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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Morgane Caussarieu poursuit ses allées et venues entre exploration des marges sociales (Chéloïdes) et vampires (Rouge Toxic). Techno Freaks s'inscrit dans la lignée de Chéloïdes par l'esprit tout en étant très différent dans son propos.
Roman court et dense, chapitres nerveux presque heure par heure, le rythme soutenu colle au thème de la fuite en avant. Un genre de 24 Heures Chrono mais en bien mieux, très immersif, sans facilités d'écriture (ici, la fille de Jack Bauer ne se fait pas enlever tous les deux épisodes).
Comment le qualifier ? J'ai décortiqué le bouquin dans tous les sens pour trouver un point négatif. Parce que le livre parfait n'existe pas et que je me méfie toujours du “trop beau pour être vrai”. Alors je pourrais toujours pinailler sur une ou deux phrases, formulation de ci, tournure de ça (et encore, même là, faut les chercher). Mais on serait dans l'ordre du micro détail de rien, de l'enculage de mouche gratuit (manquerait plus qu'on paye, tiens !). Aucun défaut qui saute aux yeux, rien qui fasse tiquer.
Ce roman est excellent. Une de mes lectures les plus marquantes de l'année 2018 avec Zanzara (Paul Colize) et Ames de Verre (Anthelme Hauchecorne). Trois bouquins qui, chacun à leur façon, placent la barre très haut en matière de style, de propos et de personnages. Très très haut.


De quoi parle Techno Freaks ?
Une bande de gens vadrouille de club en club en se défonçant tout du long.
Palmes académiques de la concision.
L'histoire en elle-même n'est pas importante, prétexte pour raconter autre chose : Berlin et surtout les gens.


Et je parle bien de gens, pas de personnages qui se limiteraient à une galerie pittoresque de gueules hautes en couleur. A travers eux et leur monde, le portrait plus global d'une société qui part en vrille. Pas juste les freaks – qui ne représentent jamais que le symptôme visible – mais l'ensemble du monde.
Si Goldie, Opale, Dorian, Nichts et les autres créatures de la nuit n'avaient été que des personnages, j'aurais apprécié le bouquin sans plus. Eux et moi on vit dans des mondes à douze mille années-lumière. Je ne me drogue à rien de plus costaud que la caféine, sur une échelle de 1 à 10 mon intérêt pour la techno frôle les -1000, et la dernière personne à avoir tenté de me traîner en discothèque a fini avec le bras pété. Niveau identification, ça partait moyen.
Pourtant, je me suis tout de suite glissé dans leurs godasses. Un cousinage a aidé, via le statut d'expat', les bidouillages corporels (tatouages et scarifications), le nihilisme et la conscience de l'absence de sens de l'existence. Eux ont en plus la culture de l'excès et, à leur façon, un appétit pour la vie.
Caussarieu les fait vivre, dépasser le caractère de papier, en leur injectant une dose d'humanité XXL. Difficile de dire à quoi ça tient, un mélange entre le style, le vocabulaire, la connaissance du sujet, un état d'esprit, autant dire le fond et la forme, avec quelque chose en plus, me demande pas quoi. Toujours est-il que tu es avec eux dans le bouquin. Sur les lieux. Dans leur tête. A Berlin.


Berlin, je connais peu. La dernière fois que j'y suis allé, c'était en août 44 quand j'avais dû quitter la France. Un départ dans la précipitation, parce que j'ai horreur des coupes courtes. Soi-disant que j'aurais couché avec des Allemands… J'en suis reparti en mai 1945, le coin devenait invivable. Trop de bruit, trop d'agitation, sans parler des problèmes avec les voisins. Soi-disant que j'aurais couché avec des Russes… Je suppose que la ville a dû pas mal changer depuis.
Les évolutions contemporaines imprègnent le bouquin. Berlin, capitale underground et alternative, pour combien de temps encore ? Pression immobilière, gentryfication, boboïsation, hipsterisation… Les temps, les lieux, les couches sociales et la culture changent. “Ce qui menace Berlin, c'est de bientôt ressembler aux autre capitales d'Europe.” (Sauf mention contraire, les citations sont de Morgane Caussarieu.)
Aujourd'hui, tu trouves même des agences de voyage qui te proposent la visite du Berlin alternatif. Un underground mainstream, tendance. Contradiction dans les termes.
Jusqu'à ses acteurs qui ne sont pas dupes. Dès les premières pages du bouquin, le constat de Goldie sur les codes du milieu où elle évolue ne laisse aucun doute sur l'uniformisation à l'oeuvre : quand tout le monde est tatoué dans le même style, le tatouage a-t-il encore valeur de marque distinctive ? Idem pour ces punks mentionnés plus loin, qui “exigent le droit à la différence en ne vivant qu'entre gens qui se ressemblent”.
Quand l'underground fonctionne sur la base du paraître, des boîtes avec pignon sur rue, des DJ à la mode, des listes d'invités, sur le même schéma que les réceptions de l'ambassadeur, il en reste quoi de l'alternatif ?


Chaque personnage du roman reflète ces contradictions des freaks. Se démarquer de la norme et du conventionnel. Se retrouver seul, donc paumé. Trouver d'autres freaks, les intégrer, se plier à leurs codes. Parce que, toutes contre qu'elles soient, les contre-cultures forment elles aussi des groupes sociaux avec leurs règles. Une fois dedans, essayer de se réaffirmer, de se démarquer… mais pas trop sous peine d'exclusion. Funambulisme perpétuel entre l'individualité et l'appartenance à une tribu.
Note que ça vaut pour les non-freaks. La société conventionnelle fonctionne de la même façon. A se demander qui est le freak de qui…
En lisant le périple de Goldie filant de club en club avec de la kéta plein les narines, j'ai beaucoup pensé à mon grand-père qui écumait les thés dansants et se chargeait à la camomille en se trémoussant sur du musette. Techno allemande vs Derrick, pas grand rapport à vue de nez et pourtant… Même recherche d'une sociabilité avec des gens comme soi, même envie de s'éclater après une semaine pas palpitante, d'oublier dans la musique le quotidien pépère et la mort qui rôde. Comme disait un célèbre accidenté de la route, la même “fureur de vivre” (mention contraire).


Cette folie du week-end a l'air d'une échappatoire. Dans un sens c'est le cas, comme une parenthèse éthérée entre deux semaines dans le monde réel. Sauf que le monde réel n'est pas la vraie vie, pas une vie tout court. Des journées en centre d'appel à ressasser la même rengaine, taf abrutissant, pas enrichissant dans tous les sens du terme. Nouvelle génération des forçats de la faim. Job par défaut, sans doute, mais a-t-on vraiment mieux à leur proposer ? Regarde autour de toi, le vrai monde réel, pas celui du roman. C'est le même en fait. Tout foireux, en chute libre, sans espoir de salut.
Quand tu lis la quatrième, tu te dis “c'est des petits jeunes qui font les cons, faut que jeunesse se passe, tatati tatata”. Jeunesse ne se passera pas, parce que le monde actuel n'a plus rien à offrir à cette génération. Ni aux suivantes d'ailleurs. le pire, c'est qu'elle le sait. Et le pire du pire, c'est qu'elle l'a accepté. Enfin, quand je dis “le pire”, c'est façon de parler, sans jugement de valeur, j'en ai fait autant il y a belle lurette.
Ce qui distingue les freaks de maintenant de ceux d'avant – je pense à la naissance du rock ou aux débuts du mouvement punk – c'est que la révolte a laissé place à la résignation et au fatalisme. Au consumérisme, aussi, quand on voit la place qu'occupent les fringues, le look, le paraître, le narcissisme… Plus de place pour la rébellion, parce qu'ils s'en foutent, qu'ils ont la tête ailleurs. Pas seulement à cause de la drogue, le matraquage social y est pour beaucoup, pub permanente pour un mode de vie basé sur la dévoration.
Là, tu vas me dire qu'il y a toujours une porte de sortie. Suffirait, comme propose Nichts (“rien” en allemand, la messe est dite) de quitter le “rêve berlinois”. Mirage où “tout paraît propice à la création” et où tout finit en drogue, survie précaire, projets fumeux, remise au lendemain, fuite en avant. Les expats pourraient certes retourner au bercail, oui, repartir vers un environnement plus sain, moins chargé en excès, dope, MST… Retrouver, pour les Français du lot, le président des riches, des riches toujours plus riches, des pauvres toujours plus pauvres, un chômage tel que quand le chiffre baisse de 1000 demandeurs d'emplois c'est la fête du slip. Dégoter un autre job… dans un autre centre d'appel Ipsos.
Nichts n'a pas tort sur le piège du night club géant qu'est Berlin, le chant des sirènes, le laisser-aller de tout ce petit monde plus superficiel qu'alternatif. Encore faut-il trouver l'issue de secours. Et on peut se demander si l'emprunter mènerait vraiment à mieux.


“La Fin ne va pas tarder, Dorian le sait, s'y prépare, la planète meure, on est en train de l'assassiner.” Et ça, on le sait depuis un moment. Peut-on jeter la pierre à Dorian et aux autres, qui préfèrent vivre à fond trois nuits par semaine pendant qu'il est encore temps ?
Souviens-toi les années 80, le début du chômage de masse et les premières alertes environnementales. Ils ont fait quoi nos parents et grands-parents à part se jeter dans l'actionnariat, les paillettes, la coke, le synthé et la pousse de moustaches ringardes ? Rien.
Maintenant il est trop tard. Se rebeller, agir, changer le cours des choses, c'était avant qu'il fallait s'y mettre.
Aujourd'hui, fini, rideau, plus rien à faire.
A part s'éclater pour oublier qu'on est tous déjà morts.
Lien : https://unkapart.fr/techno-f..
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Qui dit nouveau roman de Morgane Caussarieu, dit lecture décalée garantie ! J'ai pris ce roman aux Halliennales et j'ai eu une super dédicace de l'auteure. 🙂 Pas de vampires ou de surnaturel ici, même si à certains moments, on pourrait croire que les scènes auxquelles on assiste sont irréelles. On est plutôt dans la même veine que Chéloïdes, chronique de vie alternant l'alcool, la drogue et les sorties avec la vie quotidienne.

Ce livre est l'histoire de la rencontre entre deux êtres. Goldie croise Dorian dans un club : il est dealer et ils vont ensemble faire un voyage psychédélique durant lequel ils s'aperçoivent que leurs âmes sont « jumelles ». Cependant, Dorian est marié avec une autre diva du milieu, Beverly Gore… L'histoire se déroule chronologiquement, sur le temps d'un weekend. le roman est découpé heure par heure, la drogue et l'alcool coulent à flots et le manque se fait rapidement sentir. Les événements se succèdent, menant inexorablement au lundi matin.

Je dois dire que je suis assez impressionnée par le train de vie décrit, à la fois au niveau de la quantité de drogues consommées en peu de temps, de l'énergie déployée sans véritable pause, et de l'argent dépensé lors d'un weekend de fête. Certaines personnages qu'on suit font du métro-boulot-dodo la semaine pour gagner de quoi passer un weekend de folie. La plupart sont des expatriés qui ne parlent pas un mot d'allemand, mais qui se sentent pourtant mieux à Berlin que chez eux. Ensuite viennent la musique, les sensations, le feeling. La montée vers les étoiles puis la descente sur Terre, voire en Enfer. Les différents personnages sont très colorés, tous uniques en leur genre et allumés à leur manière. J'ai particulièrement aimé la Kéta Queen !

Parfois, j'avais l'impression qu'on partait un peu trop à l'extrême/l'absurde dans certaines situations, que ce soit avec le quotidien des personnages (par exemple, Goldie vit dans un squat où on réalise des films porno pour récolter des fonds pour sauver les renards et l'endroit s'appelle FFF : Fuck for Foxes) ou avec les sentiments amoureux. Après avoir lu Chéloïdes qui est beaucoup plus dur et qui traite d'un amour fort mais difficile, j'ai trouvé qu'ici, Morgane s'était un peu plus lâchée et qu'elle tournait un peu en dérision les sentiments. On se croit amoureux en quelques instants, on change de partenaires aisément, alors qu'on faisait de grandes déclarations quelques minutes auparavant.

Si tout le monde semble s'amuser lors de ses soirées, une angoisse plane sur ces moments d'égarements et de déconnexions : les maladies sexuellement transmissibles et plus particulièrement le HIV. Morgane l'avait déjà traité dans Chéloïdes, et c'est d'ailleurs au travers d'un des personnages de ce précédent roman que la maladie refait ici surface. Un personnage qui m'avait déjà glacée par son inconscience et son égoïsme dans Chéloïdes et dont l'ombre s'insinue dans les clubs et se déploie sur la clientèle insouciante.

J'ai beaucoup aimé cette visite de Berlin insolite. Je suis déjà passée par la capitale allemande, mais en faisant les musts touristiques. Morgane nous emmène ici au coeur de la vie nocturne, là où la fête ne s'arrête jamais. Des bars et boites de nuit prisés dont on visite systématiquement les toilettes ! Je dois dire que j'ai adoré la façon dont se termine ce roman, bien trash comme d'habitude, mais je ne vous en dirai pas plus ;)

Un roman d'ambiance underground berlinoise où l'alcool, la drogue et le sexe sont monnaie courante. Des personnages colorés, des rencontres qui changent une vie, pour le meilleur ou pour le pire. Un monde de rêves et d'amusement, mais aussi de maladies et de désillusions. Une lecture originale et décalée comme Morgane sait si bien les écrire !
Lien : https://livraisonslitteraire..
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TECHNO FREACKS
de Morgane Caussarieu

145 pages
Le serpent à plumes édition
2018

Une belle claque totalement improbable et innatendue.

Berlin est réputée pour ses nuits endiablées et sans fin.
Nous allons suivre différents personnages à travers leurs pérégrinations.

Des clubs au sound système impressionnant, le genre d'endroit où la musique est religion.

La population du Griessmühle devient de plus en plus navrante. Les gays trashos, ceux qui fréquentent le Lab-oratory, cette boite scato où des rouleaux essuie-tout pendent sur chaque mur, se font rares, et on voit fleurir des plate-bandes d'étudiant Erasmus en pâmoison après avoir bouffé leur premier ecsta. C'est au Berghain, le fameux club qui a fait sa réputation sur sa sélection élitiste, que le phénomène se révèle le plus flagrant. Quelques années auparavant, seuls les Freaks et les " Vrais " avaient le droit d'y pénétrer, et à présent, on y voit presque que des hipsters déguisés pour le week-end avec l'uniforme Berghain.

Punks, squatteurs, faune alternative qui peuple les rues en plein mouvement chimérique.

Morgane Caussarieu réussit un vrai coup de maître en les faisant vivre, leur injectant une dose foudroyante d'humanité.

Un vrai choc émotionnel voir culturel jusqu'à ressentir un vide à la fin du bouquin, ce sentiment d'abandonner une bande de supers potes.

Toujours avide de nouvelles lectures, j'ai découvert ici une plume décalée, à la limite de la nostalgie des années folles du "no future", une vraie révolution culturelle populaire dans les années 80.

Une jeunesse au sommet de l'excentricité créative, le "furet" par exemple pour ne citer que lui.

Au delà des vapeurs enivrantes et des riffs hypnotiques, des substances insolites émergent pour défier les conventions, hallucinations fictives pour quelques instants de flottements.

Une immersion totale au milieu des graffitis, de l'odeur d'urine, des outrances.

Je suis tout bêtement scotchée, je ne m'attendais vraiment pas à ça !!

J'ai adoré, un vrai de vrai coup de coeur, putain que c'est bon bordel !

⛔️Une mise en garde s'impose cependant, ce récit reste pour un public averti.

Bravo.

Merci.
Momo Caussarieu
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Dans ce roman court mais prenant, au rythme effréné, Morgane Caussarieu peint les portraits criants de vérité de personnages auxquels on s'attache même sans forcément s'y identifier. le monde à part des clubbers berlinois est décrit dans tous ses excès, le roman reste trash même s'il l'est moins que ce à quoi l'auteur avait pu nous habituer dans ces précédents romans. Une descente sans fausse note dans le quotidien de ces techno freaks qui ne dorment jamais.
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