Lors d'un voyage en Chine,
François Cheng retrouve le peintre Tian-Yi. Celui-ci lui remet ses confessions écrites, celles de toute une vie.
L'homme est né en Chine et a vécu dans les années 30-40 en plein bouleversement. Il a étudié aux Beaux Arts. Il y a appris la peinture. Il a eu l'opportunité de partir à Paris pour parfaire ses connaissances. Il découvre alors une autre vision de l'art et de la vie. Il va vivre des expériences exceptionnelles dans la ville lumière. Malheureusement, il y connaîtra, aussi, la misère et la maladie.
A son retour en Chine, soumis aux soubresauts de la révolution culturelle initiée par
Mao Zedong, il sera interné dans un camp de travail et de rééducation. le « grand timonier » fait régner la terreur sur son pays. Nous sommes à l'apogée du communisme.
« Devenus bêtes de somme, on a vite fait de s'habituer à la saleté ; on accepte la crasse qui colle à la peau comme la gale, qui attire les puces et alimente les poux. A côté de la crasse, il est un avilissement autrement plus dur à supporter : avoir à courber l'échine devant la bêtise des chefs. » (page 327).
Il cherchera, aussi, ses amis les plus chers : Yumei, l'amante et Haolang, l'ami fraternel.
François Cheng nous livre un texte d'une sensibilité peu commune. Echappant à tous les genres, «
Le dit de Tian-Yi » est à la fois un roman d'apprentissage, un témoignage personnel avec en toile de fonds l'Histoire. Il nous livre aussi une vision singulière de l'Occident des années 50.
Un roman qui est au confluent des cultures chinoise et occidentale.
« Me voici devant le même dilemme qu'en Italie. Je vois que les Chinois anciens évitaient de représenter la figure humaine, confiant au paysage - ou aux éléments composant un paysage : arbre, rocher, source, etc. - la tâche de signifier leur monde intérieur, leur élan spirituel comme leur poussée charnelle. Peindre un être isolé, a fortiori, une femme, comme ça, leur paraissait toujours un peu factice, dénué de sens profond. L'Occident ne semble pas se poser tant de questions à ce sujet, avec une si longue tradition dans la représentation de la femme, notamment celle de la Vierge avec toute sa charge symbolique. » (page 404).
Il s'agit, aussi, de l'itinéraire d'une génération chinoise sacrifiée au nom d'idéologies communistes aberrantes et dévastatrices.
Le roman est construit en trois parties autour de trois personnages centraux, selon le rythme ternaire de la pensée taoïste : le yin, le yang et le dynamisme vide médian.
Ce dynamisme vide médian intervient chaque fois que le yin et le yang sont en présence, drainant la meilleure partie des deux. Il est ce troisième souffle qui élèvent l'un et l'autre vers une transformation créatrice et leur permet de se dépasser.
L'histoire de Tian-Yi relève, à sa manière, d'une épopée : un départ à l'autre bout de la Terre, une rencontre avec un autre monde, un retour au pays natal.
Cette histoire est l'entrelacement d'un drame personnel et d'un drame collectif.