Citations sur Le meurtre d'un enfant (10)
Ne serre pas trop fort.Une vie d'oiseau ça tient à un fil.Est-ce qu'avec un peu d'expérience on n'arriverait pas, à coups de pressions délicates et mesurées ,à provoquer mille petites morts et mille petites résurrections ?Ça ,c'est toute la question.
Je lis les journaux et l'Almanach de l'Humanité .Je crois aux caricatures.L'une d'elles m'effraie encore,la nuit: on y voyait le colonel de La Roque,horrible,les traits déformés, un rictus sauvage tordant ses lèvres. Il etait vêtu d'un uniforme mi-allemand,mi-français et tenait en laisse quatre molosses à la gueule ruisselante de bave et aux crocs découverts qu'il s'apprêtait à lâcher sur une femme maigre et pauvre ,à l'échine ployée et sur la robe de laquelle on lisait《 Démocratie 》.Oui,je croyais que le colonel de La Roque était comme ça. Me l'eût-on présenté 《 dans un salon 》 vingt ans plus tard ( impossible: il est mort en 1946) et mon regard l'eût passionnément radiographié afin de retrouver la caricature en même temps que j'eusse cherché du coin de l'œil sous quels divan étaient tapis les molosses. Je croyais que Goering avait des médailles accrochées jusque sur son caleçon. Hitler écumait dans sa camisole de force.Mussolini était un nain doté d'une tête difforme et d'un énorme menton en sabot mais Thorez portait dans ses bras une fillette encombrée d'une gerbe de blés.
On vote pour un parti politique dont les polichinelles d'estrades vous assurent qu'il lavera plus blanc ,demain les malheurs de l'histoire. Il ya progrès,.Mais tout le malheur vient de ce que cette notion a fini par infecter le domaine de l'art et de la morale où elle n'a que faire sinon des sottises.
J'en fus victime de cette infection: je croyais que Victor Hugo c'était mieux que Racine,que Baudelaire c'était mieux que Hugo,que Rimbaud c'etait mieux que Baudelaire et que Paul Éluard c'etait mieux que Rimbaud..Qu'Austerlitz c'était mieux que Trasimène et Verdun c'était mieux qu'Austerlitz. Et New-York c'est mieux que Paris et la planète Mars c'est mieux que la terre.Des Gaulois à nos jours ,de Vercingétorix à Gamelin......mais il y eut le tremblement de terre de 1940 et roulèrent à terre pour s'y briser,nos statues, mais s'ouvrirent les portes des camps de concentration qui m'apprirent de quoi j'étais capable puisque des hommes ( mes semblables oui ou non?) de cela avaient été parfaitement capables. Il a fallu que je me débrouille pour me sortir de ce bourbier.
Ce livre ,qu'on me pardonne,je l'écris sans plan et nul souci d'ordonner de quelque manière que ce soit la montée des émotions. Je l'écris sans calcul aussi.Oui,sans calcul.Tout ce qui me reste ,lorsque je m'assieds à ma table,c'est le désir de cerner d'un trait très dur tantôt très tendre lesvisages flous de quelques émotions. Je pose mon chevalet devant le paysage d'une vie,je cligne des yeux je prends mon pinceau et,à petites touches, je peins cet arbre qui dresse là-bas sa silhouette solitaire. Pourquoi justement cet arbre? Je ne sais pas. Dans tout le paysage déroulé devant mes yeux,je ne sais pas pourquoi cet arbre ,aujourd'hui,me semble très important.Comme je ne crois pas aux autobiographies ,mon intention,ici,n'est pas d'en tracer une.Non,je ne crois pas qu'un homme puisse être sans mauvaise foi le chroniqueur de sa propre enfance ou de son adolescence.
Les dieux s'opposaient très souvent en de violentes querelles qui,éteintes, emplissaient la maison de leur cendre.Tout commencait par un bougonnement, par des bruits qui se formaient et,soudain c'était l'éclat. L'air est immobile au-dessus des forêts ,des vignes et des champs.
Rien ne bouge et le promeneur venu des villes marche avec innocence dans un dėcor où-- comme le traître au théâtre se dissimule dans les coulisses-- les menaces d'orage s'abritent derrière les lisses draperies du ciel bleu.Une poule crie en battant L'air de ses ailes rognées ,le chien de la ferme poursuit ,dans un tourbillon de poussière et de poil jaune ,sa queue qu'il voudrait mordre et le paysan sait que tout ce qui s'accorde ,là ,sous son regard va ce soir se dėsordonner dans un bruit de tonnerre et dans un chaos de trombes et d'ėclairs
Tu triches.Tu joues les moines,les ascètes et tu souhaites être marqué de ces signes que 《 l'alchimie imprime aux grands fronts studieux. 》
Tu es un ours farouche et il t'arrive de rêver tuberculoses qui donneraient à ton teint la couleur des grimoires et allumeraient dans tes yeux les flammes des passions ascétiques. Tu abrutis ta carcasse de veilles,de lectures,de travail et plus en toi pousse la brute et plus tu te demandes si tu n'es pas ,par hasard,de la race des saints.
L'âge adulte, c'est l'enfance pourrie.
Les Dieux s'opposaient très souvent en de violentes querelles qui, éteintes, emplissaient la maison de leur cendre. Tout commençait par un bougonnement, par des bruits qui se formaient et, soudain, c'était l'éclat.
L'ange et la bête se livrent un combat sans merci.Tantot tu applaudis aux exploits de l'un ,tantôt aux coups de l'autre.Formidable rodéo au cours duquel tu essaies de dompter un taurillon furieux.
A califourchon sur le démon, le saint fait piteuse figure,s'accroche,se retrouve le cul par terre,remonte ,roule encore une fois dans la poussière et oublie que c'est montė sur un âne qu'on entre dans Jérusalem. Et tu es seul à mordre la poussière de l'arène. Les gradins sont vides.Que lui reste -t-il de fou au plein de cette misère ?
Qu'on imagine un Dieu qui douterait de sa divinité et ne croirait plus en lui. Un dieu qui se sentirait devenir irrémédiablement idole — bois, bronze, marbre, argile — objet mort de la foi qu'on lui adresse. Vous vous trompez, je ne suis plus Dieu, je ne fais plus de miracles. Si je marche sur les eaux, je coule à pic et j'attrape une hernie si je m'avise de soulever une montagne. Je suis devenu mortel.