Les prairies bleues

Peut-être y a-t-il dans la vie de tout homme un échec, quelque affaire non résolue, qui a pour lui plus d'importance que tous ses succès ?

On avait souvent insisté sur les analogies que présentent les milieux de l'espace et de la mer : un homme habitué à l'un peut rapidement s'adapter à l'autre.

Un tueur en liberté dans le pâturage ! La patrouille aérienne du Pacifique Sud avait aperçu le grand cadavre ballotté par les vagues qu'il teignait de cramoisi. En quelques secondes, l'alerte s'était étendue à tout le dispositif complexe de surveillance.
[...]
Et Don Burley, se frottant encore les yeux, se trouva installé devant le tableau de bord du minuscule patrouilleur Al°5 qui gagnait déjà ses vingt brasses de fond.
Enfin ! Avec cette alerte dans son secteur, c'était la première sensation forte depuis des mois.

Don se tourna vers Indra :
- Je ne comprends pas comment tu peux le supporter. Est-il toujours aussi pessimiste ?
- Pas toujours, répondit Indra, il plaisante environ deux fois par semaine.

Don Burley était l’heureux combattant, rentrant chez lui après une bataille que l’homme devrait toujours livrer. Il tenait à distance le spectre de la famine que les siècles précédents avaient affronté, mais qui ne menacerait plus jamais le monde maintenant que les grandes fermes de plancton cultivaient leurs millions de tonnes de protéines et que les troupeaux de baleines obéissaient à leurs nouveaux maîtres.

Don Burley, chevalier en armure, était assis dans son petit local faiblement éclairé, quinze mètres sous les vagues brillantes de l’Atlantique, testant ses armes en vue du combat qui l’attendait. […] Il se sentait le frère de tous les bergers qui avaient gardé leur troupeau depuis l’aube des temps. Il était David qui, au milieu des collines de Palestine, guettait les lions des montagnes prêts à fondre sur les moutons de son père. […] Le schéma était le même : seule l’échelle avait changé. Cela ne faisait pas une différence fondamentale si les bêtes que Don conduisait pesaient presque cent tonnes et broutaient sur les savanes infinies de la mer.