«Dans ce livre, certaines pensées, certaines phrases, certains paragraphes, voire des chapitres tout entiers se répètent parfois (voir «Soulville» I, II et III), et ceci pour une raison bien simple. Nous pouvons l'expliquer ainsi : à l'instar d'un musicien de jazz, nous partons d'un thème donné, qui revient et se reproduit sans cesse, mais chaque fois nous lui ajoutons quelque chose de nouveau, une improvisation, si bien que le rythme, pourtant toujours le même, semble différent.» p 8
Velibor Colic joue là, à partir d'éléments de la vie de Ben Webster, une mélodie spontanée et imaginaire, une vie avec des pauses et des ruptures de rythme. Ce n'est pas une biographie respectueuse des faits qu'il nous offre. En faisant se croiser différents thèmes pris dans la vie de ce saxophone ténor né à Kansas City en 1909, ami de Duke Ellington, Oscar Peterson,
Ray Brown... il fait résonner, grâce à son doigté, des notes particulières bien à lui.
Qu'est-ce qui est plus poignant que la voix syncopée d'un saxo si ce n'est la vie de celui qui en joue dont il se fait l'interprète.
«
Perdido» est composé de 7 parties : «Sur mes mains et mon coeur, je porte sept blessures, sept roses pourpres, sept étoiles vierges qui sans cesse à nouveau écloses, sont nourries par la sève de mes veines.»
La vie au fil des improvisations et du hasard mais aussi avec des retours, des répétitions, un fil de trame : la nuit, les bars, les hôtels miteux et la beauté déchirante et sensuelle des femmes rencontrées lors des tournées en Europe, retrouvées ou perdues mais toujours présentes qu'elles se nomment Sarah, Annabella, Laurie, Juana ou Jane «Sister Midnight». Désespoir d'un homme qui lorsqu'il ne joue pas se noie dans l'alcool et la drogue sans doute parce que vivant avec tant de passion, il ne peut que se brûler.
«En harmonie avec les cendres», ainsi s'intitulerait le blues qu'il écrirait en souvenir de Sarah. Il reprit son bloc et son crayon et, d'une main exercée, ajouta quelques mesures sur la partition de sa mémoire. p 123
Me sont revenues, en lisant ce livre, des scènes du beau film de
Bertrand Tavernier «Autour de minuit» qui s'appuie, en la romançant, sur la vie du saxophoniste Lester young et du pianiste Bud Powell