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Citations sur Casablanca Circus (30)

“C’est un ambitieux, fulmina Chérif, il veut présenter des chiffres de relogement au-dessus de ceux attendus pour être promu ailleurs. May avait raison, les habitants du karyane sont sacrifiés au nom de calculs politiciens dissimulés derrière l’impératif de l’éradication des bidonvilles ! Nous ne pouvons pas accepter ça.”
Nessim fumait son cigare avec calme : “C’est la ville qui est ainsi. Votre agence doit vivre, vos familles aussi. Si vous ne voulez plus participer à ce projet, cent architectes sont prêts à le faire pour une moindre rémunération. Nous autres promoteurs ne faisons pas les lois, nous travaillons avec les budgets alloués. Les habitants du karyane vont troquer des habitats de fortune pour des logements urbains décents, électrifiés, avec des sanitaires, une vraie cuisine équipée, dans un quartier salubre. Pensez-y. Et vous pourrez avec les revenus de votre participation à ce projet financer ailleurs la construction d’une école écologique à Tétouan ou Imilchil. Ainsi va le monde… Ainsi va Casablanca… Nous apprenons à négocier avec nos idéaux… Le fameux principe de réalité, mon cher, conclut-il en se tournant vers Chérif.
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Peut-être alors les déchets plastiques en particulier, qui constituent au fond, la forme la plus achevée de cette civilisation de la consommation éperdue, deviendront-t-ils les traces sur lesquelles se pencheront des créatures nouvelles, qui à leur tour tenteront d'élucider ce que ces résidus métamorphosés disent de nos cosmogonies, de nos rapports avec nos conditions de vie, de nos croyances et de nos valeurs.
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« Tu es un poète », avait-elle souri avec malice mais il avait rétorqué, vif : « Jamais ! Les poètes finissent maudits, la ville les dissout, les avale, crache leurs os disloqués qui vont rejoindre les carcasses de poissons morts au large du port. Plutôt mourir ! Non, je serai un nabab... et toi la reine de Saba ! Ma femme. »
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Souvent Chérif lui a dit : « Nous n'avons pas habité la même ville, tu as vécu dans celle qui ressemble à Miami, au milieu des villas flanquées de grands jardins pleins de plantes aux noms évocateurs, quelques palmiers pour le décor, mais surtout prunus et daturas, lauriers-roses et orangers, parfois un cherimoya, des cactus géants et des caoutchoucs importés à grand prix, le bord de mer avec les piscines privées aux noms vertigineux, Tahiti, Sun Beach, ou plus loin les plages baptisées par l'occupant Tamaris, David, où vous mettiez le pied sans incertitude, vous les gosses d'Anfa et Longchamps, les gamins du lycée Lyautey qu’attendaient à la sortie sur le boulevard Brahim Roudani ou devant l'enceinte de Beaulieu les voitures rutilantes et les armées de chauffeurs dont les enfants, eux, scolarisés à Ain Chock, Sbata ou Hay Mohammadi, sortaient en bandes des lycées publics et arpentaient revêtus de leurs tabliers les entrailles de l'autre ville, mon amour, celle dont tu n'entendais parler que durant l'évocation de faits divers qui épouvantent le péquin, un homme a égorgé sa mère, sa femme et ses enfants dans le quartier de Sidi Othmane, la police mène l'enquête, et chacun de s'émouvoir en évoquant le sort de ces habitants des karyanes, relégués hors des territoires reconnus du centre de la ville, tout entiers absorbés par les multiples trafics qui conditionnent la survie, snifant la colle et dealant le qarqobi qui permettent l'échappée hallucinée hors des ghettos étouffants où ils sont enclos. »
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J'ai passé la matinée à transcrire les entretiens enregistrés avec Hakim, qui habite le karyane depuis vingt ans, et vit de la pêche mais aussi de menus travaux. Il répare les essieux des charrettes, les chaînes de vélos dans une échoppe å Bab Marrakech, avec son frère, Issam, quand l'océan démonté rend la navigation dans la barque à moteur trop dangereuse pour affronter une journée de pêche. J'ai dans les oreilles sa voix rocailleuse, traînante, qui dit avec une apparente indifférence sa vie cassée. La première fois que je l'ai retrouvé dans la pièce qui lui sert de maison, encombrée de filets, d'appâts grouillant dans des boites de conserve aux arêtes coupantes, j'ai failli m'évanouir tant l'odeur de mer, d'algues, de cigarette, les relents d'alcool étaient puissants. Je me suis assise sur la banquette en cherchant ma respiration. Hakim m'observait, attentif sous ses paupières à demi scellées, mégot à la bouche, il a ri : « Ça sent l’homme seul, ici, et la misère, hein ? Tu n'as pas l’habitude... Ça pue, la misère... celle des mecs encore plus. Tu es toute propre, toi, tu as une salle de bains, tu changes de vêtements tous les jours, en rentrant tu vas te frotter pour oublier ce que tu as senti, tu vas l'écrire mais l'oublier, le coller dans ton cahier pour que ce soit quelque part, un cahier c'est comme un livre, on l'ouvre et on le ferme quand on veut, mais la vie on la ferme pas, on l'ouvre même pas pour soi, la vie elle te met sur le ring, et tu boxes jusqu'à la mort. Tu me demandes qui je suis ? Tu as la réponse, je suis un boxeur, mais j'ai perdu tous les matchs. »
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 C’est injuste, mais ce sont les femmes qui doivent prendre soin de leur honneur, les hommes sont des animaux, Dieu les a voulus ainsi. 
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Je suis choquée de la manière dont nos lois punissent les enfants illégitimes – je déteste cette expression –, quand le père refuse de les reconnaître. Non seulement la loi fait porter l’entière responsabilité de la naissance à la mère, mais elle soustrait les pères à toute responsabilité ! Même un test génétique ne fait pas office de preuve, et ne contraint le père biologique à aucun devoir vis-à-vis de l’enfant. Ce sont des lois insupportables, qui protègent avant tout l’institution du mariage et le patriarcat.  
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sa fille et elle à l’abri, soustraites aux commérages malveillants, à la relégation sociale et Rahma plus tard à l’humiliation dont notre société frappe les enfants sans père, au lieu de poursuivre les lâches qui abandonnent les jeunes filles enceintes et continuent leur vie dans une totale impunité.
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Et pourquoi n'envisages-tu pas que le rôle sacré de père détermine la vie sociale des hommes et que pour le remplir pleinement ils renoncent à leurs activités en partie, un travail à mi-temps pour les pères et les mères, qui ainsi partageraient le bonheur d'éduquer leurs enfants et le devoir de pourvoir aux besoins de leur famille ? Ce serait un bouleversement intéressant de l'idée que nous nous faisons de l'accomplissement masculin et mettrait un terme définitif aux inégalités.
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 Mais moi je sais pas lire, tu me raconteras le livre et surtout les passages où tu parles de moi. Ça me fait quelque chose de me retrouver dans un livre, moi qui ai arrêté l’école à douze ans ! 
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