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Critique de EBONNAVE


Miralles, le vétéran de la guerre d'Espagne, simple soldat du début à la fin, démobilisé en 1945 en Autriche s'interroge sur la pérennité du souvenir d'évènements qui n'intéressent plus personne. Un soldat inconnu que tout le monde appelle Miralles comme s'il s'agissait de son prénom. Une des dernière voix capable de parler de cette guerre qui, quoi qu'il en dise, hante encore les esprits au point d'observer chez certains intellectuels, une forme de nostalgie, un rêve de guerres idéologiques à une époque où le numérique et les effets spéciaux ont remplacé les textes épiques. Les déjections d'un Malraux (Genre BHL) ou d'un Hemingway tentent de nous bercer des légendes qui les nourrissent. Les admirateurs inconditionnels de ceux qui poussaient les commissaires politiques staliniens à remettre de l'ordre dans les rangs pour se préserver des POUM ou autres poussées chaotiques, des lubies d'anarcho-syndicalistes ressurgissant aujourd'hui comme des démons extraits d'une fosse commune.
L'écrivain américain, auteur de Pour qui sonne le glas, traduit en une phrase la tragédie, un échange verbal entre deux de ses personnages fictifs s'exprimant au sujet de Calvo Sotelo, «c'était un bon fasciste», et l'autre qui lui répond, « ce sont ceux qu'il faut tuer en premier ».
Le journaliste J.Cercas s'exprime lors d'une interview dans un salon du livre en France et fait référence à son livre qui a changé sa vie parce qu'avant Les soldats de Salmine il était un écrivain sans lecteur et que du jour au lendemain il s'est métamorphosé en auteur à succès.
Il précise également que la guerre d'Espagne n'est pas une tragédie parce que dans une tragédie les deux camps ont raison. Mais dans le cas du conflit entre nationalistes et républicains, le gouvernement légal est attaqué et doit se défendre. Mais quelle est la légitimité de ce gouvernement légal quand ses milices assassinent des députés, emprisonnent des opposants et par conséquent confisquent le débat démocratique, profitant de l'entrée en conflit pour fusiller les leaders nationalistes.
Comme beaucoup de gens de gauche à la sauce Antonio Machado (Son frère a choisi le camp nationaliste) saupoudré de Nicolas Guillen (Prix Staline pour la paix en 1954), J.Cercas est dans le camp du bien, alors que j'ai choisi le camp du diable, il y a de cela longtemps et bien qu'il m'arrivât encore de fredonner les mélodies de Paco Ibáñez.
Mais j'apprécie néanmoins sa performance littéraire, le plan en trois parties qu'il nous livre est remarquable et nul n'est besoin de reprendre son souffle pour le parcourir. La guerre d'Espagne n'est pas qu'une affaire d'historien, c'est aussi une affaire de famille, car il s'agit d'un conflit fratricide, Montherlant disait que « tout homme est une guerre civile » et sa pensée dépassait le cadre de la scène théâtrale, bien évidemment.
Cercas poursuivra cette introspection dans le Monarque de l'ombre, cette visite parmi ses ascendants qui auraient choisi le camp du mal. Ouvrage également passionnant où il réussit à mettre un mouchoir sur ses convictions personnelles pour mieux appréhender l'engagement de ceux qui auraient choisi le camp nationaliste.
Pour revenir au personnage ayant motivé le livre, Sanchez Mazas, l'un des fondateurs de la phalange, rescapé d'une exécution sommaire, antithèse de Miralles parce qu'il n'a jamais tenu un fusil de sa vie, cet homme que je ne connaissais pas avant de lire le livre demeure un paradigme. Celui de l'intellectuel, journaliste, écrivain, à l'image de Javier Cercas, dont l'engagement et la vie qui suivra, symbolise parfaitement l'écart existant entre une idéologie et sa traduction dans la réalité. Les contradictions, le travestissement, les décalages, voire aussi la trahison opposant l'homme de pensée et l'exercice réel du pouvoir éloigné de l'idéal fondateur sont ici clairement mis en exergue.
J'ai également apprécié les touches grivoises agrémentant le récit, touches personnelles d'un auteur apparemment porté sur le sexe.
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