" Dieu crée ' ex nihilo ' et nous à partir de ruines. "
Jorge Luis Borges
(page 11)
NB : ex nihilo = à partir de rien.
Vouloir croire en la littérature après une guerre ou pendant qu'elle dure encore, est une forme de résistance. Le travail de l'intellectuel ne consiste pas seulement à vendre des livres. Il est indispensable que la voix de la raison, de la tolérance, de l'homme « libéré », de l'homme pensant — et là se trouve la définition de l'intellectuel en tant que tel — peut se faire entendre chaque fois qu'il se passe des choses comme celles dont nous sommes les témoins aujourd'hui en Bosnie.
Sinon, les victimes innocentes, en l'occurrence un peuple tout entier avec sa culture et sa civilisation, seront à jamais à la merci du vainqueur, dans le cas présent l'agresseur. Car il est bien connu que se sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire.
Le peuple ne se souvient et n'évoque dans ses récits que ce qu'il a réussi à transformer en légende ; tout le reste glisse sur lui et disparaît sous la poussière dorée de l'oubli car les hommes ont la mémoire courte.
Pour écrire après une guerre il faut croire en la littérature.
Croire que l'écriture peut remettre en branle des mécanismes qu'on a mis « au rebut » lors du recours aux armes.
Qu'elle peut ramener l'horreur, incompréhensible et inexplicable, à la mesure humaine.