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Critique de Antyryia



- Regarde attentivement cette photo, David, tu ne remarques rien de particulier ?
J'examine attentivement le parc d'attractions sur le cliché de Rachel, mon ex-belle soeur. Cette partie de devinettes est bienvenue pour chasser la morosité ambiante de la prison dans laquelle je suis enfermé depuis cinq ans.
D'abord, je n'y distingue rien de particulier et puis, dans un éclair de génie, je LE vois enfin.
- Là, dans le ciel, ce nuage... commençais-je à proposer, un sourire au coin des lèvres. Il ressemble à un mouton.
- Tu dis n'importe quoi David. Observe mieux en bas à droite, le petit garçon.
Je distingue alors, tenant la main d'un adulte hors cadre : un affreux petit bonhomme d'environ huit ans couvert de verrues poilues sur le visage.
- Han mais qu'il est vilain ! me moquais-je.
- David ? Je crois que c'est Matthew ce garçon. Tu ne le reconnais vraiment pas ?

Je commence à gamberger.
Matthew est mon fils, et il est mort cinq ans auparavant. Je m'en souviens, c'est pour son meurtre que j'ai été jugé et que j'ai été condamné à perpétuité. Et puis tous les indices menaient à moi. Perso, je me souvenais pas trop l'avoir massacré à coups de batte de base-ball mais j'avais un peu picolé et une voisine m'avait vu enterrer l'arme du crime cette nuit-là. Et puis j'avais toujours eu une totale confiance dans le système judiciaire des Etats-Unis, donc si les jurés m'avaient déclaré coupable c'est que je méritais cette condamnation.
Mais bon voilà, mon fils avait lui aussi des verrues poilues, et j'ai alors compris qu'il me fallait le retrouver par tous les moyens possibles, le sauver des griffes de ses ravisseurs, et accessoirement identifier la véritable victime.
En parvenant à prouver mon innocence, je toucherai tellement de dommages et intérêts qu'une nouvelle vie de luxe et de débauche m'ouvrait grand ses portes.
Et pour ce faire, il fallait que je sorte d'ici.

- Rachel ? Préviens immédiatement mon frère s'il te plaît.
- Qui donc ?
- Michaël. Dis lui de se faire tatouer un plan de la prison sur tout le corps puis de faire un braquage afin qu'il puisse me rejoindre dans ce trou à rats et m'aider à me faire évader.
- Mais David, tu n'as pas de frère ! Je sais que c'est beaucoup d'émotions d'un coup mais nous ne somme pas dans Prison Break.

- Mais alors comment vais-je faire pour m'échapper d'ici ? Je suis détenu en quartier de haute sécurité. Tu as un plan ?
- Bien sûr que j'ai un plan David.
Rachel me tend alors le dernier roman d'Harlan Coben, Sur tes traces. Je l'ouvre discrètement, m'attendant à y trouver une arme cachée entre les pages. Un rasoir, un revolver, pourquoi pas un hélicoptère pour faciliter mon évasion mais il n'y a rien, c'est juste un livre avec plein de pages et encore plus de mots. Je regarde ma belle-soeur, m'interrogeant sur son plan foireux. Elle m'explique avec un clin d'oeil que tout est dans le thriller, que c'est mon histoire qui y est relatée, et que je n'ai plus qu'à m'inspirer de ce roman désormais pour retrouver les chemins qui mèneront à mon fiston, à mon innocence, à ma liberté et surtout à tous mes millions de dollars.
Nous nous donnons rendez-vous ici-même au parloir dès le lendemain afin de peaufiner notre plan d'escapade une fois ma lecture achevée.

J'échange avec Ross, un des détenus, une barre de nougatti contre une lampe de poche. Toute la nuit je m'imprègne sous la fine couverture rongée par les mites de chaque page de suspense concoctée par Harlan Coben. Alors je sais que je suis un peu hors sujet en me permettant de donner brièvement un avis, mais j'étais ravi qu'il sorte un nouveau one shot. Pas de Wilde, pas de Myron Bolitar, une brève allusion à Win et une apparition d'Hemster Crimstein pour bien rappeler au lecteur qu'il est dans son univers.
On ne change pas une intrigue qui gagne, et l'auteur part encore d'un insoluble mystère ferrant son lecteur d'entrée de jeu jusqu'à la résolution de l'énigme.
Dans Ne le dis à personne, une femme tuée huit ans auparavant par un sociopathe réapparaît aujourd'hui sur une vidéo sous les yeux de son veuf pour qui la réalité bascule et qui va devoir reconstituer les évènements.
Dans Sur tes traces, écrit vingt-deux ans après, un père aperçoit une photo de son fils sauvagement assassiné cinq ans plus tôt et lui aussi va devoir reconstituer le puzzle des évènements. Mais il part avec un léger handicap supplémentaire : Il est incarcéré.
Je n'ai aucun mal à m'identifier au personnage.
Les pages s'avalent, mais je ne peux pas vous parler de ce roman comme d'une histoire dans laquelle l'auteur est parvenu à se renouveler.
Un peu moins d'humour que d'habitude peut-être, même si les joutes verbales des deux agents spéciaux du FBI valent parfois le détour.
Quelques passages prêtent à sourire malgré tout, faisant un peu retomber la tension du lecteur.
"Certaines choses changent, mais d'une certaine manière tout reste immuable.
Je crois que la fatigue me rend philosophe."
"Entre le bien et le mal, nous choisissons tous le bien, sauf si cela va à l'encontre de nos intérêts."
Le seul aspect qui se distingue un tant soit peu du reste de la bibliographie de l'écrivain de soixante-et-un ans, c'est la simplicité de sa trame. Alors qu'en temps normal tout s'entremêle et se complexifie, que l'on nage dans un labyrinthe de pistes, ici c'est beaucoup plus simple de s'y retrouver : Oui-oui est en prison, Oui-oui est sur une fausse piste, La résolution du mystère Oui-oui. Ça reste évidemment rythmé et inattendu, mais plus en demi-teinte que ce à quoi nous étions habitués.

- Alors, tu as eu le temps de lire le roman David ?
- Oui, lui répondis-je, les yeux cernés par cette nuit presque blanche.
- Alors, qu'est-ce que tu penses de mettre en application ce stratagème infaillible pour qu'on puisse mener notre petite enquête à l'extérieur tous les deux ?
- Euh, je ne pense pas qu'on ait lu le même livre Rachel. Une partie de ton plan consiste donc à me laisser me battre avec un cannibale dégénéré et affamé qui me laissera à l'infirmerie ? Et une autre à tenter d'échapper à un gardien ripoux qui va vouloir m'abattre ? Tu n'as rien trouvé de mieux comme idée ?
- Alors excuse-moi, mais c'est la seule solution pour convaincre le directeur de la prison de t'aider.
- Mais tu sais que le directeur ici n'est pas mon parrain ni l'ami de mon père ? Qu'il ne va pas lever le petit doigt ?
- Il n'est pas trop tard pour te faire baptiser tu sais.
- Rachel, la prochaine fois tu pourras me ramener Les évadés de Stephen King ? Ou le comte de Monte-Cristo ? Ou l'échappé d'Alcatraz de J. Campbell Bruce ? Qu'on puisse se pencher sur des scénarios plus réalistes ? Je te remercie.

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