Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder ils s'habitueront.
Faction du muet
Les pierres se serrèrent dans le rempart et les hommes vécurent de la mousse des pierres. La pleine nuit portait fusil et les femmes n’accouchaient plus. L’ignominie avait l’aspect d’un verre d’eau.
Je me suis uni au courage de quelques êtres, j’ai vécu violemment, sans vieillir, mon mystère au milieu d’eux, j’ai frissonné de l’existence de tous les autres, comme une barque incontinente au-dessus des fonds cloisonnés.
(p. 429)
La faveur des étoiles est de nous inviter à parler, de nous montrer que nous ne sommes pas seuls, que l'aurore a un toit et mon feu tes deux mains.
(IV. Ligne de foi, extrait de Quatre-de-chiffre, p. 398)
Commune présence
[...]
II.
Tu es pressé d’écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir.
Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t’inclinant.
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement.
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
[Moulin premier, 1936]
(p. 80)
Un brin d'allumette suffit à enflammer la plage où
vient mourir un livre.
Le Nu perdu/Dans la pluie giboyeuse/Le terme épars
p.446
Poètes
La tristesse des illettrés dans les ténèbres des bouteilles
L'inquiétude imperceptible des charrons
Les pièces de monnaie dans la vase profonde
Dans les nacelles de l'enclume
Vit le poète solitaire
Grande brouette des marécages.
(p. 26)
L'imagination jouit surtout de ce qui ne lui est pas
accordé, car elle seule possède l'éphémère en totalité.
Cet éphémère : carrosserie de l'éternel.
LE MARTEAU SANS MAÎTRE, Moulin premier, XXX
p.70
Venez à nous qui chancelons d'insolation, sœur sans
mépris, ô nuit !
p.218
Fureur et mystère/Feuillets d'Hypnos/n° 179
La Parole en archipel
POURQUOI LA JOURNÉE VOLE
Le poète s’appuie, durant le temps de sa vie, à quelque
arbre, ou mer, ou talus, ou nuage d’une certaine teinte,
un moment, si la circonstance le veut. Il n’est pas soudé
à l’égarement d’autrui. Son amour, son saisir, son
bonheur ont leur équivalent dans tous les lieux où il
n’est pas allé, où jamais il n’ira, chez les étrangers qu’il
ne connaîtra pas. Lorsqu’on élève la voix devant lui,
qu’on le presse d’accepter des égards qui retiennent,
si l’on invoque à son propos les astres, il répond qu’il est
du pays d’à côté, du ciel qui vient d’être englouti.
Le poète vivifie puis court au dénouement.
Au soir, malgré sur sa joue plusieurs fossettes d’ap-
prenti, c’est un passant courtois qui brusque les adieux
pour être là quand le pain sort du four.
p.374
Fureur et mystère/Feuillets d'Hypnos
104
Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri.
p.200