Mohammad, ma mère et moi

Officiellement, les Français, les Américains et trente autres nations combattent les Talibans. Les troupes au sol savent qui est leur ennemi. Mais les informations top secrètes qu'il traduit montrent une tout autre réalité. La vérité, c'est que personne ne veut la paix. Cette guerre arrange tout le monde. Ils cherchent tous à vendre des tanks et des avions, justifier les milliards dépensés pour leurs armées, faire tourner leurs usines, distraire leurs peuples.
Les conversations dont il est témoin ne laissent aucun doute. La paix ne fait pas partie de leurs objectifs. Ils ne veulent pas libérer ce paix, ils veulent le contrôler. Quand il pense au président Bush qui a envahi l'Irak après avoir prétendu que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive, et qui quelques années plus tard a été réelu alors que tout le monde savait qu'il avait menti, il se résout à la triste conclusion que le seul à payer les conséquences de cette guerre absurde sera le peuple afghan.

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Pourquoi accepte-t-il de me parler? Qu'est-ce qui chez moi lui inspire confiance? Se sent-il redevable vis-à-vis de ma mère? Est-il simplement touché par le fait que je m'intéresse à lui? La plupart des relations avec les personnes qu'il croise chez ma mère sont superficielles. Les gens sont curieux de voir "le migrant de Marie-France". Il n'existe pas pour eux. Il n'est à leurs yeux qu'un épisode exotique dans la vie de ma mère. Ca s'arrête là.

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«C’est en ma qualité de citoyenne française, plus que jamais attachée à la liberté, à l’égalité et à la fraternité que j’ai le devoir de vous rappeler que vous n’avez pas, monsieur le ministre, le droit de vie ou de mort sur des hommes et des femmes ou des enfants qui travaillent, vivent, étudient ici en France, pays aujourd’hui déshonoré.» (Jeanne Moreau)

Le seul soucis de l'administration semble être de ne pas accorder de visas à des réfugiés qui mentiraient sur leur condition. Une personne qui a abandonné son pays, sa famille, ses amis, qui a tout perdu, ne devrait-elle pas être considérée comme une victime plutôt que comme un voleur ?

Comment fait-on pour donner de l'amour quand on ne s'aime pas soi-même ?

Elle pensait qu'un homme qui sort de l'enfer, d'une telle précarité, et qui arrive dans un endroit comme cet hôtel particulier doit forcément être heureux. Instantanément. En fait, c'est un mutant qui déboule dans un monde dont il n'a aucun code.

Je me réfugie derrière l'idée que je travaille à domicile et je ne peux pas prendre le risque d'être déconcentré. La réalité est que je ne veux pas renoncer à mon confort. Pourquoi, dans nos esprits d'Occidentaux, le confort est-il si important? Pourquoi n'arrive-t-on pas à y renoncer? Pourquoi sommes-nous à ce point renfermés sur nous-mêmes?

Ma mère est une guerrière. Elle a enterré quatre soeurs, un père, une mère puis son mari, mort en 2010, un soir de septembre. Ils avaient été mariés quarante-deux ans, avaient rêvé ensemble, voyagé ensemble, travaillé ensemble. Ils étaient inséparables et absolument complémentaires. Quand il est parti, elle n'a pas prié. Elle ne croit ni en Dieu ni au paradis et n'a jamais imaginé le revoir un jour. le vide qu'il a laissé derrière lui, elle l'a comblé en profitant d'une nouvelle forme de liberté. Elle a commencé à retourner au cinéma, à voyager dans des endroits qui n'attiraient pas mon père, à voir les amis qui l'ennuyaient, à mettre des échalotes dans la vinaigrette et à écouter la radio trop fort.

Comment trouver du travail sans parler français? Comment parler français sans sortir de ce foyer? Comment sortir de ce foyer sans avoir de logement? Comment avoir un logement sans gagner d'argent? Comment gagner de l'argent sans trouver de travail?

Dès son plus jeune âge, il est contraint de prier avec ses parents, d'étudier les textes religieux, d'aller à la mosquée, d'être un bon musulman. Il suit leurs préceptes à la lettre. Il demande souvent pardon à Dieu, même pour des fautes qu'il n'a pas commises. Il doit éviter toute forme de plaisir ou de bonheur car sa seule mission sur terre est de célébrer Allah. Il ne peut pourtant s'empêcher d'être heureux par moments, pour des petites choses. Un chat qui vient se frotter contre sa jambe, l'odeur d'un gâteau que prépare sa mère, le soleil qui chauffe son visage...