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Citations sur Bonnard : Peindre l'Arcadie (5)

Comme un miroir présentant un état transitoire du monde, sa peinture nous entraîne dans des visions intérieures et quasi hallucinatoires où l'ordinaire se pare de couleurs inouïes. Certains éléments difficilement identifiables ressemblent à des phénomènes de persistance rétinienne créant des images en fausses couleurs. Bonnard festonne, ourle, brode des lignes ondoyantes autour de ses motifs, pour transformer les situations banales en visions féeriques. Ses compositions montrent des réalités emboîtées les unes dans les autres, peuplées d'apparitions éphémères et de fantômes sitôt disparus comme dans La femme au perroquet - souvenir d'une jeune fille aux cheveux sombres croisée à Saint-Tropez portant un énorme ara bleu en liberté. La plupart de ses personnages paraissent hermétiques au décor qui les entoure, comme si celui-ci était construit autour d'eux a posteriori. Cette impression d'isolement et d'incommunicabilité est sensible dans la plupart des scènes avec personnages, où chacun paraît absorbé dans ses pensées ou ses occupations, comme hors d'atteinte ou absent à soi-même.

Chapitre Arcadie : "La mécanique du bonheur"
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Bonnard n'a pas attendu le suicide de Renée Montchaty pour donner à ses peintures une coloration mélancolique. Il est mélancolique dans l'âme. Mais cet épisode malheureux porte à l'extrême le syndrome de la perte, notamment à travers la liquéfaction du corps de Marthe dans la série des baignoires qui s'étend de 1925 à 1942, du suicide de la première à la mort de la seconde. Dans les nus à la toilette qui précèdent cette période, le cadrage et le traitement demeurent classiques : le corps de Marthe, dressé hors de l'eau, présente des formes douces et une carnation sensuelle. Mais à la fin de l'année 1925, la composition bascule radicalement avec Le Bain (ill. 113). Marthe est immergée, horizontale, d'une raideur cadavérique comme une gisante dans un sarcophage de faïence. Se superposent en elle, et la femme vivante et a femme morte, et celle qui reste, et celle qui est perdue, et la douceur d'être libérée de sa rivale et la culpabilité de son suicide. C'est l'une des toiles les plus glauques peintes par Bonnard. Une scène de noyade, qui est d'abord celle du peintre. Mais c'est aussi un tournant dans l’évolution de son œuvre. Les grandes compositions qui suivent, montrant Marthe affairée dans la salle de bains ou bien plongée dans la baignoire, prennent un tour halluciné, comme si le suicide de Renée Montchaty avait délivré le peintre des conventions naturalistes qui le retenaient encore. Désormais le dessin se libère de tout souci d'exactitude formelle, la perspective du carrelage vacille, les couleurs flambent, toute la salle de bains s'embrase de couleurs violemment contrastées, mais surtout le corps de Marthe macérant dans la baignoire se métamorphose jusqu'à perdre son enveloppe (ill. 94). Entre la chair et l'eau, entre les deux élément de densité équivalente, la peau joue un rôle séparateur moindre. Le corps qui s'affranchit de sa région critique semble se prolonger dans la masse aqueuse. Autre effet du liquide, dont l'importance plastique est encore plus décisive : la surface ondoyante de l'eau trouble optiquement les contours de la forme humaine, et parfois les altère au point de créer dans l'image réfractée des effusions de chair soluble.

Chapitre Nues : "Marthe nue"
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Claude-Roger Marx, en 1952, et Antoine Terrasse, le petit-neveu de l'artiste, en 1967, allaient faire de lui le peintre original des scènes de vie paisible, qui assurent aujourd'hui encore sa réputation. Pour appuyer cette vision des choses, on peut également citer le témoignage de Charles Terrasse, qui disait de son oncle qu'il voulait uniquement peindre des choses heureuses. En s'appliquant à voir en Bonnard un chroniqueur de la paix domestique, un peintre des "îlots du bonheur et de l'hédonisme", on a souvent ignoré ou négligé les traits perturbateurs de son œuvre. Les impressionnistes et Paul Gauguin étaient les références qu'on faisait valoir lorsqu'il s'agissait de raccorder le solitaire Bonnard à l'histoire de l'art. Après la Seconde Guerre mondiale, on a perdu de vue l'art de l'excentrique Redon, avec ses royaumes du rêve et de l'imagination - de même qu'on s'est détourné du symbolisme dans son ensemble. Comment s'étonner dès lors qu'on ait peu prêté attention jusqu'ici aux liens entre ces deux frères d'esprit ? Prendre conscience de l'affinité spirituelle de ces deux solitaires élargira surtout le regard sur l’œuvre de Bonnard, qui nous reste peut-être encore à découvrir dans toute sa complexité - au-delà des facéties visuelles et des effets superficiels de la couleur.

Chapitre Intérieur : Les espaces de l'âme. Frères d'esprit - Bonnard et Odilon Redon
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Bonnard forge un nom à ce mélange inédit entre tradition française et influence japonaise : l'Art Nouveau. En 1895, pour le mettre à l'honneur, il rouvre sa galerie désormais élargie et rebaptisée la Maison de l'Art Nouveau. Dans le sillage de Ruskin, de Morris et du mouvement Arts and Crafts en Angleterre, son programme affirme : "L'Art Nouveau luttera pour éliminer le laid et le luxe prétentieux de toutes les choses de la vie, pour faire pénétrer l'affinement du goût et un charme de beauté simple jusque dans les moindres objets d'utilité." Pour son exposition inaugurale, Bing commande à Denis un décor peint pour une "chambre de jeune fille" ; il fait exécuter par Tiffany&Co., à New York, sept vitraux sur des dessins de Bonnard, Vuillard, Roussel, Toulouse-Lautrec et Vallotton. Sans doute la toile peinte par Bonnard, première ébauche des quatre lithographies formant le magnifique paravent intitulé "Promenade des nourrices, frise des fiacres", est-elle aussi exposée à cette occasion. Toute fois, elle marque la fin de son intérêt pour la création d'objets quotidiens et le début d'une obsession dont il ne se défera jamais pour une nouvelle forme esthétique, la toile peinte ornementale, conçue en fonction d'un contexte particulier, l'intérieur du foyer moderne.

Chapitre Décors : "Bonnard et l'art décoratif", par Nicholas Watkins, traduit par Camille Fort
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Le but ultime c'est qu'une femme, un homme ou un kangourou se mette devant ta peinture et dise : "Oui, dans ce bain, c'est moi."
Chapitre Nues - "Monsieur Bonnard", par Joan Sfar
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