Citations sur L'âge tendre (25)
Tu t'en vas à la dérive
Sur la rivière du souvenir
Et moi, courant sur la rive,
Je te crie de revenir.
Citation de Serge Gainsbourg, La Noyée.
Je voudrai qu'il soit là tout le temps, dans tous les moments et dans tous les endroits, je voudrais qu'l soit là quand je travaille, quand je dors et quand je prends mon petit-déjeuner, je voudrais me lever avec lui et prendre mon petit-déjeuner avec lui et lui téléphoner cent fois par jour quand je travaille ; je voudrais qu'on fasse tout à deux ; je voudrais marcher avec lui dans la rue et qu'on achète des livres et des chaussures, je voudrais une vie normale avec lui, je voudrais faire avec lui toutes les petites choses normales de la vie ; je voudrais qu'on aille voir la campagne ensemble, qu'on regarde les arbres et le ciel et les champs ensemble ; je voudrais tout ça et il n'est pas là et tout ça hélas, comme un effroyable destin, tout ça je le ferai seul, en rêvant de le faire avec lui.
..les illusions, les rêves et les fantasmes sont ce qui me permet de ne pas me jeter par la fenêtre. Mais on ne peut qu’être déçu, finalement, par l’homosexualité, bien qu’elle permette au moins d’échapper à la bêtise, à l’égoïsme et à la platitude dont sont frappés les jeunes couples amoureux avec enfants..
Mon père est un être mélancolique, qui s’émeut du regard d’un enfant ou d’un paysage, de la moindre chanson, d’un souvenir. Aimant avec ses enfants, nous rappelant sans cesse combien il nous aime, combien il est fier de ce que nous faisons, combien il est heureux quand il est avec nous. Ce père tellement français (snob, beau, dragueur et socialiste) nous a prodigué une éducation à l’américaine, le plus petit de nos efforts se voyant couvert de félicitations.
On vous regarde différemment très vite quand vous avez échoué, quand vous n’êtes plus ce que vous étiez. C’est le fameux moment où le téléphone arrête de sonner.
Si finalement nos chemins se séparent, je vais devoir vivre comme avant, ou en trouver un autre. Mais comme avant, c’est ma vie de toujours, et ma vie de toujours, c’est quoi ? Ce n’est rien. Il n’y a rien qui m’intéresse, me plaise ou m’entraîne suffisamment pour avoir envie de continuer sans lui.
Chaque morceau de temps passé sans lui est une douleur. Les jours sans lui, les amis sans lui, les lectures ou le travail, les balades dans Paris et les plans de vacances, le fait même de réfléchir, les cigarettes et la sueur au sport, l’alcool sans lui et le rire sans lui, et l’écriture, sont comme des parenthèses, comme si j’habitais une salle d’attente, je ne suis là pour personne, j’économise tout, ne fais pas d’effort pour être sympathique ou drôle ou bien coiffé, j’incube, tout n’est fait qu’en attendant.
Le sida fait partie des maladies qui sont à peu près comme la mort, qu’on ne sait pas guérir, qui peuvent se déclarer ou non quand on en est porteur, dont peu de gens sont atteints, qui affaiblissent l’organisme et réclament un traitement à vie. Le sida c’est la mort dans la vie. Le corps est vivant, l’être est vivant, mais il va mourir plus vite, avec plus de souffrances que ceux qui ne sont pas malades. Comme toutes les maladies, le sida est assez injuste : il frappe ceux qui n’ont rien demandé, épargne d’autres qui prennent plus de risques.
Nous sommes désarmés face à ce monde, ne savons par quel bout le prendre, nous accrochons à quelques éléments sécurisants (études supérieures, lecture frénétique, absence volontaire de pensée) ou apaisants (sport, alcool, médicaments). Cependant nous sommes perdus, absolument perdus devant l’immensité des questions qui se posent à nous et devant la multiplicité des choix qui nous sont offerts.
Tout s’en va avec le passage du temps. J’aime encore Noé et Matthias un peu, et un ou deux autres. L’amour me semble si loin maintenant, si charmant et si loin.