Citations sur Côte-Blanche, tome 1 : L'étranger d'outre-mer (12)
Je paierais cher pour savoir si ce manoir est réellement hanté, Loulou. Depuis quelque temps, je ressens une oppression dès que je passe près d’ici. Comme une force qui envahit l’air ambiant au point de me donner l’impression d’en manquer. L’autre jour, quand le vantail a bougé, j’ai eu l’impression qu’on m’invitait à y aller…
De loin, le portail en fer forgé ne laissait voir que son centre, là où se rejoignaient les vantaux, en partie masqué par les exubérances d’une nature à laquelle on avait rendu ses droits voilà tant d’années. Mais, même dans de telles conditions, il continuait d’en imposer, fier gardien d’un vaste domaine, symbole de prestige et d’opulence.
Il ne faisait toutefois pas qu’inspirer l’admiration. Ce n’était pas la prospérité qu’il suggérait qui déchaînait les battements de cœur des deux jeunes femmes qui s’en approchaient à pas mesurés.
— Lauriane, vas-tu finir par me dire pourquoi tu m’amènes ici ? demanda Marie-Louise, dont la voix mal assurée trahissait une crainte évidente.
— Tu vas voir.
Il s'était penché vers elle, qui chercha d'emblée à s'écarter. Son talon buta une pierre et sa respiration se suspendit en même temps qu'elle se sentait basculer en arrière. Lauriane écarquilla les yeux, certaine que dans une seconde, elle s'abîmerait dans les eaux froides et noires. Mais deux mains happèrent sa taille, freinant sa chute in extremis.
-Gare à ne pas trébucher, Miss Bélisle, se moqua William, son visage tout près du sien. Je n'ai pas la moindre envie d'aller vous chercher dans ce lac sans nom à cette heure.
Contre toute attente, l'aura de mystère et de singularité qui nimbait Adéline avait rejailli sur Lauriane. A sa naissance, les ragots s'étaient élevés de plus belles à Monts-aux-Pins, voulant que du sang de sorcière coule dans ses veines. Ses boucles rousses étaient hors de tout doute le fruit du démon qui l'habitait. Le fait qu'Adéline possède cette même crinière flamboyante, dont toutes les créatures des environs avaient jadis été jalouses sans pour autant oser l'avouer ouvertement, suffisait à justifier de si révoltantes insinuations.
La rancune était un poison pour l’âme qui ne faisait qu’alourdir la portée de l’offense dont on s’estimait la cible, alors qu’il était si libérateur de faire montre d’indulgence. Cela délestait le cœur d’émotions corrosives et totalement inutiles puisqu’en définitive, elles ne changeaient rien à rien au passé.
Oh scandale ! Tenir sa partenaire par la taille le temps d’une valse, quelle impudeur ! Un outrage aux bonnes mœurs, une ruse du diable pour nous corrompre.
Suivant les conseils de ses parents, Lauriane s’efforçait de jouer la carte de l’indifférence, mais ce n’était pas si facile à faire quand on bouillonnait de colère intérieurement, de sorte que sa patience avait fini par trouver ses limites…
La jalousie des autres peut parfois être cruelle, combien elle écrase celui qui se montre différent et plus encore s’il a le malheur d’être un tant soit peu vulnérable.
Ouvre ton esprit et ton cœur, et permets que vienne à toi l’énergie émanant de la disposition des symboles. Surtout, comprends bien : celui ou celle qui manie les cartes n’est qu’un médium servant à l’émergence du message, à sa libération.
La cartomancie demande cependant une certaine dose de bon sens ». Ceux qui en avaient pouvaient aspirer à se voir ouvrir les voies de l’avenir, quant aux autres, ils constituaient un affront à cette divination.