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Critique de fbalestas


Vous ne pouvez pas vous rendre cet été en Espagne pour cause de COVID ?
Voilà un excellent livre pour l'été, que je l'ai lu grâce à la recommandation de mes amis Babeliotes.

Le flic s'appelle Melchor.
Melchor, comme un Roi Mage : sa mère, une prostituée des environs de Barcelone a poussé un cri de joie à sa naissance. le seul moment de grâce dans une enfance catastrophique : sans père (se questionnant sur tous les hommes de passage qui se faufilaient derrière sa mère pendant la nuit pour savoir si ce ne serait pas celui-là ?) et sans repère, ce fut la violence et la prison qui furent au rendez-vous de son adolescence.
Mais un autre rendez-vous provoqua son destin : celui de la littérature. A l'occasion d'une rencontre avec un écrivain venu parler avec les prisonniers (une scène superbe pour dénoncer ses écrivains hypocrites qui font montre de bonne oeuvre en se déplaçant en prison), Melchor par hasard va découvrir l'ouvrage qui va faire basculer sa vie : « les Misérables » de Victor Hugo.

Amis Babeliotes qui vous intéressez à «Terra Alta », c'est le moment de vous replonger dans ce classique majeur de la littérature du XIXème. Pas tant pour suivre le personnage de Jean Valjean, qui deviendra Mr Madeleine par la suite, mais pour son personnage de flic intraitable : Javert. C'est donc décidé : à l'aide son avocat qui s'est pris d'amitié pour lui, Melchor poursuivra ses études en prison puis à l'extérieur, et deviendra le justicier qu'il rêve d'être, notamment pour retrouver les lâches assassins qui ont laissé sa mère battue à mort dans un terrain vague.

Dans « Terra Alta » Javier Cercas utilise les codes du polar à la perfection : un meurtre sordide (2 personnes âgées, notables en Terra Alta, torturées à mort), des indices trop visibles, un chef de police ambitieux mais qui commet des erreurs, un coupable idéal …

On suit l'avancement de l'enquête tout en suivant en alternance la vie de Melchior qui va rencontrer sa compagne par le biais … de la littérature puisqu'elle est bibliothécaire, et c'est ainsi qu'il lui fera découvrir « Les Misérables » tandis qu'elle lui fera découvrir la littérature du 20ème siècle.

On ne dira rien du dénouement ultime, pour ne pas briser le plaisir que les autres Babeliotes pourraient prendre à cette lecture, mais sachez que le polar est tenu jusqu'au bout. On pense au film « Isla minima » pour ce film tourné dans le delta du Guadalquivir, avec ses marécages couverts de rizières, ce labyrinthe végétal et aquatique, dans lequel se déroule une autre enquête tout aussi palpitante. Mais ici nous sommes sur les terres de l'Ebre, à l'extrême sud de la Catalogne et le paysage est tristement marqué par la fameuse bataille de l'Ebre, l'une des plus sanglantes de la guerre d'Espagne.

Personnellement je connaissais pour ma part Javier Cercas pour avoir adoré « les Soldats de Salamine » ou encore « A la vitesse de l'éclair » que j'avais chroniqué en son temps, ou encore « Les lois de la frontière » également chroniqué, je le découvre ici en auteur de polar, un genre dans lequel il excelle également.

Ses thèmes de prédilection sont toutefois toujours les mêmes : en revisitant encore et toujours l'histoire de l'Espagne et notamment celle de la guerre qui a profondément marqué le pays, y compris dans cette « Terra Alta » où personne ne veut plus vivre, sauf à y être né. Il traite des questions de souvenirs, de vengeance et de haine - « Haïr quelqu'un, c'est comme avaler un verre de poison et croire que c'est comme ça qu'on va tuer celui qu'on déteste » - mais aussi des efforts que font ceux qui restent sur une terre pauvre et hostile.

« La bataille de l'Èbre n'a fait que laisser des blessures visibles, » dit la belle Olga, comme si elle ne parlait pas à Melchor mais à elle-même. « Les tranchées, les ruines, les collines jonchées d'éclats d'obus, toutes ces choses que les touristes aiment tant. Mais les vraies blessures, ce ne sont pas celles-là. Ce sont celles que personne ne voit. Celles que les gens conservent secrètement. »
Melchor s'est découvert désormais une terre à habiter.

Alors en sachant qu'il s'agit d'une trilogie, j'attends comme beaucoup d'entre vous avec impatience la suite de ce « Terra Alta ».
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