[...] Tous les assassins qu’il m’a été donné de rencontrer adoraient parler. Le silencieux tue rarement et, quand ça lui arrive, son crime est simple, violent, évident. Au contraire, le meurtrier qui se croit malin est si content de lui que, tôt ou tard, il bavarde et se trahit.[...]
- [...] il est mieux d'empêcher un crime que de le punir.
Poirot se leva et se mit à parler, avec son aisance naturelle. Le son de sa voix lui était toujours agréable et son exposé dura trois bons quarts d'heure.
Ordre et méthode, c'était depuis des années la devise du détective. Grâce à George, son parfait valet, et à Miss Lemon, sa parfaite secrétaire, l'ordre et la méthode gouvernaient son existence.
- Le persil qui sombre dans le beurre, par une journée de chaleur…
Miss Lemon le regarda, l’air étonné.
- Le persil ?
Il sourit.
- C’est une citation d’un de vos classiques. Vous connaissez, je suppose. Les Aventures de Sherlock Holmes, et peut-être aussi ses Exploits !
- Vraiment Poirot ! Au Moyen-Age, on vous aurait, à coup sur, brûlé sur le bûcher.
- Miséricorde, monsieur Poirot , j'en ai la tête qui tourne ! Personne n'est donc incapable de tuer ?
- Voilà une question que je me suis souvent posée, répliqua Hercule Poirot.
— Valérie, croyez-vous que vous pourriez me donner des conseils ?
— Je peux naturellement vous donner des conseils, Joan, même si je ne sais pas pourquoi les gens en demandent. Ils ne les suivent jamais.
L’imagination avait toujours constitué le talon d’Achille de miss Lemon. Elle n’en avait aucune. Imbattable sur les faits, elle était perdue lorsqu’il fallait recourir aux conjectures.
.../...
Et il avait fallu que, ce matin, Miss Lemon fît trois fautes en dactylographiant une lettre qui ne présentait aucune difficulté ! Ces trois fautes, elle ne les avait pas remarqué ! Et la terre continuait de tourner !
Hercule Poirot tendit le document à sa secrétaire. Il n'était pas fâché, il était stupéfait. Comme on peut l'être quand arrivent des choses qui ne peuvent arriver.
Miss Lemon prit la lettre, l'examina et Poirot, pour la première fois, la vit rougir : son visage ingrat s'empourpra, sans gagner en agrément.
- Mon Dieu ! s'écria-t-elle. Je ne comprends pas comment j'ai pu... Ou, plutôt si ! C'est à cause de ma sœur.
Autre coup ! Poirot n'avait jamais pensé que Miss Lemon pût avoir une sœur. Pas plus, d'ailleurs, qu'un père, une mère ou des grands-parents Pour lui, Miss Lemon s'identifiait si complètement à une machine, à un instrument de précision, qu'il lui eût paru extravagant de seulement supposer qu'elle pouvait avoir des affections, des chagrins, ou des soucis.