La mélodie existe, mais elle est dispersée, éparpillée un peu partout comme de la poussière d'étoiles, comme le souffle du vent qui, soudain, tourne les pages d'un livre. Elle est jouée avec indolence, nonchalance, si bien que, d'une fragilité cristalline, elle semble inconstante, irréelle telles des lettres tracées sur le sable. Mais le son est clair pourtant.
Peut-être au commencement y-a-t-il eu le souffle, et non le verbe ; peut-être le monde s’est-il, dès le début, confondu avec le jazz, comme il le fera à la fin des temps. N’oublions pas : «Et je vis sept anges qui se tiennent devant Dieu, et sept trompettes leur furent données» (Apocalypse, VIII, 2). Qui sait si ces anges de l’Apocalypse n’étaient pas les membres d’un orchestre de jazz, harnachés de plumes ? p 7
Ils mélangeaient les alcools comme si leurs ventres étaient des shakers, et ils riaient tels des bouffons. La nuit était pâle, presque lumineuse. C'était la nuit du vice, froissée comme un paquet de cigarettes vide, une nuit légère comme une cravate dénouée, une longue et folle nuit d'ivresse. p 136