Il faudrait avoir un coeur de pierre pour ne pas aimer ces contes rapide de
François Coppée, certes il n'est pas un OVNI dans la galaxie de la littérature de contes, mais nous pouvons le qualifier d'honnête et laborieux train régional, se moquant des vals et des ruisseaux de sa campagne, gravissant les côtes pentues avec allégresse, lâchant des jets de vapeur enjoués aux passages à niveau sous le regard dubitatif de quelques frisonnes, les mamelles vidées et la tête pleine de ce bon ray-grass que l'on rumine avec plaisir.
Vous aimerez :
- Vous endormir avec le petit garçon de « l'invitation au sommeil »
Tout à coup, – il faisait presque nuit dans la chambre, – le père s'apercevait que son petit garçon venait de s'endormir, la tête sur son bras replié, parmi l'écroulement du dernier château de cartes.
« Ah ! ah ! disait joyeusement le brave homme, le marchand de sable a passé. »
– les paroles qui lui rappellent les heures excellentes de sa vie, les paroles qu'il n'a entendu prononcer que par sa mère bien aimée et par sa maîtresse la mieux chérie :
« Maintenant, il s'agit de faire dodo ! »
- Frissonner avec ce soldat enrôlé malgré lui et devenu un vagabond rejeté de ferme en ferme
« Un instant d'ivresse, de folie, avait suffi pour le perdre. Il commençait un nouveau congé ; il venait d'être nommé sergent-major. Un jour qu'il avait dans sa poche l'argent de la compagnie, trois verres d'absinthe, bus coup sur coup, par bravade, et un caprice bestial pour une fille aux yeux méchants, avaient fait de lui un voleur, un criminel. À partir de là, tout dans sa vie redevenait horrible. Dans un éclair de pensée, il se revoyait, le dos voûté par la honte, devant les épaulettes et les croix d'honneur du conseil de guerre. »
- Pleurer votre jeunesse perdue en entendant l'orgue de barbarie jouer cette polka sur laquelle vous dansiez autrefois
« Quelle olympienne créature vous étiez alors, comtesse ! Dix-sept ans, et les jambes de la Vénus du Capitole. La force et la grâce ! Une de ces beautés parfaites, comme il ne s'en obtient plus guère qu'avec les croisements de sang et les amalgames de races du Nouveau-Monde. Un murmure circulait : « C'est la belle Adah ! l'Américaine ! » Et, grisée par ce vent du triomphe, vous redoubliez vos audacieuses pirouettes. »
- Douter de votre guérison avec Félix Travel le jeune compositeur de génie et finalement trouver l'amour pendant votre convalescence
« le voici donc, s'écrie-t-il avec un cordial accent méridional, le voici donc, ce jeune malade qui vient demander sa guérison à notre soleil... Il fera son devoir, n'en doutez pas, mon cher enfant, et vous pourrez bientôt vous remettre au travail, nous charmer de nouveau par vos belles compositions... Mais le dîner est servi. À table ! »
- Rendre justice à la mémoire de ces hommes tombés au mur des Fédérés, lâchement assassiné et rendre justice à leurs veuves dans le besoin :
« Agricol Mallet ! À ce nom, mon esprit fut traversé par un tourbillon de souvenirs. Je le revis, tel qu'il m'était apparu pour la première fois, au café de Lisbonne, à cette table des « politiques », où le fameux Michel Polanceau, aujourd'hui député, chef de groupe, et désigné pour présider le prochain cabinet radical, prophétisait tous les soirs, à l'heure de l'absinthe, la chute des
Bonaparte et l'imminente révolution. Agricol Mallet ! Parbleu ! ce brun à tête de romain, le plus violent et le plus exalté disciple de Polanceau, celui qui, à chaque motion incendiaire du tribun, secouait, d'un geste héroïque, sa lourde chevelure et faisait frissonner les verres et les dominos en frappant du poing la table de marbre. Un naïf et généreux coeur, ivre de mots sonores ! Je me rappelais... »
- Soupire d'aise devant un dîner somptueux et, comme le Rêveur, vous laissez aller au charme d'une conversation de beaux esprits aussi futile que vaine :
« Dès le potage, – un consommé tout ensemble onctueux et énergique, qui vous emplissait l'estomac de force et de jeunesse, – les causeries entre voisins avaient commencé. Sans doute, ce furent d'abord des banalités qu'on échangea à demi-voix. Mais quelle politesse dans les sobres gestes ! Quelle bienveillance dans les regards et dans les sourires ! D'ailleurs, aussitôt après le Château Yquem, l'esprit flamba. Ces hommes, vieux ou très murs pour la plupart, tous remarquables par la naissance ou par le talent, ayant beaucoup vécu, pleins d'expérience et de souvenirs, étaient faits pour la conversation, et la beauté des femmes présentes leur inspirait le désir de briller, excitait leurs intelligences courtoisement rivales. »
- Jouer avec le coeur de vieux hommes lubriques comme Sylvandire la belle actrice et préférer les pommes cuites à tous les plaisirs de la vie :
« Comment, Sylvandire, tu aimes tant que cela les pommes cuites ! Toi, une actrice ! »
« Et, comme elle se hâtait d'agrafer son corsage :
« À propos, et les pommes cuites de la rue de Seine ? demanda-t-il.
– Eh bien, elles sont très bonnes, répondit Sylvandire, et j'en mange tous les jours, en revenant de la répétition. »
« Sylvandire avait dit vrai. Maugé était mauvais, naturellement. À ces propos de femme amoureuse, il éprouva la rage envieuse de l'homme fatigué avant l'âge, éreinté, fini.
Mais la comédienne s'était mise à rire. »
- Sourire à la lecture des Poèmes Béarnais de Marius Cabannes :
« Marius Cabannes souffrit beaucoup, sans doute, de cet insuccès ; mais il eut l'adresse de s'en servir, de s'en faire même une parure. Il alla plus que jamais dans le monde, où il affectait la fière mélancolie du poète méconnu et où il accusait la société moderne d'une cruelle indifférence pour le grand art. Souriant avec amertume quand on lui demandait de dire quelques vers, il se faisait beaucoup prier, cédait toujours néanmoins, et grâce à son admirable organe et à son talent d'acteur, il animait un de ses froids poèmes, lui « faisait un sort », comme on dit dans l'argot des coulisses, et forçait les applaudissements. de cette façon, Marius finit par se constituer un groupe d'admirateurs, peu nombreux, mais enthousiastes, composé de ceux qui n'avaient pas lu ses vers et les lui avaient seulement entendu réciter. »
- Rire des sentiments mêlés des deux célibataires le narrateur et son ami Dulac, ils ont laissé flétrir les sourires sur les lèvres de Blanche, Simone et Mathilde, et pense maintenant au mariage pour des raisons moins nobles que l'amour :
« La difficulté où se trouve la Chambre d'équilibrer nos finances va remettre à l'ordre du jour l'impôt sur les célibataires. On nous assure que M. Écorcheboeuf, le sympathique député de la gauche radicale, a l'intention de soulever de nouveau cette question dans la prochaine séance de la Commission du budget. »
- Vous émouvoir du sacrifice amoureux du mari de Marguerite :
« Je serai libre, et je pourrai encore être heureux ; car Marguerite, pour qui j'ai commis ce vol, me jure dans sa lettre d'hier qu'elle m'aime toujours et que nous vivrons ensemble comme mari et femme, ainsi qu'autrefois. »
- Brûler de haine pour la société des hommes avec Michel Guérard le peintre de talent qui retrouve son modèle d'autrefois la petite Fernande dans un bouge des plus vils :
« Il la reconnaissait maintenant. Oui ! la jolie petite fille que sa pauvre sainte femme de vieille maman avait fait sauter sur ses genoux et cette créature perdue, qui sentait le vice et la pommade, c'était bien la même personne. Elle le regardait d'un air ému et craintif ; l'eau d'une larme retenue faisait briller ses yeux cernés au crayon noir, et sa bouche, sa navrante bouche tordue comme par une nausée, essayait piteusement de sourire. »
Les
contes rapides se terminent par un conte de Noël, les sabots du petit Wolff, tradition oblige, et qui se déroule dans « …une ville du nord de l'Europe, – dont le nom est si difficile à prononcer que personne ne s'en souvient…». Un orphelin du nom de Wolff subit les aigreurs de la vieille tante qui l'élève bon gré mal gré, une femme chiche et peu généreuse qui cache sa fortune aux yeux des gens.
L'enfant saura par sa générosité, lui qui n'a rien, sauver l'âme endurcie de sa tante. Un conte moral qui ne se hausse certes pas au niveau des Christmas Carol de Dickens, mais qui vous fera sourire d'aise quand vous en aurez fini la lecture.
Contes rapides, Coppée ne nous a pas menti sur la marchandise,
contes rapides mais plein d'émotion, écrit avec conscience et persévérance, de la belle ouvrage pour cet auteur que l'on a trop souvent tendance à oublier et qui n'en fait pas moins partie de notre patrimoine littéraire.