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EAN : 9782253151012
442 pages
Le Livre de Poche (05/09/2001)
4.07/5   329 notes
Résumé :
Lors d'un voyage en Chine, l'auteur retrouve le peintre Tian-yi, connu autrefois, qui lui remet ses confessions écrites. Tian-yi a vécu l'avant-guerre dans une Chine en plein bouillonnement. Plus tard, dans les années 1950, il est allé en Occident, où il a découvert une autre vision de l'art et de la vie.
De retour dans son pays soumis aux bouleversements de la révolution, il a voulu retrouver deux êtres chers : Yumei, l'amante, et Haolang, l'ami.
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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« La vraie vie est une vie vécue et recréée et repensée par l'Ecriture » Marcel Proust

« Avec cette écriture à la manière de Proust, tout d'un coup, je sens que je peux recréer toute cette vie perdue et recommencé à vivre » François Cheng.


Né de l'imaginaire de l'auteur (je suppose), Tianyi, cet ami peintre dont François Cheng nous relate l'histoire, possède une petite part intime de François. de même, François est aussi à l'image de Tianyi bien qu'à un instant de la narration, l'auteur évoque une divergence de chemin, de destinée.Tout en lisant cette fiction, j'avais le sentiment de découvrir la personnalité de François. L'auteur se dévoile dans ce récit au travers des réflexions philosophiques de Tianyi, de ses interrogations face à l'existence, de sa quête spirituelle, hanté par la question du mal. J'ai ressenti l'exilé dans les profondeurs du récit, un amour de la Chine bien qu'il soit à même de raconter son pays sans omettre les atrocités qui s'y sont déroulées. L'écriture enchanteresse, poétique, sensuelle ne peut masquer un chant perceptible au lointain, une mélopée venue du plus profond de l'âme de François. Il tient à coeur de nous faire découvrir son pays. Les mémoires de son ami Tianyi relatent les pérégrinations à travers cette immensité chinoise marquée par les années de guerre civile entrecoupées de huit ans de guerre sino-japonaise pour évoquer en dernier la terrible Révolution Culturelle. Un demi siècle d'histoire défile sous nos yeux où la grande et la petite histoire s'interpénètrent mutuellement, se répondent, et où la terre chinoise imbibée de larmes, de souffrance, s'apparente à un champ de bataille où toute vérité est violée et toute valeur humaine piétinée. Et malgré cela, tout au long de ses cinq mille ans d'histoire, le peuple chinois n'a jamais renoncé à son instinct de survie totalement habité par l'esprit de Confucius ! le parcours de Tianyi que je qualifierai "d'errance" est un véritable enseignement pour moi, occidentale.

« L'univers tyrannique est plein de fureurs, de frayeurs et de failles. L'humain profite de la moindre brèche laissée par l'inhumain pour germer et croître » page 338.

On y retrouve l'Amante sous les traits de Yuméi, l'amitié sous les traits de Haolang. Cette relation à trois créera des liens inextricables et comme dans « l'Eternité n'est pas de trop », l'Amour est passion, absolu, mystique, renoncement. Et le nombre Trois ici prend tout son sens symbolique : conciliateur des oppositions nécessaires et fécondes, le Nombre 3 ramène à l'Unité.

« Me crois-tu ? Un jour tu me croiras. Tu es celui que j'aime le plus au monde. Tu es mon innocence, tu es mon rêve. Maintes fois dans ma nuit, j'ai rêvé de toi, comme à une éternelle enfance. Je suis ta soeur, je suis ton amante. Mais dans cette vie, nous ne seront pas un couple ». Page 185

Parue en 1998, ce livre a reçu le Prix Femina. Cette oeuvre est remarquable, riche de sens cachés, fascinante, je pense la relire. Mais ne vous y trompez pas, si la plume est ensorcelante, poétique, ce récit passionnant est cruel, notamment, dans sa troisième partie où rien n'est épargné au lecteur mais tout doit être DIT.

« En attendant, il suffit au témoin qui n'a plus rien à perdre, toutes larmes ravalées, de ne pas lâcher la plume, de ne pas interrompre le cours du fleuve » - « le mal se nicherait-il au coeur de la Beauté »
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Très beau roman, ou se mêlent amour et amitié. Ce texte très fort nous fait faire une incursion dans la civilisation chinoise du 20 ème siècle. On y découvre notamment la vie des camps de rééducation construits au moment de la révolution culturelle. Malgré des descriptions parfois très dures et bouleversantes on retrouve la belle plume poétique de François Cheng. Un livre qui a bien mérité son Prix Femina.
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Je suis rarement en accord avec les choix de palmes d'or du festival de Cannes, de Césars ou d'Oscar, et guère plus avec les Goncourts ou les Feminas. Dans le cas de François Chang, je fais une exception.

A bien des égards, la méconnaissance qu'ont les Français de la Chine est plus qu'inquiétante. Ignorer tout d'un pays qui pèse un cinquième de l'humanité et domine son économie, c'est la taupe ignorant le tunnelier ! Surtout si l'on considère à quelle point l'histoire en question est unique. Quand on constate le nombre de gens n'ayant jamais entendu parler de la Révolution Culturelle ou du Grand Bond en Avant, à qui des slogans comme « la religion est l'opium du peuple » ou des mots comme « dazibao » ne disent rien, on approche du paniquant.

C'est pourquoi ‘Le dit de Tianyi' est peut-être ce qui a été écrit de plus important en France dans le dernier quart du XXème siècle. Au-delà de la simplicité et de la beauté de son histoire d'amour et d'amitié, on y découvre la vie de la paysannerie chinoise traditionnelle, l'anarchie de la période pré-communiste, la misère et le banditisme omniprésent. Plus tard la dictature omniprésente, omnisciente ; la folie totale du Grand Bond en avant, et ses vingt à quarante millions de morts ; le déferlement de violence hallucinant de la Révolution culturelle… Et l'aveuglement d'un certain nombre de Français, persuadés que la Chine était bien le paradis communiste que leur décrivait ‘L'Humanité'.

La plongée dans les camps laogai, ou « camps de rééducation par le travail » est également saisissante. On l'ignore aussi, mais c'est là que disparurent une bonne partie des 200 000 moines qui vivaient au Tibet avant l'invasion chinoise, ainsi probablement que quelques minorités qui ne rentraient pas dans la liste des 56 groupes officiels. Et aujourd'hui, un bon paquet d'Ouïghours. Chaque peuple et chaque pays a ses squelettes dans les placards ; dans le cas de la Chine, ils sont à la mesure de son histoire.
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Je ne connaissais de François Cheng que le merveilleux poète, dont j'aime tant la sérénité, et dont je partage le sentiment, très taoïste, de l'unicité de l'Univers, des liens qui relient tout ce qui le constitue, objets inanimés et êtres vivants.

Une de mes proches m'a prêté ce livre qu'elle considère comme un chef-d'oeuvre.

Je sors de la lecture de ce dernier, à la fois bouleversé et émerveillé, avec un sentiment de plénitude incroyable.
Est-ce cela un chef-d'oeuvre littéraire? Un livre aux multiples facettes, qui vous emmène dans de multiples directions, qui vous inspire une infinité de réflexions, de sensations, qui vous fait voir l'être humain dans ce qu'il a de plus abject et dans ce qu'il a de plus beau, qui vous fait comprendre que, sans ces deux dimensions que sont l'Art et l'Amour, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue.
En tout cas, le dit de Tianyi, c'est tout cela.

Dans sa préface, François Cheng nous explique qu'il a connu Tianyi alors que celui-ci était à Paris au début des années 1950, et qu'il le retrouva bien plus tard, suite à une lettre que ce dernier lui avait écrite en 1982, enfermé en Chine dans un asile. Cette rencontre lui permit de recevoir, de la part de Tianyi, une pile considérable de feuillets, et surtout d'écouter et de noter, durant de nombreux jours, le récit, souvent décousu, de son extraordinaire vie. Revenu en France, et après une longue période d'une grave maladie, il entreprend d'en construire un récit en français.
Je ne peux m'empêcher de citer la fin de cette préface, un paragraphe admirable:
« Avant que tout ne soit perdu, avant que le siècle ne se termine (le livre est publié en 1998), quelqu'un, du fond de l'insondable argile, a tout de même réussi, par la seule vertu de la parole, à faire don des trésors amassés le long d'une vie «emplie de fureurs et de saveurs ».

C'est donc le récit d'une vie, recréé par le miracle de l'écriture de François Cheng, un récit poignant magnifié par une vision philosophique et poétique du monde.

Le récit est impeccablement construit en trois parties:

- d'abord « les années d'apprentissage », enfance, avec son lot de douleurs (mort de la petite soeur, mort du père), de tracas familiaux, mais aussi de joies, telle cette merveilleuse ascension du mont Lu avec son père, puis adolescence, éveil de sa vocation de peintre et surtout la découverte foudroyante à la fois de l'amour et l'amitié, par la rencontre de Yumei, « l'Amante » et de Huolang, « l'Ami ».
- et puis, le séjour à Paris juste après la deuxième guerre mondiale, Tianyi ayant bénéficié d'une bourse pour étudier la peinture en France, la rencontre de « l'art occidental », et l'amour de Véronique, la musicienne.
- et enfin, le retour précipité en Chine, suite à l'annonce par Yumei de la mort de Haolang, information qui se révélera plus tard comme erronée. Et l' interminable suite de souffrances liées au sort des intellectuels dans la Chine communiste ainsi qu'au suicide de Yumei. Mais les retrouvailles avec l'Ami, Haolang, dans un camp de « travail » en Sibérie., jusqu'à une fin tragique.

Mais surtout, le récit est, par delà les moments de souffrance et de cruauté insoutenables, d'une merveilleuse poésie et d'une intense profondeur psychologique et philosophique.

Dès le début, les descriptions de la nature, notamment des nuages, sont des merveilles. Tout au long de la narration, et même dans les conditions extrêmes de la Sibérie, le lecteur est transporté par la beauté de la nature: êtres vivants, arbres, rochers, ciels, par le rythme des jours et des saisons.

Et puis, l'analyse du comportement des êtres humains est d'une extraordinaire acuité, qu'il s'agisse des pauvres ou des riches, des compagnons d'infortune dans les camps, des subalternes ou du « Chef » (ainsi est qualifié Mao Tse-Toung par Tianyi), et même des parisiens qui prétendent tout connaître de la Chine. Toutes et tous, en quelques phrases, sont ramenés à ce qui les anime, à leurs moteurs existentiels, parfois de façon impitoyable, souvent avec une grande empathie.

Et enfin, les réflexions sur l'amour, l'amitié, la vie et la mort, l'Art, l'Univers, les êtres animés et inanimés, le temps, sont innombrables et si profondes, au point que, comme tous les grands livres, (ainsi en est il par exemple de A la Recherche du Temps perdu ou de Guerre et Paix, des romans de Kundera, de ceux de Woolf, …) ce livre vous invite au questionnement sur notre vie, sur la vie des humains, sur notre rapport aux autres et au monde. Et donc, un livre qui vous semble important à relire et relire.

Et il y aurait tant d'autres choses à dire sur ce livre, par exemple sur ce qu'il dit de la poésie chinoise, sur l'analyse des peintres européens, etc..
Une incroyable richesse de « trésors amassés » comme l'écrit l'auteur dans sa préface.


Une petite digression pour finir.

L'Académie Française, créée il y a bien longtemps par le terrible Cardinal de Richelieu, a souvent été critiquée pour son passéisme, son immobilisme, sa misogynie. C'est vrai qu'on n'y trouve pas beaucoup de femmes, alors que tant parmi celles-ci l'auraient mérité ou le méritent.
Mais, quand même, on peut se réjouir, dans le contexte ambiant, qu'elle ait accueilli bien des « étrangers » et de tous horizons, qui font honneur à notre langue et nous ouvrent d'autres horizons, parmi lesquels il y a justement le chinois François Cheng aux côtés (par ordre alphabétique) du belge Antoine Compagnon, du britannique Michael Edwards, de l'haïtien Dany Laferrière, du libanais Amin Maalouf, du russe Andreï Makine, du (controversé) péruvien Mario Vargas Llosa, et de l'italien Maurizio Serra.
En ce qui concerne François Cheng, je trouve qu'il nous fait comprendre, entre autres, la vision du monde de la philosophie chinoise et ce qu'elle peut apporter aux matérialistes occidentaux que nous sommes, ne serait-ce qu'en ce qui concerne notre rapport à la nature. Malheureusement, on peut se dire que le totalitarisme dans lequel vit la Chine a anéanti ces valeurs. Renaîtront-elles un jour? Ce serait bien pour notre humanité toute entière.



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Le « Dit de Tian-yi est un livre à part.
Écrit en français, il contient toute la délicatesse, la subtilité de la poésie chinoise que l'on perçoit dans les descriptions nuancées de la nature.
Elles pourront apparaître redondantes ou trop denses pour certains mais elles témoignent d'une approche différente où l'être humain se confond intensément dans les nuages, la brume, les sentiers, les montagnes.
C'est un livre de rencontres sur lesquelles l'auteur disserte : sa plume devient pinceau et la peinture des relations entre parents d'une même famille, entre homme et femme, entre amis, entre artistes est parfaitement exécutée, toutes les nuances que peuvent prendre ces échanges intenses sont rendues dans leur moindre recoin.
C'est le livre d'un pays sur fond de guerre sino-japonaise puis de révolution culturelle, c'est un pays meurtri et meurtrissant sa population dont le chant traverse les générations et vient parfois se briser dans l'incompréhension extrême-occidentale.
C'est la description d'un chinois venu en France se former à la peinture d'autres maîtres, racontant ses impressions et perceptions devant les grands peintres de l'Europe.
C'est un homme à l'écoute intérieure perpétuelle, en recherches insatiables qui aboutiront à des rendez-vous manqués, en amour, en peinture et en politique.
Car ce livre est politique puisque tout acte, tout désir est lié et relié au monde qui entoure l'homme qui se débat dans les rets d'un système tortionnaire qui refuse à l'individu de s'exprimer.
Ce n'est pas un livre qui se donne facilement tant il est sinueux aussi bien dans l'écriture que dans le personnage.
Il y a des passages qui fouettent et d'autres qui arrachent.
Homme, artiste, amoureux : un seul être, une multiplicité de vies vécues, de vies entrevues, d'allers et de retours.
Nous sommes dans la pure tragédie, la vraie, pas question de théâtre. L'homme face à un destin dramatique auquel il ne peut échapper qu'en le racontant.

Ce livre a reçu le prix Fémina en 1998.
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Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
A partir de la naissance, chaque visage est façonné par toute une vie de désirs refoulés, de tourments cachés, de mensonges entretenus, de cris contenus, de sanglots ravalés, de chagrins niés, d'orgueil blessé, de serments reniés, de vengeances caressées, de colères rentrées, de hontes bues, de fous rires réprimés, de monologues interrompus, de confidences trahies, de plaisirs trop vite survenus, d'extases trop vite évanouies. Chaque ride en porte la marque aussi sûrement que les anneaux d'un arbre. C'est tout cela que le visage révèle de la personne, à son insu, malgré l'effort surhumain qu'elle déploie quotidiennement pour le cacher.
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Ce vieux pays, pour se sortir de là, devra passer, hélas! par bien des soubresauts et des tourments. Aucun des deux traducteurs émérites, (Fu Lei et Sheng Chenghua) n'atteindra l'âge de celui qui avait dit : "J'ai résolu d'être heureux", ni de celui qui avait prôné la "tardive sérénité d'un héros". A peine un quart de siècle plus tard, lors de la Révolutions culturelle, lorsque la campagne féroce contre la tendance bourgeoise occidentale battra son plein, Fu Lei verra tous ses livres et manuscrits dispersés ou brûlés devant lui. Sa maison ayant été perquisitionnée, lui et sa femme seront contraints de vivre dans une seule pièce étroite. Devenu "ennemi du peuple", il sera traîné nuit et jour devant les Gardes rouges pour subir d'interminables interrogatoires et sévices physiques. Finalement le couple décidera de mourir ensemble pour ne pas laisser de survivant. De son côté, Sheng Chenghua sera envoyé dans un camp de travail. En dépit d'une santé déficiente, il sera astreint à tous les travaux. D'abord à ceux de la construction même du camp, ensuite à ceux des champs, où à longueur de journée, il aura les jambes enfoncées dans l'eau boueuse des rizières, sans protection aucune contre les insectes qui attaqueront son corps de soixante ans brutalement exposé. Un jour, sous un soleil de feu, il s'affaissera en plein champ et enfouira sa tête dans l'eau sans un mot.

Fu Lei traducteur de Balzac, Voltaire et de Romain Rolland et Sheng Chenghua traducteur de Gide. Chaque année le prix Fu Lei récompense les deux meilleures traductions du français vers le mandarin publiées en Chine dans les catégories Essai et Littérature.

Page 83
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Au milieu d'une grotte où nous étions entrés par hasard, nous fûmes saisis de stupeur et demeurâmes immobiles, cois.
Nous nous sentions enveloppés, aspirés, par ce qui s'animait tout autour : couleurs et formes représentant des scènes intimes ou grandioses, qui tapissaient entièrement les murs et les plafonds, la plupart depuis plus de mille ans, dans toute leur fraîcheur intacte..........
.........C'était la vie même qui ressuscitait, qui s'éveillait au contact de notre regard .
Miracle de l'instant. Le temps était mort; voilà qu'il renaissait, déployant devant nous, avec superbe, tout ce qu'il contenait de mémoire et de promesse.
Au coeur de l'espace clos, un espace d'outre-monde, jadis habité par tout un peuple d'adorateurs qui, avant de disparaître, avaient confié là, dans ces secrets abris, tous leurs trésors : leurs souffrances comme leurs joies, leur vécu comme leurs rêves, leurs amours, leur vérité, dans une sorte de glorification à la fois exaltée et sereine.
Un chant inouï émanant de cet espace portait le visiteur, le transportait, le poussait plus loin, vers une autre grotte, puis une autre encore ....
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Le jour de mon départ, le maître m'accompagna jusqu'à la croisée des chemins. Il s'arrêta et dit : " Ce que je pouvais te donner de mieux, je te l'ai donné. A partir de maintenant, suis la Voie, la tienne, et oublie-moi. Ne prends pas la peine de m'écrire. De tout façon, je ne répondrai pas. Je m'en irai d'ailleurs bientôt." Ces paroles, dures à entendre, furent dites non sur un ton sévère, mais avec une douceur paisible dont tout son visage était illuminé, un visage comme transfiguré. Puis le vieillard se retourna et s'en alla en direction de son ermitage. Sa robe flottait au vent, et son pas était léger.
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Je pensai à mon père qui m'apprit à tenir le pinceau, à le tremper dans l'encre et à calligraphier le premier caractère. C'était cela ma véritable naissance au monde.
A ce souvenir, vint alors se superposer à son image celle du vieux peintre calligraphe rencontré sur le chemin, en compagnie de Haolang.

Etais-je en train de vivre une de ces scènes tant de fois répétées dans l'histoire chinoise? Un jeune à la recherche de sa vérité rencontre, au détour d'une route déserte ou au fond d'une vallée obscure, un vieillard qui, en réalité, l'attendait là. Si le jeune ne sait pas voir, il passera son chemin. S'il sait voir, il entrera dans sa vraie vie. Le vieillard, avant de disparaitre aussi mystérieusement qu'il est apparu, délivre par quelques gestes ou par quelques paroles un message décisif. C'est ainsi que le signe du père continue ; c'est bien par ce signe, n'est-ce pas, que la Chine depuis tant de millénaires survit.

page 160
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