Près d'un siècle sépare
les victorieuses présentes dans ce deuxième roman de L. Colombani. Comme dans
La Tresse, l'autrice nous narre les destins de femmes tour à tour ordinaires et extraordinaires.
Au début du XXème siècle, Blanche Peyron, est l'une de ces combattantes. Engagée corps et âme, elle lutte avec passion et abnégation contre la précarité en rejoignant l'Armée du Salut très jeune. Véritable sacerdoce, sa destinée la guidera vers un magnifique bâtiment qu'elle imagine palais pour les femmes en détresse. En 1926, le Palais des femmes naît donc de sa détermination. Auparavant couvent, devenu hôtel pour travailleurs pauvres et ouvriers puis hôpital de guerre, ce refuge parisien est maintenant un phare dans la vie des femmes démunies. Pour Blanche, une seule devise : avancer coûte que coûte pour ne pas trahir toutes ces femmes qui ont besoin d'elle. Lætitia Colombani a ainsi réussi à sortir de l'oubli cette figure féminine exceptionnelle.
Au XXIème siècle, Solène, avocate brillante, tombe dans un mal de notre société contemporaine : le burn-out. Malgré sa vie sans problème apparent, la dépression la gagne et la conduit au Palais des femmes en tant que bénévole. Écrivain public, elle côtoie la misère de ces femmes diverses et touchantes qu'elle essaie d'aider : Binta, qui sauve sa fille Sumeya de l'excision ; Viviane, une femme battue, qui passe son temps à tricoter ; Cynthia l'énervée, et bien d'autres encore.
Le roman nous dresse ainsi le portrait de ces femmes acculées qui luttent pour leur dignité, pour garder « la tête haute » et regagner l'estime de soi, et nous dépeint aussi notre société inégalitaire.
C'est un véritable enrichissement entre Solène et ces femmes qui apporte de la lumière dans notre siècle bien terne et pessimiste.
« Solène passe ses après-midi à enchaîner les lettres, les conseils et les discussions en buvant du thé, en comptant les bonbons que Sumeya continue de partager. Solène ne les mange pas. En rentrant chez elle, elle les place dans le pot à confiture qui leur est réservé. Il s'est rempli. Elle aime le contempler, plein de friandises multicolores qui sont autant de petits trophées, de minuscules victoires sur la grisaille et la morosité. »
L'ouvrage, loin d'être lourd et plombant, exprime avec beaucoup d'émotion et de lumière tous ces portraits de femmes réelles ou fictives. Il retranscrit sans pathos les combats individuels et collectifs de ces victorieuses du quotidien. C'est un excellent plaidoyer en faveur de l'entraide sociale, de la tolérance, de la générosité. Dans notre société où tout n'est qu'individualisme et indifférence, ce roman ouvre la porte à l'altruisme et au bonheur collectif.
Solène, c'est nous. Avec l'autre, chacun peut construire une société aux valeurs positives et être heureux.
Oeuvre morale mais pas moralisatrice, c'est avec poésie que Lætitia Colombani nous incite à regarder autour de nous, à sortir de notre sphère limitée et souvent aveugle, et à imiter ses protagonistes téméraires et tenaces.
« Son action est infime, dérisoire -ridicule diraient certains. Mais elle fait sa part. » Comme Solène, on a envie de faire la nôtre au sortir de cette belle lecture.