En 1867, Caroline Austen écrivait, à propos du souvenir de sa tante: "Il s'éteindra si aucun effort n'est fait pour cultiver sa mémoire." Elle peut être rassurée.
Nous sommes tous aujourd'hui, des nièces et des neveux de Jane Austen, attendant qu'elle nous régale, encore et toujours, de ses extravagances et pare des "couleurs de son imagination fantasque" les détails les plus insignifiants de nos vies.
Certains – ceux qui ne les ont pas lus – croient que les romans de Jane Austen ne sont que de jolies fables parfumées à la rose ou à la violette… Ce préjugé a parfois valu à notre Jane une réputation parfaitement injustifiée d’auteur sentimentale. En vérité, elle est l’une des plus grandes créatrices que la littérature ait jamais enfantées. Elle a inventé un monde : le monde enchanteur de ses livres d’où la mort est bannie, un univers de sombres facéties et d’illuminations joyeuses où tout, toujours, est placé sous le signe du sens.
< Lorsque deux jeunes gens se mettent en tête de se marier, ils sont sùrs, par la persévérance, de parvenir à leur but, quelque pauvres, quelque imprudents qu' ils soient. C'est là, peut-être, une morale bien dangereuse, mais je crois que c'est la vraie, et si ceux-là réussissent, comment un capitaine Wentworth et une Anne Elliot, ayant toute la maturité de l'esprit, la conscience du droit et une fortune indépendante, n'auraient-ils pas renversé tous les obstacles? >
Si les visiteurs, repus pour un temps de grâce et de beauté, retrouvent à présent le monde comme il va, c'est avec la certitude qu'ils reviendront un jour prochain, et se perdront à nouveau. Car nulle errance rêveuse, nulle exploration méticuleuse ne saurait épuiser le charme unique des romans de notre Jane.
Et tout se termine par un mariage. Qu’on ne s’y trompe pas, cependant. Le mariage, chez Jane Austen, n’a rien d’une conclusion frivole, la soumission naïve et un peu mièvre à une institution incontournable. il est le symbole de l’équilibre et de l’harmonie retrouvés. Le moyen, pour les femmes de la gentry rurale, de s’assurer statut économique et statut social. Le point vers lequel, d’une façon presque mathématique, convergent toutes les intrigues et les personnages du livre.