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Critique de Brooklyn_by_the_sea


Comme chantait U2 (dont je ne suis pas fan, que les choses soient claires) : "I can't live with or without you", et voilà qui sied bien à Sorj Chalandon, qui s'exorcise ici de Denis Donaldson, son ami nord-irlandais, son traître.

Après "Mon traître", justement, où il romançait cette histoire d'amitié et de trahison entre un jeune Français naïf et romantique (Antoine), et une figure historique et respectée de l'IRA (Meehan, inspiré de Donaldson), Chalandon reprend son récit depuis le tout début, comme pour essayer de comprendre, d'expliquer -et de faire la paix avec lui-même ?
Retour à Killybegs, donc, où Tyrone Meehan voit le jour en 1925, au sein d'une famille nombreuse mais pas heureuse, la faute à la misère et à un père héroïque, alcoolique et violent. Enfui à Belfast à 15 ans, il s'acoquine rapidement avec l'IRA, est de tous les combats contre les Britanniques et les loyalistes, et devient, au fil des années, une gloire du nationalisme irlandais. Qu'il finit par trahir. Pourquoi ? Comment ?

Roman douloureux, dans lequel Sorj Chalandon se met dans la tête de Tyrone Meehan et déroule 80 ans d'histoire nord-irlandaise. On y croise des personnages réels (Tom Williams, pendu à 19 ans ; Bobby Sands, mort de faim à 27 ans), on découvre l'ignominie absolue des autorités britanniques en Ulster, et on mesure la détermination hallucinante des nationalistes. Tout ce livre est aussi une réflexion sur l'engagement.
Tyrone Meehan ne cherche pas à s'excuser, mais il nous fait part de ses certitudes et de ses regrets. Des rêves qui le portaient et de la haine qui l'animait, des coups donnés et des coups reçus, de la guerre, de la prison, de la pauvreté, de la dignité. Il n'y a pas de héros ni de zéro, il n'y a qu'un homme. Forcément, le roman prend aux tripes.
Je l'ai dévoré avec bonheur et affliction. Bonheur, parce qu'en tant que fan de Chalandon, de son écriture, de sa générosité, de la justesse des causes qu'il défend, j'ai été pleinement comblée. Affliction, parce que l'histoire est celle des vaincus, remplie de solitude, de violence, de désillusion. Toutefois, ce roman vibre aussi d'une intensité fiévreuse et rageuse, et c'est pourquoi sa lecture me semble incontournable : c'est l'hommage magnifique d'un romancier à un combattant qui incarnait l'idéalisme républicain, et qu'il considérait comme un ami.

Alors, lisez-le. Et vous ne pourrez plus vivre sans le souvenir de Tyrone Meehan.
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