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EAN : 9782330079314
180 pages
Actes Sud (08/03/2017)
3.79/5   19 notes
Résumé :
Dans un grand sac de toile se trouvent toutes les photos de famille de Sara. À cinquante ans, entourée de ses deux fils et divorcée depuis leur naissance, elle pioche au hasard, et pour leur plus grand plaisir, les images du passé et avec eux retrouve les temps heureux du Maroc à l’orée des années soixante-dix et jusqu’au présent de leur petite enfance. Chaque visage, chaque scène ouvre en elle un récit, parfois nostalgique, souvent politique ; une lecture de ce pay... >Voir plus
Que lire après Mourir est un enchantementVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Dix-huit ans après la parution de son premier livre, la romancière marocaine Yasmine Chami revient avec un ouvrage d'à peine plus de 100 pages, Mourir est un enchantement. Son héroïne, Sara, une femme de 45 ans, vit seule avec ses deux enfants. Atteinte d'un cancer, elle se sait condamnée à plus ou moins long-terme. Pour conjurer le sort ou, tout du moins, essayer de capter un peu de vitalité, elle replonge dans les photos du passé, celui où elle était enfant ou adolescente. Des souvenirs qui surgissent dans un désordre chronologique et qui racontent un Maroc disparu, le temps du militantisme et de l'insouciance avant les années de plomb. La voix d'Oum Kalsoun, les parfums de fruits, les conversations politiques, tout remonte à la surface en ces temps où la vie était intense et l'espoir vivace. La plume gracieuse de Yasmine Chami rend parfaitement ces moments impressionnistes volés au passé. Il y a dans le livre sans doute de quoi écrire une véritable fresque du Maroc depuis l'Indépendance. Ce n'est pas le propos, plus modeste, de la romancière. On aurait aimé accompagner Sara plus longtemps, la voir grandir et vieillir au fil des pages. Yasmine Chami ne nous offre que quelques instantanés et le squelette d'un beau livre en devenir. Dommage.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Le corps des femmes, enjeu de pouvoir, de représentation et de plaisir

Une photographie en noir et blanc, « ce qui est soustrait à l'oubli par l'objectif », ce qui est donné à voir et d'autres souvenirs non réductibles au cadre, « toutes ces choses ne sont pas sur la photographie », le temps reconstitué…

Des clichés, Sara et cet ancien sentiment d'invulnérabilité propre à une période de sa vie, celles et ceux qui sont photographié·es, « ils sont ensemble, pas de solitude, pas encore… », le temps des contradictions joyeuses, les proches et un contexte ensanglanté, le temps lent des déplacements, la transformation adolescente des filles, « dans l'ère du soupçon parental, tout signe d'éveil sexuel sévèrement réprimé », les fantasmes d'honneur patriarcal…

Toustes sont là « mais on sent déjà l'absence des présents », Yasmine Chami par la voix de Sara aborde les moments photographiés, la remémoration d'événements et le présent, « la réalité devenue si banale des familles monoparentales », la sécularisation et le fondamentalisme religieux, « la réduction des croyances religieuses à une vénération superstitieuse », ce qui peut être vu aujourd'hui sur la photographie d'hier, la fermeture du pays et l'Etat devenu policier, la mémoire vive…

Des éléments nous lient, des objets et des pensées, « l'ordre des objets est un bouclier contre le désordre du monde », la maladie nous transforme et modifie notre perception des choses. L'autrice parle de la fausse soumission des femmes (céder n'est pas consentir), « jouer entre les lignes, les mots, séduire, flatter, bref intégrer le sérail des femmes qui mènent la sale danse de la fausse soumission et des pouvoirs malfaisants », l'esprit éveillé se cogne aux lignes vivantes, des photos tirées en désordre d'une boite brouillent la chronologie, « tout le plaisir vient de cette pioche aléatoire, qui convoque le temps sans repère », des témoins de ces ruptures fortes ou de ces décisions de projet passionné de vie…

Des visages de parent·es, des impressions subtiles, les violences du pouvoir, des regards de et dans la famille, les livres, les possibilités soudain entrevues, le souvenir de cette première fois lorsque « fut hissé le drapeau algérien », le prénom prononcé « comme une gourmandise d'amour », les autres mondes comme par exemple, « Fès et Tlemcem, deux villes presque jumelles, anciennement joyaux d'un même royaume, creusets prestigieux pour le populations berbères, mais aussi arabo-andalouses, musulmanes et juives ayant fui l'inquisition espagnole », les émotions et la densité du monde, les ébranlements d'alors, les vies secrètes, l'invention de nouveaux liens familiaux, l'abolition des frontières « qui rendent le monde des adultes si lointain et inaccessible », le retour orchestré d'un tradition fantasmée « des rituels inventés et légitimés dans le même temps », la fermeture d'un sytème, les femmes réduites à leur utérus, le métier passionnant « d'écoute et de réparation des enfants », les transformations de chacune, les pleurs, « Quand cesse-t-on de pleurer ce qui n'est plus ? »…

Une littérature animée de photographies et de souvenirs, le portait de femmes, l'intimité et le devenir humain, le dos noir du temps, la dispersion dans la nuit…

« C'est toute la puissance d'un monde féminin jusque-là soigneusement contenu qui émerge, femmes seules dans un monde conçu par les hommes, qui peu à peu inventent leur place, l'installent, bouleversant subtilement toutes les évidences qui légitimaient l'ordre ancien »

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Je viens de faire une jolie rencontre littéraire. "Mourir est un enchantement" est un roman d'une fragilité rare. A travers les yeux de Sara, jeune femme marocaine prise en otage par la maladie, le lecteur voyage dans ses souvenirs de famille. On sillonne l'Algérie dans les années 40 avec ses grands parents, au milieu des mouvements vers l'indépendance. On traverse subtilement la guerre des sables, conflit entre l'Algérie et le Maroc, l'instabilité sociale des années 80, au travers de photographies familiales, confrontant les mode de vies des trois dernières générations de cette famille.

C'est un roman très féminin, où la place de la femme est mise à l'honneur. La construction du roman, définit par ces photographies, rend la lecture très imagée, détaillant les paysages, les personnages avec finesse. Ce tableau familial se confronte avec l'histoire de ce pays, leurs façons de vivre sur les dernières décénnies, mélangeant tendresse et désillusion.

Une très belle lecture que je vous recommande. Très bonne lecture à tous !
Lien : http://avoslivres.canalblog...
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Merci Yasmine Chami !

J'ai mis du temps, avant de me décider de lire l'auteure...

Des phrases longues, très longues !
Des descriptions chirurgicales !
Un univers presque révolu, une classe quasi disparue et ne reste que des souvenirs et une nostalgie malheureuse !

"... une fusion des lignées qui prémunissaient les uns et les autres contre les aléas des emportements d'amour, si dangereusement puissants et éphémères."


Je recommande !

Adil Mesbahi
Auteur d'ouvrages de géopolitique et romancier
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Sara, mère cinquantenaire, sait qu'elle va bientôt mourir. Alors entourée de ses fils Younes et Salim, elle remonte le fil de ses souvenirs, grâce à un sachet de photos qui rassemblent des moments d'intense bonheur et de profonde tristesse qui ont traversé sa vie. Elle pioche donc et tire du sac des photos sans ordre chronologique, desquelles s'ensuivent de longues réminiscences de son enfance bourgeoise au Maroc, du changement provoqué par l'indépendance mais d'une famille soudée et aimante.

Le lecteur apprend donc, à travers la plume attentionnée et nostalgique de Yasmine Chami, la rencontre entre son grand-père d'origine algérienne et celle qui deviendra sa femme, infirmière française. Il découvre les joies d'une Sara enfant, entourée de ses cousins et cousines, admirant la beauté de ses grand-mères, échangeant des conseils littéraires avec son grand-père. La mort est le fil conducteur de ce récit, Sara sait qu'elle pourrait bientôt perdre tout cela, mais bien que la tristesse soit présente, elle ne prend jamais le dessus sur la joie des souvenirs et l'amour d'une famille soudée malgré les déconvenues.
Lien : http://untitledmag.fr/pochot..
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Qui sait si elle ne trouvera pas dans toute cette douceur une force si ancienne que la mort ne pourra que reculer. Mais ce n’est pas ce qui importe aujourd’hui, enfin pas tout de suite. Aujourd’hui Sara essaie de retrouver ce sentiment unique d’invulnérabilité, ils sont là sur cette table au bord du temps, derrière eux les jeunes dieux tiennent le monde dans leurs mains : leurs parents sont naïfs et égoïstes comme eux-mêmes ne le seront jamais. Souvent elle se demande ce qui leur a manqué à eux, les enfants, pour s’installer au cœur de leurs vies, ils ont été si soucieux de ne pas manquer d’égards à ces parents trop jeunes,de leur laisser croire qu’ils étaient toujours au centre, invulnérables, hors du temps. Il est vrai que leurs parents n’ont pas songé à transmettre à leurs descendants un relais précieux ; peut-être fallait-il avoir la force de l’arracher.
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La vie est devenue compliquée, Sara sentait sa mère et sa tante suffoquées, leur jeune féminité malmenée. Peut-être une intuition de ce qui l’attendait, à la veille des transformations si radicales de l’adolescence, qui faisaient alors rentrer les filles dans l’ère du soupçon parental, tout signe d’éveil sexuel sévèrement réprimé… Une famille ouverte à la littérature, l’opéra, le blues, sa grand-mère est française, son grand-père est tombé amoureux très jeune de ses yeux bleus comme une mer un jour d’été, mais le paradoxe est entier, c’est lui qui leur a transmis l’amour des livres, la poésie, récitant Le Cimetière marin à table, la poésie de Rimbaud, les vers de Racine… Un humaniste, horrifié par la réduction des croyances religieuses à une vénération superstitieuse.
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Un dédain aristocratique dans un monde où l’aristocratie est condamnée à l’extinction ; elle déraille un peu, Sara, elle s’accroche à un monde où l’estime de soi était liée à une attitude, c’est ça, un monde où les causes humaines, les livres, la musique, avaient un poids ; elle s’en souvient comme d’elle-même, elle avait alors ce sentiment d’être bien au centre, au cœur du monde, aujourd’hui, elle est à la marge, il y a une tolérance irritée pour son entêtement à évoquer les émotions, la fragilité des êtres, une violence nouvelle est entrée partout, avec la puissance devenue presque infinie de l’argent, l’arrogance des nouveaux possédants, être ou avoir, Sara a choisi son camp depuis si longtemps, non sans colère, mais là sur la photo, ils sont tous ensemble, pas de solitude, pas encore…
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Il faut être ensemble dans cette dialectique pour raconter une histoire qui s’écrit dans le sang des victimes, il faut une lecture commune qui crédite et assoit les ignorances tragiques. La foi profonde de Jad est personnelle, défiant toute tentative d’intégration, elle requiert une conformité de chaque instant à une morale exigeante, un humanisme pratiqué chaque jour. Il a depuis l’enfance la conscience de la solitude de chacun, perception renforcée par sa pratique de médecin qui lui rappelle sans cesse les limites de l’assistance qu’il peut procurer aux autres, de sa bonne volonté et de son savoir si expérimental, dans un exercice qui en exacerbe parfois la vanité.
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Il n'y a rien de prévu pour une femme qui supprime une partie de son utérus; pas de cérémonie pour marquer la transformation, pas de célébration. Pas davantage pour l'avènement des petits boutons douloureux qui pointent sous les corsages de coton à la puberté; et que dire de l'entrée dans l'ère de la disparition au moment où l'enfantement n'est plus possible, quand apparaissent les signes du vieillissement et la fin de la fécondité du corps... Ce qui est fêté toujours c'est le moment où une femme ajoute quelqu'un à ce qu'elle est, un homme, un enfant, comme si le fait d'être ne suffisait pas à la célébration.
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0:00:15 Introduction 0:01:02 Clément Camar-Mercier 0:11:47 Yasmine Chami 0:22:56 Sylvain Coher 0:33:49 Lyonel Trouillot 0:44:09 Clara Arnaud 0:55:03 Loïc Merle 1:06:13 Mathias Enard
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