"
Aimé de son concierge" est agencé comme une comédie. de ce point de vue, Chavette (auteur "notoirement méconnu", pour reprendre une formule d'
Alexandre Vialatte) est au roman ce que
Labiche est au théâtre. le livre se passe entièrement dans un immeuble de la rue du Helder, dont l'auteur donne une coupe verticale, à la façon, plus tard, d'un Perec dans "La vie mode d'emploi".
Le concierge Grégoire s'est mis en tête de faire épouser la belle propriétaire, Mme Célestine Durieux, qui a vingt-quatre ans (premier étage), par l'artiste graveur du cinquième, Clovis, lequel est un jeune homme rangé. le concierge espère que, lorsqu'il sera le maître, il imposera une discipline de fer aux locataires, et qu'on ne sera plus obligé de tirer le cordon après dix heures, ce qui coupe le premier sommeil, qui est le meilleur, comme on sait. Clovis finira par convoler avec Célestine, grâce à des ressorts bien différents de ceux mis en oeuvre par le bon Grégoire. Il récupèrera même une fortune escroquée jadis à son cher papa par l'infâme Gravoiseau (troisième étage). Pendant ce temps-là, M. de Rochegris, lieutenant de carabiniers (quatrième étage) joue des airs variés sur sa flûte, qui mettent en émoi les bonnes, coiffeuses et autres modistes de l'immeuble, qui se précipitent chez le bel officier dès qu'elles entendent résonner certaine mélodie dédiée à chacune d'entre elles...
"
Aimé de son concierge" (lu en numérique), est un roman très gai que l'on serait bien avisé de rééditer. Lorsqu'il paru à la fin du 19ème siècle, ce n'était qu'une amusette, une pochade. Aujourd'hui, c'est un document sur la vie quotidienne de ce temps-là, un véritable instantané sociologique. le Paris que décrit Chavette est délicieux, joyeux, constamment comique, comme celui d'
Offenbach. On a le sentiment qu'à cette époque, la littérature était forte et féconde, jusque dans les produits des fabricants de romans populaires. Il n'y a plus guère de Chavette à présent, hélas. Il est vrai qu'il n'y a plus guère de concierges non plus...