Citations sur La divine comédie de nos vies (29)
– Et mon cordon-rose aussi ? Parce que je déteste les cordons-bleus, hein, Mamie.
C’est pour les garçons. Et je déteste le bleu, et je déteste les garçons aussi.
Je me suis mise à parler sans m’arrêter, que je ferai les
petits plats préférés de tout le monde, que je cuisinerai toute la journée, comme
avant, et qu’il était important qu’on se retrouve. Je vidais mon cœur d’un chagrin trop lourd pour lui.
Je crois aux fantômes. Je crois aux êtres qui
continuent de nous habiter après leur disparition. Le jour où les garçons ont visité
ma nouvelle maison, le ciel était gris, la pluie tombait à verse, mais à peine a- t-on
mis un pied dehors qu’une éclaircie nous a souri, du Vieux-Bassin jusqu’ici. Seul
un nuage blanc tout potelé épousait chacun de nos pas. C’est pas un signe, ça ? Étienne était là. Il nous regardait. Il nous protégeait, à sa façon. J’en suis sûre.
Le divin voyage des nuages.
Ce qu’il
est beau. Il était beau. Je n’arrive pas à parler au passé. Je ne peux pas. À partir de quand meurt-on
vraiment dans la tête des gens ? Au décès ? À l’église, au cimetière ? Quand on retrouve
des affaires oubliées dans les poches, dans des livres qui nous rappellent les moments
passés ensemble ?
Évidemment, je n’ai pas de femme, encore moins d’enfant. Je n’en ai jamais eu envie.
Jamais pu adhérer à ce schéma sclérosé de la famille. Pourtant, on ne peut pas dire
que j’ai souffert durant mon enfance. Des parents aimants. Un frère, une sœur. Des
vacances d’été à la mer, à la montagne en hiver, avec une belle maison à Vincennes,
un appartement à La Baule. Pas de traumatisme hérité.
Il ne voulait pas qu’on s’apitoie. « C’est
dans l’adversité que se révèlent les amis », nous avait dit notre prof de français
en citant Cicéron. « Le premier qui pleure, je lui mets ma main dans la gueule », avait corrigé Jérôme. Le message
était passé.
Sa vie nous fascinait.
On bavait d’envie. Parfois avec jalousie. Sur les photos qu’il voulait bien nous montrer, il portait des pantalons d’équitation moulants. Visiblement, le
collant, c’était déjà son truc, et la Normandie, notre eldorado à tous.
Il y a deux types de personnes sur terre. Les gagnants et les perdants.
Les leaders et les suiveurs. Je pense objectivement faire partie de la seconde catégorie.
Jérôme, lui, est sans hésitation un winner. Rien ne semble l’atteindre. Il est hermétique à la douleur et au malheur. Il ne
doute jamais. Il domine. Un physique, une dégaine. Un charisme inné.
Qui n'aurait pas envie de suivre un type pareil ? Même en forêt. Même en collant. Sur qu'il ferait courir le marathon à un cul-de-jatte. Jérôme, c'est le gendre idéal. L'amant rêvé. L'ami parfait.]