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Citations sur Terre natale (62)

II L'HOMME DE VERRE


Extrait 5

§§ c

  Sade proteste, dans La Nouvelle Justine : « Si Dieu a
formé l’âme humaine, il l’a formée de quelque essence :
c’est dans l’esprit ou dans la matière qu’il a puisé […].
Mais si l’âme a été formée de matière, elle ne peut être
immortelle. Dieu, si vous voulez, a pu spiritualiser, dia-
phaniser de la matière jusqu’à l’impalpabilité, mais il ne
peut la rendre immortelle car ce qui eut un commence-
ment doit nécessairement avoir une fin. »


p.40
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 5

§§ b

  Il *était l’agent d’une parfaite transparence du corps
social, la partie avec le tout, l’inférieur avec le supérieur,
le monde avec l’univers, l’individu avec la masse, le mort
avec le vivant, une seule et même extase.
  Terme provisoire de cette volonté de voir à travers la
peau : distinguer dans l’opacité du corps social les délin-
quants potentiels en étudiant leurs stigmates, comme
dans La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne.


p.40

* Mesmer
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 5

§§ a

  Devenir transparent : le juste n’a rien a cacher. Der-
nière étape de la fantasmagorie des Lumières. C’est un
occultisme à la Louis Lambert qui lance la mode de la
transparence, caractère d’un homme régénéré en qui ne
subsiste plus aucune ombre.
  Mesmer disposait autour de son baquet les grands
névrosés du temps. Circulait entre eux un fluide émané du
magnétisme cosmique. De proche en proche, les patients
étaient saisis de tremblements, de vapeurs, une chaîne se
formait, chacun devenait la partie d’un tout. D’étranges
phénomènes accompagnaient ces crises : un chien mort
était ramené a la vie, un somnambule pouvait voir soudain
l’intérieur de son corps. Le mesmérisme devint une théo-
rie politique dont la devise sera l’Harmonie universelle.


p.40
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 4

§§ c

  Proust avait décrit le phénomène, non sans curiosité :
« Le Louvre, tous les musées étaient fermés, et quand
on lisait en tête d’un article de journal : “une exposition
sensationnelle”, on pouvait être sur qu’il s’agissait d’une
exposition, non de tableaux, mais de robes destinées
d’ailleurs à “ces délicates joies d’art dont les Parisiennes
étaient depuis longtemps sevrées”. C’est ainsi que l’élé-
gance et le plaisir avaient repris ; l’élégance, à défaut des
arts, cherchant à s’excuser comme ceux-ci, en 1793 […]
quand la République assiégée réclamait un autre souci
que celui des arts… » Proust écrit ces lignes en 1916,
quand Paris, surpris par la guerre, avait demandé aux
couturiers, plutôt qu’aux artistes, « de chercher du nou-
veau, de préparer la victoire, de dégager pour les généra-
tions d’après la guerre une nouvelle formule du beau 1… ».
  Mais la guerre ni la révolution ne sont déclarées, ce qui
rend la chose plus inquiétante, qui cherche des modèles
qui désormais ne peuvent pas exister.
  Depuis que la culture s’est détachée du culte pour se
faire culte elle-même, elle n’est plus qu’un déchet, faisait
dire Faust à son Démon.

p.40

1. À la recherche du temps perdu, t. III, Le Temps retrouvé,
Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1954, p. 724.
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 4

§§ b

  Ni dévotion, ni admiration. On ne s’agenouillera pas,
moins encore ira-t-on baiser l’effigie. Pas même aura-
t-on la reconnaissance qu’on avait envers un puissant,
un héros, un saint, un génie… On ne s’arrête guère.
Un peu de curiosité. Un embarras. Il n’y a plus que le
dialogue burlesque d’une Nikè aptère et d’un fétiche à
clous, d’une Vierge noire d’Auvergne et d’un Hermès
psychopompe. On appelle cela, comme à Abou Dhabi,
un Louvre « universel », comme il existe un temps univer-
sel qui n’a rien à faire avec le temps de notre existence
et qui n’intéresse que les physiciens.
  Depuis peu, pour retrouver le corps, les musées se sont
ouverts à la mode du jour.  Dans leurs espaces,  se suc-
cèdent désormais  des expositions  consacrées à Dior,
à Fiorucci, à Prada. Des femmes défilent, la cuisse amai-
grie et le pas mécanique, comme échappées des camps.
On célèbre en elles le bon gout et le raffinement, l’apo-
théose d’une société au faîte d’elle-même, éduquée dans
les arts et les vertus républicaines.

p.39-40
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 4

§§ a

  Dans les musées, les peintures sont comme les habi-
tants dans leurs tours, mises sous verre, et avec elles, les
sculptures et les objets de culte. Elles vivaient autrefois
à l’air libre, offertes aux yeux des fideles. On pouvait
les toucher, les interroger, voire on les embrassait. Leur
vertu s’est perdue. Supports d’une foi, d’une croyance,
d’un pouvoir ou d’un plaisir, elles ne servent plus à rien.
Ce sont les spécimens d’une espèce disparue, comme les
prélèvements sur lesquels travaillent les biologistes, dis-
posés sous plaquette, par peur de se laisser contaminer
par ce qui pourrait encore être actif en eux.


p.39
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 2

§§ c

  Un verre se brise. Présage de mort. Ce qui avait une
forme n’est plus qu’un poussier.  Et le contenant n’a
jamais eu lieu. Y a-t‑il d’ailleurs eu un contenu ? […]

  Maupassant avait été une victime : après un cauche-
mar, il prend une carafe pour se désaltérer : « Je la sou-
levai en la penchant sur mon verre : rien ne coula. Elle
était vide ! […] Puis je me redressai d’un saut pour regar-
der autour de moi […] éperdu d’étonnement et de peur
devant le cristal transparent… »

p.38
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 2

§§ b

  Un verre se brise. Présage de mort. Ce qui avait une
forme n’est plus qu’un poussier.  Et le contenant n’a
jamais eu lieu. Y a-t‑il d’ailleurs eu un contenu ? […]



  Descartes prenait l’image d’un corps de verre comme
métaphore de la folie dans ses Méditations lorsqu’il évo-
quait « ces insensés de qui le cerveau est tellement trou-
blé et offusqué par les noires vapeurs de la bile, qu’ils
[…] s’imaginent être des cruches, ou avoir un corps de
verre ». Parlant de la folie, il était plus proche peut-être
d’une certaine vérité que lorsqu’il avançait son fameux
cogito ou, pire, réduisait les animaux à des machines. Si
je pense, je ne pense pas là ou je suis.


p.38
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Extrait 2


§§ a

  Une voix se brise et découvre l’étendue du silence, le
bris du silence même.
  Un verre se bris e. Présage de mort. Ce qui avait une
forme n’est plus qu’un poussier.  Et le contenant n’a
jamais eu lieu. Y a-t‑il d’ailleurs eu un contenu ?
  Dans le Faust de Goethe, Wagner fabrique dans ses
éprouvettes de petits hommes faits de cristaux transparents.
Mais ses homoncules ne vivront pas. La transparence est
le seuil de l’horreur : la dureté, la compacité, l’obscurité,
la noirceur de mon corps, qui ont été ses aspects grossiers
et déplaisants, m’avaient été des protections dont la sensa-
tion matérielle me rassurait. Ici, je n’attrape que du vent.
  Charles VI croyait qu’il était fait de verre. Il portait
un habit renforcé et interdisait à ses courtisans de l’ap-
procher de près.


p.37-38
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II L'HOMME DE VERRE


Extrait 1

À redevenir enfant, je serais diagnostiqué « autiste ».
Un mot pour dire ce que disait « renfermé » naguère. Le
mutisme, le retrait, le refus des autres, et soudain la fureur,
la violence, les cris : après la guerre, dans un pays qui
prétendait préparer ses élites, cela m’avait permis d’être
remarqué, aimé, secouru. Cela me vaudrait peut-être, au
nom du « vivre ensemble » et de l’idéal de l’égalité, d’être
mis en milieu hospitalier, laissé à ma solitude et traité aux
produits chimiques.

p.37
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