Vanye tenta d’estimer une nouvelle fois la valeur qu’il pouvait avoir pour sa liyo, en se demandant si elle le céderait à Kasedre en cas de nécessité, pour s’évader de ce château de fous, comme une petite monnaie d’humanité semée sur sa route, et oubliée aussitôt.
Mais quand il la vit dans la salle, sa tête pale brillant comme un soleil dans cette pénombre, sa silhouette mince et élégante en tgihio, portant l’épée au dragon avec toute la grâce d’une personne vraiment capable de s’en servir, il lui vint une curieuse vision : il vit comme un rêve de fièvre un nid de corruption où un serpent passait parmi les créatures moins importantes qui s’écartaient… plus mauvais qu’eux tous, plus dangereux, mais infiniment beau, se dressant soudain parmi eux pour les hypnotiser de ses yeux de basilic, la mort rêvant de la mort en souriant.
Et, comme à leur arrivée, les enfants les escortèrent, marchant à côté de leurs chevaux, sans tenir compte du formalisme de leurs aînés. On lisait dans leurs yeux leur intérêt ardent à voir les jours anciens revenir, ce qu’ils avaient entendu dans les chansons et les ballades. Ils ne la craignaient pas et ne la haïssaient pas, apparemment, et, avec les enchantements chers à l’enfance, ils tournaient à leur avantage cette grande merveille.
Parce qu’elle était si belle, songeait Vanye, qu’il leur était difficile de penser du mal d’elle. Elle brillait au soleil comme le soleil sur la glace.
Pour les Qujals, il n’existe rien après, pas d’immortalité, seulement la mort. Ils ont perdu leurs dieux ou toute autre croyance qu’ils aient pu avoir. Voilà tout ce qu’il leur reste… vivre, prendre du plaisir, jouir du pouvoir.