Les plongeurs se recrutaient dans toutes les races de l'Europe. Nous étions vraiment la lie de l'hôtellerie, des gens que l'on méprisait. Nous nous tenions dans les cuisines où régnait une écoeurante odeur de boustifaille et de sueur.
Partout se trouvaient dissimulées des réserves d'aliments, fruit des misérables larcins des garçons...Il n'était pas rare de voir un garçon se laver la figure dans l'eau de rinçage de la vaisselle.
Dans la salle à manger, la clientèle trônait dans toute sa splendeur - nappes immaculées, bouquets de fleurs, corniches dorées et angelots peints.
« Les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires »
Un buste de George Orwell se détache d’une couverture uniforme rouge vif comme pour qualifier les engagements politiques et humaniste d’une vie passée au crible. Si les lettres dactylographiées du nom d’écrivain désignant Eric Blair, Orwell, claquent comme un étendard, 14 qualificatifs successifs et parfois opposés, par moment provocateurs, illustrent le personnage.
Regard altier et perçant, coupe de cheveux sage et symétrique, fine moustache et lèvres pincées, visage oblong traversé de profondes rides verticales, Sébastien Verdier représente notre héro tel un éternel adolescent tout au long de ce que fut, sa brève existence.
Portée par un magnifique dessin noir et blanc des plus précis et des plus réaliste, cette biographie chronologique découpe la vie de notre personnage en 3 actes narratifs : Orwell avant Orwell, Blair invente Orwell, Orwell orwellien. D’une « exposition » aux méfaits du colonialisme britannique à la « confrontation » de la misère populaire tant à Londres qu’à Paris, la « résolution » de cette vie tient à l’écriture des romans testamentaires et visionnaires : « La ferme des animaux » et « 1984 ».
La colorisation parcimonieuse de quelques détails graphiques égaie opportunément certaines planches alors que les aplats de noir plus ou moins prononcés renforcent magnifiquement la dramaturgie du moment évoqué. L’insertion en double page de dessins de grands noms de la bd rompt le séquençage mémoriel : Manu Larcenet, André Julliard, Enki Bilal, Juanjo Guarnido...Cela n’évite pas certaines longueurs très ponctuelles.
Servie par un dessin remarquablement efficace, cette bd fait pénétrer son lecteur dans l’univers d’Orwell.
« Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante » George Orwell
"Depuis la guerre d'Espagne, je ne puis dire honnêtement que j'ai fait grand-chose, sauf écrire des livres, élever des poules et cultiver des légumes. Ce que j'ai vu en Espagne, et ce que j'ai connu depuis du disfonctionnement intérieur des parties de gauche, m'a fait prendre la politique en horreur.
En dehors de mon travail d'écrivain, j'ai la passion du jardinage, et en particulier des jardins potagers. Je déteste les grandes villes, le bruit, les voitures, la radio, les nourritures en conserve, le chauffage central et le mobilier "moderne"."
Conjuguant excentricité bohème et compassion sociale, il se fait "indigène" dans son propre pays. (39)
Il trouve dans le pays minier ravagé par le chômage à la fois son sujet et la manière d'en parler, crue s'il le faut. "On touche ici au fondement secret de la ségrégation des classes... cela se résume en une petite formule terrible... : ces gens là sentent..."
De son passage en extrême-orient il gardé la moustache des officiers du Raj britannique et la haine de l’impérialisme.
Etonien, flic, prolo, dandy, milicien, journaliste, révolté, romancier, excentrique, socialiste, patriote, jardinier, ermite, visionnaire
Très tôt, j’ai su que je serai un jour écrivain... J’ai écrit mon premier poème à l’âge de cinq ans, ma mère le prenant sous ma dictée.
Je ne pars pas à Barcelone pour écrire mais pour me battre. Il y a déjà suffisamment de journalistes racontant des sornettes. Je veux voir les choses de mes propres yeux et en première ligne.