Citations sur Les filles du manoir Foxcote (28)
Je connais Helen. J'ai travaillé pour des tas d'Helen. Des femmes pour qui une maquilleuse semble, non pas un luxe, mais une nécessité. Il leur faut des coloristes, des visagistes, des manucures - en numérotation rapide sur leurs portables. Ces femmes sont dures à satisfaire, en manque d'affection, facilement meurtries et, trop souvent, elles vivent dans la crainte ( pas irrationnelle ) d'être bientôt remplacées par un sosie plus jeune.
Une nourrice doit être efficace, gentille et discrète : jamais plus maternelle, plus jolie ou préférée des enfants (sans parler du mari).
Je sais ce que c'est de se réinventer pour rester dans la course : je comprends ça. (...) Je sais aussi que, lorsqu'une femme s'embarque dans le rafistolage esthétique, telles mes clientes privées, il y a rarement un stade où elle dit : " Assez. J'ai un look d'enfer. J'arrête. " Comme lorsqu'on repeint une pièce, tout le reste de la maison paraît sale et défraîchi.
Mais les secrets ne s'en vont pas complétement. Telles des mites dans une armoire, ils grignotent en cachette, jusqu'à ce qu'on voie l'accroc.
On dirait que ça va continuer éternellement - ou que je le vois déjà comme un lointain souvenir : le soleil, les lys jaunes sur la berge, les libellules bleutées, le gâteau de Savoie qui attend dans le panier d'osier.
Au bout de cinq minutes, dressé loin de la route, un grand mur. Un toit s'élève derrière lui. Intriguée, je reviens dans les bois et contourne l'enceinte pour mieux voir la maison par le portail du jardin. Superbe. A tomber. C'est, me dis-je avec une pointe de jalousie, une demeure de rêve, celle d'une vie où je serais riche et aurais une nuée d'enfants charmants, sauvages, avec l'acteur Dominic West.
J’examine le verre roulant sur le tapis. Les perles d’eau répandues sur la laine. J’aimerais pouvoir les réenfiler et en faire un collier, pour l’offrir à Rita et tout effacer.
-Une autre fois, dit-il
Comprenez: «Je ne le ferai plus. »
Nos regards se croisent, puis il disparaît derrière son hublot. Je reste avec une curieuse impression de vide, comme lorsqu'on rate une fête à la dernière minute et qu'on passe la soirée a se demander si elle aurait pu changer sa vie.
Ses yeux se ferment aussitôt, sa respiration change. Elle a l'air si jeune. Je me rappelle l'adoration qu'elle m'inspirait petite dans son sommeil, ce bref moment de paix où je pouvais remarquer l'amour, le laisser m'envelopper. Je le constate à présent, identique.
Si j'avais ma trousse de maquillage, je poudrerais de blush ses pommettes, j'etalerais un baume sur ses lèvres gercées, tous les petits riens que nous faisons pour tenir à distance les ténèbres de la vie. C'est ce que je fais, en tout cas. Depuis toujours. Jeter des paillettes dans les ombres les plus profondes, les plus sordides.