Malgré une excessive coquetterie qui me faisait adorer la parure, je n'aimais pas aller à l'église. Il fallait porter un chapeau qui tirait les cheveux, des chaussures vernies qui serraient les orteils, des mi-bas de coton qui tenaient chaud et, surtout, se taire pendant plus d'une heure, ce qui m'était une torture puisque j'avais tout le temps une histoire à raconter.
La conséquence fut que ma mère m'interdit de mettre les pieds chez Yvelise.
Je dus obéir et j'en fus à l'agonie. Chez l'enfant, l'amitié a la violence de l'amour.
"Non, je ne sortais pas d'un champs de cannes. Oui, mes parents étaient des notables. Oui, j'avais toujours parlé le français dans ma famille." p.120
" Pourquoi enviaient-ils si fort des gens qui de leur propre aveu ne leur arrivaient pas à la cheville ?"
Passé Rivière-Salée, le trajet fut d'abord sans surprise. Une route plaisante et plate. Un horizon de mornes verdoyants adossés contre le ciel. Des ponts suspendus au-dessus de rivières endormies. Des cabris gambadant oreilles dressées. Des boeufs à bosse meuglant mélancoliques au passage des voitures. Soudain, à l'entrée de Capesterre qui n'était pas encore baptisée Belle-Eau, l'insolite d'un temple indien, bariolé aux couleurs de Mayèmin, me tira de ma somnolence. C'était cela aussi la Guadeloupe ?