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En 2012, Nirbhaya est victime d'un viol atroce dans un bus de New Delhi. Torturée, elle ne survivra pas à ses blessures. En 2022, l'Inde s'apprête à commémorer le dixième anniversaire de sa mort. Mais en dix ans les choses n'ont pas changé, les politiques et religieux continuent de porter une parole ambigüe, une parole destructrice qui remet toujours en cause les femmes. Les femmes ne sont toujours pas écoutées, les violences continuent et ne sont pas plus punies qu'avant.

Madhu est avocat et décide alors de porter plainte contre le dieu Ram. le Ramayana, l'un des textes fondateurs en Inde, est souvent cité et serait la source de ce patriarcat qui relègue les femmes au rebut et servirait bien trop souvent d'excuses dans les violences qui leur sont faites. Il sera aidé de Zulfiya, une anthropologue.

Sati est une jeune fille abandonnée, pas très bien traitée par celle qui l'a recueilli, elle ne parle pas. Mais le jour où Sita prend possession de son corps, sa parole se libère et petit à petit, les femmes l'écoutent et l'entourent.

J'ai énormément à dire sur ce livre. Ce sujet me parle et me révolte toujours autant. Je me rappelle de ce drame en 2012. Ca m'avait terriblement choqué, mais surtout énervé. Cette société patriarcale qui donnera de toute façon tort aux femmes, peu importe ce qu'il arrive. Sous couvert de traditions, de religions. Cette société qui dit que la femme doit tout accepter, se soumettre. C'est une colère que je porte en moi malheureusement et cette lecture m'a remué et transporté. Les tensions religieuses du pays pour justifier toutes les violences, violences sur les femmes pour punir "leurs hommes", les femmes peu importe l'âge n'est-ce pas... du bébé à la vieille dame... Aucune morale. Trop de personnes justifient encore cela...

Un homme va décider de se battre, sur un coup de tête, il va s'attaquer à l'un des fondements de l'hindouisme et donc de l'Inde. le dieu Ram. Et ça tombe plutôt bien, Sita va réapparaître, prendre la parole grâce à Sati, raconter son histoire et celle de Ram, la vraie, pas la version pour mecs virils. Les femmes vont se réunir, se souder, se soulever contre ces hommes qui leur prennent tout. Si seulement c'était vrai... Mais les choses ne changent pas, n'est-ce pas ?

Un livre que je vous conseille vivement, pour vous rendre compte que dans certains pays, le combat a à peine commencé et n'est pas prêt de se terminer.
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Il y a beaucoup de Salman Rushdie dans ce roman, le Rushdie des Versets sataniques, tant pour le message de tolérance et de révolte que par le réalisme merveilleux qui structure le texte, alternant les voyages entre l'Inde d'aujourd'hui, dix ans après le viol collectif et meurtrier de « Nirbhaya », et le monde de Sita la déesse, celui du Ramayana. (Rushdie est d'ailleurs longuement évoqué par une chronologie p.243-246). le caractère éclaté de ces allers et retours est renforcé par la dispersion des lieux et des personnages contemporains, et la remarquable diversité des types d'écriture : narration classique, extraits d'articles de presse, tweets, blogs, sms… Tout y passe ; seule manque à l'appel l'expression visuelle, à part un ou deux emoji. Une telle hétérogénéité permet de rendre compte de la complexité médiatique et socio-culturelle de l'Inde de Narendra Modi, entre misère des poètes itinérants baul et arrogante richesse de certains quartiers de Mumbai ou de Delhi. Même la narration classique donne lieu à de très courts chapitres sautant d'un personnage à l'autre, ce qui d'ailleurs fatigue un peu le lecteur à la longue – j'aurais plutôt gardé le procédé seulement pour les dernières pages, pour donner du rythme et créer une tension finale.
L'histoire : la jeune compagne de la baul, Sati, devient le medium de la déesse, Sita. Elle annonce la révolte de toutes les femmes de l'Inde, de toutes conditions sociales, de toutes castes et religions, contre un patriarcat symbolisé par le culte de Rama, qui chassa sa femme, qui mutila la pauvre Suparnakha, qui par arrogance massacra le peuple de Lanka… En parallèle, Madhu, un avocat de la ville de Sitamarhi, lieu de naissance de Sita au Bihar, se met en tête il ne sait trop pourquoi lui-même de porter plainte contre Rama – rien que cela - au nom de toutes les femmes de l'Inde : extraordinaire recours juridique déposé contre « Sri Ram d'Ayodhya, connu aussi sous le nom de Raghu, fils du Soleil, né entre -15 000 et -10 000 avant notre ère » (p.63). le personnage de Madhu est un peu falot, pas très sympathique finalement (est-ce une force ou une faiblesse du livre ?) : « d'habitude il ne se lève pas avant 8 heures pour être certain que Neenu [sa femme] s'est réveillée avant lui et lui a préparé son petit déjeuner avec les journaux du matin » (61. Cf aussi p.71). Il est rejoint dans sa lutte par une anthropologue indo-américaine, lesbienne, et d'origine musulmane de surcroît, Zulfiya. Tous deux devront affronter la Véritable Armée de Ram, entre RSS et Shiv Sena, qui travaille avec des sbires donnant dans le trafic sexuel d'enfants. Sati est capturée, mais
L'ensemble est remarquablement troussé (à part certains dialogues comme p.353). C'est un roman écrit avant tout pour des Occidentaux (Madhu pour préparer sa plaidoirie est censé découvrir sur le mythe de Sita des informations qu'en réalité presque n'importe quel Indien connait depuis l'enfance), mais il n'y a presque rien de didactique, et la variété des formes utilisées permet de transmettre habilement toute une vision kaléidoscopique de l'Inde, entre nationalisme hindou, pègre, spiritualité, statut des femmes, recettes de cuisine, littérature, pujas commandées en ligne (p.169), révoltes paysannes de 2020-21, poèmes religieux, sans parler du modèle réduit du nouveau temple d'Ayodhya (p.199) en vente sur Internet pour « Rs. 6 999 (code réduction 10 % DIWALI) ». C'est par une story d'Instagram de la fameuse Miss Fantastic qu'on apprend que dans le Travancore au 19ème siècle les femmes devaient payer une taxe pour se couvrir la poitrine, « et plus leurs seins étaient lourds, plus elles devaient payer cher ! » (p.181). On navigue entre roman policier et ode lyrique. Les dieux parlent, certaines Indiennes peuvent les entendre et voir, en 2022 comme au temps du Ramayana (p.108), et ce sont eux qui sauvent la jeune Sita du viol et de la mort : « Grognant et frémissant, Hanuman, dieu Singe, fils de Vayu le Vent, se penche vers le borgne et d'un seul geste, lui arrache les testicules » (p.396).
Un roman plein de cris, plein de détresses mais aussi d'espoir. Personnellement, vu mon expérience de la société indienne je ne crois pas trop à une telle révolte des femmes, tant elles sont segmentées en classes et castes. Mais l'énergie du livre y pousse !
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Pour comprendre le grand projet de Clea Chakraverty, il faut saisir les mythes et légendes hindoues (très bien expliqués dans ce roman), comprendre leurs valeurs dans le quotidien des indiens d'aujourd'hui et respecter silencieusement la voix des femmes qui souhaitent se faire entendre.

Il n'a pas du tout été évident pour moi de faire le lien entre les chapitres "fantastiques" et les personnages de notre ère. Pourtant, lorsqu'on saisit les méandres de leur relation, on ne peut rester de marbre.

L'autrice a fait le souhait d'étudier avec une narration romancée les impacts d'un mythe millénaire qui a façonné la société indienne siècle après siècle.

A la suite d'un entretien télévisuelle mettant en lumière un chef religieux donnant son avis néfaste sur l'évènement tragique de cette jeune fille dans ce bus. Un avocat décide de porter plainte contre le dieu Ram. Tout au long du livre, cet avocat accompagné d'une anthropologue, va tenter d'expliquer dans quelle mesure la narration du mythe au fil des âges a impacté la vie des femmes. Son acte courageux n'est pas du goût de tous mais il va repousser l'ordre établi pour penser en dehors du cadre spirituel imposé. C'est passionnant.

Malgré quelques longueurs, je remercie l'autrice de m'avoir amené dans son univers, d'avoir pu prouver que le questionnement des fondations de nos sociétés est nécessaire pour que tout le monde trouve sa place dans le plus grand respect.

En vérité, j'aimerais que ce procès ait lieu partout dans le monde ... que l'on continue de s'autoriser à penser en ouvrant grand ses yeux sur le vivant.
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S'il y a encore pas mal de chemin à faire en faveur de la condition des femmes, force est de constater qu'on n'en est pas au même point dans toutes les régions du monde. En la matière, l'Inde demeure l'un des pays où la situation est le plus dramatique. Les violences qui leur sont faites atteignent en effet un niveau proprement insoutenable : viols, brûlures à l'acide, meurtres restent monnaie courante, sans même parler des mariages forcés et de l'état d'asservissement dans lequel elles sont si souvent placées. Sans oublier les avortements contraints lorsqu'elles sont enceintes d'une petite fille.

Clea Chakraverty, qui a vécu plusieurs années en Inde où elle a été journaliste et dont le patronyme laisse penser qu'elle y a quelque origine, a tiré de ce constat un roman passionnant. Passionnant parce qu'il ne s'agit pas d'un nouveau récit se contentant de mettre en scène une victime ou une femme cherchant à s'émanciper. Elle a en effet choisi d'aborder la question selon un angle tout à fait original permettant d'interroger les fondements culturels de ces pratiques d'un autre âge. Revenant aux sources de la culture indienne, elle sonde le Ramayana, cette épopée retraçant notamment l'union du prince Rama et de Sita, qui sera enlevée par un autre personnage, ce qui aura pour conséquence de faire peser sur elle une accusation d'adultère.

Ainsi, à l'occasion du dixième anniversaire de la mort de Nirbhaya, une jeune fille qui fut violée et subit d'atroces sévices dans un bus de New Delhi, et alors que les responsables politiques et religieux du pays continuent de considérer les femmes comme responsables des violences qui leur sont faites, le jeune avocat Madhu Chandra a-t-il l'idée d'assigner en justice le dieu Ram lui-même. Il suscite aussitôt de virulentes réactions de la part d'une partie de la population, emmenée par Shri Yogi Abhinyav, premier secrétaire de la VAR, la Véritable Armée de Ram, organisation fondamentaliste hindoue. Afin que chacun des deux hommes puisse faire valoir ses arguments, un débat télévisé est organisé. Madhu doit donc fourbir ses armes et, pour cela, tente de prendre langue avec Zulfiya Wallace, une anthropologue ayant étudié le Ramayana pour mettre en lumière les différentes interprétations qui furent faites du texte - attirant ainsi sur elle les mêmes foudres que Mahdu.

C'est ensemble qu'ils partent à la recherche de Sati, une mystérieuse adolescente habitée par Sita et s'adressant aux femmes qui, à mesure que sa renommée grandit, viennent de plus en plus nombreuses recueillir la parole de celle qui passe désormais pour la réincarnation de la déesse.

Clea Chakraverty a mis en place un dispositif là aussi assez original, entrecroisant plusieurs fils narratifs - l'histoire de Sati, le procès intenté par Madhu et les tribulations de Zulfiya - et laissant place à diverses voix et différents types de prise de parole. Si, assez logiquement, les différents éléments narratifs se rejoignent pour donner à l'intrigue une dimension tout à fait intéressante, l'auteure intercale également différentes interventions permettant de définir très précisément le contexte social et politique dans lequel elle s'inscrit. Ainsi, les stories d'une instagrameuse populaire viennent-elles ponctuer le récit de précieuses informations. Utilisant les codes de l'appli, c'est avec force hashtags, selfies avantageux et formules visant à instaurer la complicité avec ses followers que Miss Fantastic expose toutes sortes de statistiques rappelant la réalité de la condition des femmes indiennes. Ce personnage, pour marginal qu'il puisse paraître dans l'histoire, est pourtant emblématique du tiraillement d'une société prise entre une conception traditionnelle et une autre plus urbaine et contemporaine de la place des femmes en Inde. Un contraste que l'on retrouve également entre des éléments de récit légendaire et d'autres résolument ancrés dans la réalité quotidienne qui se mêlent avec une étonnante fluidité.

Tout cela donne à ce roman une couleur singulière et rend le propos extrêmement efficace et convaincant. Sera-t-il de nature à susciter un mouvement féminin de grande ampleur comparable à celui qui se forme peu à peu en son sein ? Rien n'est moins sûr. C'est pourtant ce que l'on aimerait croire.
Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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Très belle découverte que ce livre remporté lors de la masse critique de janvier
L'auteure nous fait découvrir l'Inde avec tous ses paradoxes, son tiraillement entre modernité et tradition.
Suite au monstrueux fait divers du viol collectif d'une jeune femme dans un bus, qui lui a couté la vie, et qui a révolté le pays, la place des femmes et leur liberté font débat au sein de la société.
C'est en regardant un débat à la télé qu'un jeune avocat se lance dans un procès improbable contre un dieu de la mythologie hindoue. Pour arriver à construire son argumentaire, il va s'allier à une professeure d'université, spécialiste de la culture ancestrale et de la voix des femmes.
Ensemble, ils vont partir à la recherche d'une jeune adolescente, qui fait partie de la caste des plus pauvre, et qui serait habitée par le personnage de Sita, déesse dont l'histoire peut être interprétée de différentes manières selon la cause que l'on défend. Elle représente la manipulatrice ou la victime.
Le combat est lancée et va parcourir le pays et la société entière.
Je ne vous en dit pas plus pour ne rien dévoiler!
Mais si vous chercher un lecture divertissante, dépaysante, intelligente et engagée, alors ce livre est pour vous.
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PASSIONNANT ! 🤩

Inde, 2022. le pays s'apprête à commémorer le dixième anniversaire de la mort d'une jeune femme victime d'un viol barbare dans un bus de New Delhi. Madhu, un jeune avocat est consterné par l'absence d'évolution de la condition féminine dans le pays. Il est persuadé que le Ramayana, texte fondateur de la mythologie hindoue, dans lequel les actes violents de Ram envers son épouse Sita sont dédramatisés est à l'origine de l'enracinement de cette société indienne sexiste. Il a alors une idée complètement folle: porter plainte contre le dieu Ram...

À travers ce roman singulier et passionnant, Clea Chakraverty dresse un tableau saisissant de la condition des femmes dans l'Inde contemporaine.
La construction du roman est très intéressante et la forme alterne les styles. Des moyens modernes de communication sont utilisés, comme les posts Instagram de Miss fanatic qui permettent habilement d'énoncer des chiffres complètement édifiants.

À travers le personnage de Sati, une jeune fille muette et défigurée qui devient dans des épisodes de transe qu'elle ne peut contrôler, la voix de Sita, on en découvre peu à peu, de plus en plus sur le Ramayana. L'objectif de l'avocat étant de démontrer que ce mythe a été peu a peu récupéré par une idéologie misogyne et qu'il y a d'autres grilles de lecture qui s'inscrivent dans une vision de la société plus égalitaire, féministe, plurielle.

Le sujet est grave, mais traité de façon vraiment originale et l'autrice dresse un kaléidoscope de l'inde contemporaine. On sent une farouche volonté d'envoyer valser des convictions ancrées depuis bien trop longtemps.
Entre mythologie et sociologie, c'était riche et extrêmement documenté, l'ensemble m'a conquise !

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Ce roman entre mythologie et réalité nous dépeint l'Inde et plus particulièrement la condition des femmes indiennes.
L'idée initiale était originale, Madhu un jeune avocat indien assigné le dieu Ram en justice en tant que coupable à l'origine de la violence faite aux femmes de tous le pays.
Le roman oscille entre différentes époques, lieux, personnages. Et bien qu'il est intéressant de voir ce soulèvement des femmes, d'avoir une idée des textes fondateurs indiens et de suivre le parcours de Sati/Sita/Choti-Devi ainsi que du duo Madhu/Zulfiya… J'ai parfois eu du mal à suivre… beaucoup de noms différents, de changement d'espace temps.
Ce livre est beau et nécessaire par son message. Sur la forme je me suis tout de même parfois un peu perdue.
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La voix de Sita
Formidable roman qui nous emmène en Inde et traite la question de la condition des femmes de manière très originale.
Madhu est un avocat de Province aux conditions de vie moyenne qui décide d'intenter un procès contre une divinité indienne. le rôle de sa femme Sita aurait été détournée pour être à l'origine des maltraitances faites aux femmes en Inde. Pour l'aider, il fait appel à une professeure d'université, Zulfiya. Tous les deux voudraient retrouver une jeune fille, Sati, qui se dit habiter par Sita, porter sa voix. Cette jeune fille initie un soulèvement parmi les femmes indiennes bien décidées à se rassembler.
On alterne entre les voix des trois personnages intéressants et particuliers à leur manière et l'intervention d'une star des réseaux sociaux qui immisce des données et pourcentages sur les violences faites aux femmes.
C'est une épopée sociale qui alterne entre réel et mythologie, une approche très intéressante. Un premier roman au style très riche. L'autrice crée une histoire avec une superbe dynamique. C'est une lecture très fluide dont l'alternance des points de vue accroche habilement le lecteur.
La maîtrise de la richesse des intrigues est impressionnante. Une belle réussite.
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Madhu, jeune avocat, est effaré par le discours religieux face aux nombreuses violences faites aux femmes en Inde. S'appuyant sur la Constitution prônant l'égalite des femmes et l'interdiction de toute discrimination, il demande la condamnation de Ram et la révision du Ramayana (texte fondateur de la mythologie hindoue) pour obtenir la réhabilitation de sa cliente Sita.

Selon lui, les violences subies par les femmes indiennes s'enracinent dans une vision sexiste du Ramayana qui banalise les actes violents de Ram. S'attirant les foudres de sa femme et des associations religieuses et conscient d'avoir ouvert une brèche, il doit désormais coûte que coûte démontrer que les interprétations du Ramayana sont misogynes au risque de se voir condamner pour invitation à la haine.

Avec l'aide de Zulfiya anthropologue (qui elle aussi doit faire face aux insultes et aux menaces suite à l'un de ses articles) il part à la recherche de cette adolescente muette entant la voix de Sita.

En effet, alors qu'elle déambule dans les allées du marché, Sati se met à entendre la voix de Sita qui lui partage ses souvenirs pour qu'elle puisse transmettre son histoire au monde entier. Guidée par ses visions, elle invite les femmes à faire front pour se révolter contre toutes les injustices, et à faire entendre leur voix que l'on tait depuis trop longtemps...


Coup de coeur pour ce roman moderne et singulier tant par sa construction que par son approche. Alliant mythologie, sociologie et théologie, l'autrice nous livre ici un roman moderne et abile mettant en lumière toutes les conséquences d'un texte ancien sur les croyances d'aujourd'hui encrées dans la mentalité indienne. Peut-on remettre en cause les textes sacrés existant depuis des millénaires ? Doit-on les réinterpréter à l'aune de notre ère ?

Rythmé par l'avancée de ces personnages dans leur quête, le récit est également entrecoupé par des posts instagram de Miss Fanatic diffusant les effroyables statistiques des violences faites aux femmes en Inde. En Inde, c'est clair on préfère ne pas avoir de fille !

C'est un roman extrêmement riche, tant sur le fond que sur la forme, où il est question de politique, de pouvoir et de religion. J'ai aimé l'évolution des personnages qui eux-même s'interrogent sur leur vision de l'Inde mais aussi sur leurs croyances et leurs certitudes. Si, au départ, Madhu est guidé par ses intérêts personnels (ego,argent, réputation), peu à peu, il s'aperçoit de la nécessité de mener ce combat pour les générations futures. C'est une lecture qui ne laisse pas indifférent, et grâce à laquelle nous pouvons prendre conscience de tous les enjeux qui se cachent derrière un éventuel changement de paradigme.

Je ne peux que vous recommander cet excellent livre dans lequel l'autrice brosse, sans concession, le portrait d'une Inde prisonnière de ses traditions.
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« La Voix de Sita » est une chance éditoriale hors norme, tant ce roman accomplit ce qu'il y a de plus grand en littérature. Puissant, réalisé, ici, toute l'envergure d'un roman de génie.
Sociologique, engagé, politique, empreint des diktats des religions, les mythes et croyances en lames de fond, une histoire criante qui pointe du doigt là où ça fait mal.
Plusieurs lectures assemblent un kaléidoscope de l'Inde contemporaine. Cet immense pays ployé dans ses inégalités entre les hommes et les femmes, les religions musulmanes et hindouistes, les castes et les très riches et les très pauvres. Les convictions sont des tsunamis. L'irrévocable d'un pays dont l'aura des mythes a plus de pouvoir face à la libre-pensée muselée. Les violences faites aux femmes, les viols et les meurtres des petites filles.
L'histoire est le pictural de L'Inde, Clea Chakraverty, journaliste côté ville, pour différents médias pour le Monde diplomatique entre autre, et dont le travail est d'enjeu politique et social, notamment pour la revue en ligne : « The Conversation France ». N'oublions pas que cette autrice est aussi anthropologue.
Ici s'élève, l'architecture géopolitique, humaine d'une société en péril et dont les femmes n'ont que peu de reconnaissance et de visibilité. Vulnérables, elles sont des proies.
Nous sommes en 2022, dans l'ère de la commémoration du 10e anniversaire de la disparition de Nirbhaya, victime (rappelez-vous) d'un viol collectif dans un bus de New Delhi. Madhu Chandra Singh est un avocat qui aime se confronter au conformisme et, a son actif, un panel de jugements quelque peu iconoclastes. Il dépose une plainte, un recours extraordinaire contre Sri Ram d'Ayoddhaya connu sous le nom de Riaghu, fils du Soleil. Il cherche par cette action à réhabiliter « l'image morale et intellectuelle de Nirbhaya », symbole de toutes les femmes violées et tuées. Sa plainte semble ubuesque, sidérante. D'aucuns voient une forme de buzz, d'autres un courage vénérable et enfin le risque de la case prison.
Les religions sont prégnantes et d'un pouvoir sans limite. Sa plainte est un symbole, une confrontation à venir. Pour les juges elle est viscéralement incongrue et dangereuse pour Mahhu qui risque la répudiation. C'est un bras de fer contre les mythes et croyances qui s'enclenche. Son père lui ayant dit un jour, « mais si tu choisis l'une de ces professions, exerce-là avec fracas, mon fils ».
Le récit à tiroirs dont les passages « Story Insta de Miss Fantastic » sont des réalités, « saviez-vous qu'en moyenne, 63 femmes au foyer se suicident chaque jour en Inde ? 90 % des mariages sont arrangés. Chaque année 200 000 petites filles meurent avant l'âge de cinq ans. 400 000 enfants sont kidnappés chaque année, 11 000 ne sont jamais retrouvés et 300 000 réduits à la mendicité…. ».
« La Voix de Sita » est la traversée du miroir de l'Inde. Loin des clichés de cartes postales, l'histoire va chercher la réponse au travers de Sati, petite fille muette qui ne parle et incante dans plusieurs langues que guidée par la Voix de Sita, une victime perpétuelle. le Ramayana, texte fondateur, dans sa forme la plus intégriste et sexiste va se heurter à Sati une jeune adolescente, fragile et pure. Madhu aidé par Zulfiya, une anthropologue moderne, libre et éclairée vont partir à la recherche de Sati. Afin de rassembler l'épars pour le jugement de Madhu face à la puissance des Dieux et des juges et pour comprendre le pouvoir de cette fillette. Cette déambulation est l'idiosyncrasie de l'Inde. Des habitus, à la canopée des mythologies, le récit est un kaléidoscope éclairant, judicieux, qui démonte un à un les carcans. Un mythe qui heurte une société entière, complètement embrigadée dans des croyances qui font des femmes des bêtes jetées en pâture. Sati, plus qu'un symbole est celle qui collecte la voix nouvelle. Éloge pour Nirbhaya. D'un mythe à bâtir pour changer la donne, « de nouvelles compréhensions du monde ».
Magistral, une urgence de lecture. Un livre vaste comme l'Inde, précieux et dont l'intelligence aiguë est un point d'appui. Clea Chakraverty écrit pour elle (Sati) et elles (femmes de l'Inde et du monde).
L'Inde entre l'ombre et la lumière. Un livre-témoignage qui aiguise notre regard. L'Inde véritable. Publié par les majeures Éditions Globe.
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