon corps refuse que je le maltraite comme ça, que je le blesse sur ta peau peau.
Je me demande ce que tu fais là, je me le demande tous les jours mais je n'en parle pas, ça pourrait durer toute la vie comme ça, peut-être que ça durera toute la vie, j'en viens parfois à l'espérer. Mon homme, laisse-moi cette peau de chagrin qui nous tue, notre mort que je tiens en vie, à bout de bras, dont j'entretiens le souffle agonisant.
Lorsqu'elle arrivait à l'appartement, ils s'etreignaient. Ensuite ils discutaient. Puis ils s'etreignaient en discutant. Ou discutaient en s'etreignant.
Il est dix-sept heures trente et c'est absurde, je le reconnais, de lambiner là. Mais je n'arrive pas à travailler les jours où tu viens. Chaque rendez-vous fixé n'est jamais qu'une promesse qui pourrait ne pas être tenue.
Mylène n’avait pas eu cette indulgence aimante : elle l’avait jeté d’un coup d’un seul, comme l’on se débarrasse d’un jouet dont on s’est lassé.
(...) ma main qui s'avance et finit par renoncer parce que tu ne m'appartiens plus, un ordre puissant refuse que me soit rendu ton désir, de toi pour moi, que tu as perdu, absence que je fais mine d'ignorer, pour te retenir, et parce que je préfère ça plutôt que rien.
Ils avaient tous vécu ces amours qui vous dévorent puis, un beau jour, vous recrachent et vous rendent à la vie.
Lui était de ceux qui vont un peu trop loin dans ce qu'ils font et dans ce qu'ils disent, comme par crainte de paraître fade ou ennuyeux. Elle trouvait attendrissant de le voir forcer sa nature complexée.