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Critique de The_Noir


Ce sont poèmes du souvenir mais aussi témoignages de la douleur; ce sont les expériences de la guerre, la shoah, l'absence et la mort que Celan traduit dans un langage au ressenti à la fois intime et universel, aux images extatiques côtoyant un vécu des plus insignifiants. le vécu y a ce caractère sacré des petites choses, images de l'éternel.
Une poésie large mais laconique comme la vie.
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Puisque tant de critiques précèdent ce billet, je ne vais pas m'étendre sur une poésie éblouissante qui parle d'elle-même mais voudrais partager dans cette critique une réflexion sur la traduction.
Merci à @sonatem qui dans un échange m'envoie une traduction différente du poème Compte les amandes. Me voici face à deux traductions que tout oppose, ce qui m'incite à partager une petite analyse des différences entre les deux visions du texte que je reproduis plus bas.
Jean-Pierre Lefebvre prend le parti d'un « tu » au masculin qui peut tout aussi bien être une forme d'amitié, d'amour qu'un dédoublement du « je ». Sa langue me semble plus soutenue mais utilise le passé composé qui prolonge dans le présent le vécu du poète; il martèle son souvenir avec cette anaphore des « que » et l'allitération des « qu » qui rythment toute la dernière partie du poème.
Valérie Briet, elle, associe le « tu » à la femme, possiblement l'être aimé. Elle utilise le passé simple plus littéraire qui marque surtout la cassure avec le présent donc la déchirure, le regret. Ses vers sont plus liés, coulants en quelque sorte et le vocabulaire plus commun ce qui rend le poème plus intime.
Deux superbes traductions au ressenti fort, cette-ci plus intime l'autre plus solennelle à mon avis.
Mes amis traducteurs ne me contrediront pas si je prétends que la traduction est un art en soi et qu'il faut aussi être poète pour traduire un poète.
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COMPTE les amandes,
compte ce qui fut amer et t'a tenue éveillée,
compte-moi parmi :

Je cherchai ton oeil quand tu l'ouvris, sans personne à te voir,
je tissai ce fil secret
où la rosée de tes pensées
roula jusqu'aux cruches
gardées par un adage qui n'a touché coeur de personne.

Là-bas seulement tu entras toute dans le nom qui t'appartient,
tu vins à toi d'un pas sûr,
libres, les marteaux s'élancèrent au beffroi de ton silence,
la parole devinée fit ta rencontre
ce qui est mort t'a enroulée toi aussi dans son bras
et vous alliez à trois dans le soir.

Rends-moi amer.
Compte-moi parmi les amandes.

in Pavot et mémoire, traduit par Valérie Briet, Christian Bourgois Editeur, 1987.
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COMPTE LES AMANDES,
compte ce qui était amer et t'a tenu en éveil,
Compte-moi au nombre de tout cela :

Je cherchais ton oeil quand tu l'as ouvert et que personne ne te regardait,
j'ai tourné ce fil secret
sur lequel la rosée que tu pensais
a glissé en bas jusqu'aux cruches
que protège une formule qui n'a trouvé le coeur de personne.

C'est là-bas seulement que tu es entré tout entier dans le nom qui est tien,
que tu as marché d'un pied sûr vers toi-même,
que les marteaux se sont balancés librement dans le beffroi de ton silence,
que le tout juste Entendu est soudain venu jusqu'à toi,
que le déjà-mort t'a aussi entouré de son bras,
et vous êtes allés trois en un dans le soir.

Rends-moi amer.
Compte-moi au nombre des amandes.

in Choix de poèmes, traduit par Jean-Pierre Lefebvre, Poésie-Gallimard, 1998
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