AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de caro64


En imaginant les pérégrinations aléatoires et drolatiques d'un Anglais très moyen, Jonathan Coe fait étinceler son humour ravageur dans la satire sociale caustique et réjouissante
de notre société postmoderne. Désenchanté et irrésistible.


Une fois de plus Jonathan Coe réussit à nous étonner. Avec son talent de raconteur d'histoire, il nous embarque dans la vie de Maxwell Sim, 48 ans. Domicilié à Watford, Angleterre, responsable du service après-vente d'un grand magasin, puis commercial dans le domaine des brosses à dents écologiques, il cultive la banalité au quotidien. Timoré, indécis, sans ambition, il vient d'être abandonné par sa femme et sa fille « en état d'ermite involontaire ». Même s'il compte plus de soixante-dix amis sur Facebook, Max conjugue la solitude à tous les temps ! Débarquant à Sidney où il va tenter de renouer avec son père, il est tout à coup fasciné par la tranquille complicité d'une Chinoise et de sa fille dînant dans un restaurant. Cette sérénité aperçue agira comme un déclic inconscient et inversera la spirale de l'échec. Vont se succéder alors en cascades d'improbables rencontres… Max est ensuite envoyé aux Iles Shelland par sa société : une mission présentée comme une croisade au service de l'hygiène bucco-dentaire du futur. Une quête du Graal qui va vite virer à la sauce Monty Python. de Sarbucks en pause panini tomate-mozzarella, il progresse vers le Nord, de plus en plus déprimé. Drame du VRP seul au volant, il tombe amoureux de la voix sensuelle de son GPS, seule confidente de souvenirs d'enfance et de réflexions sur sa vie de couple qui lui viennent à l'esprit au fil des kilomètres. Peu à peu, en remontant dans son passé familial, il trouve la clé, la terrible révélation de son adaptation au monde et de ses difficultés relationnelles. Jusqu'à ce qu'il parvienne à s'accepter lui-même.

Coe met le doigt sur tous les leurres d'une société de l'hyper-communication : la finance virtuelle, la grandiloquence trompeuse du marketing, la précarité de l'emploi, la mondialisation qui semble abolir la distance, l'uniformisation des modes de vie et l'imposture des médias. En motif récurrent et emblématique, il cite l'exemple de Donald Crowhurst, navigateur amateur britannique qui a prétendu faire le tour du monde à la voile en falsifiant son journal de bord, en 1968, à l'époque d'avant le satellite.

On sait que Jonathan Coe excelle à imbriquer récits gigognes, mémoires, journaux intimes, lettres oubliées puis retrouvées, digressions enchâssées les unes dans les autres. Autant d'éclairages qui enrichissent un peu plus les personnalités et permettent la progression de l'intrigue. C'est ainsi que l'auteur de la pluie avant qu'elle tombe impose sa singularité. Mais dans ce dernier roman, c'est l'admirateur et biographe de B.S.Johnson qui laisse transparaître en filigrane l'influence de celui qui a poussé très loin l'interrogation et l'expérimentation sur les rapports entre la fiction et le réel. Jouant avec le vrai et le faux Coe continue d'explorer de nouvelles pistes. Avec délectation.




Commenter  J’apprécie          320



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}