J'ai peur. J'aurais aimé vivre encore un peu. Respirer. Marcher. M'enfuir. J'aurais aimé vivre, mais non. Je vais mourir. Mourir pour de bon. J'aurais aimé vivre, fumer, boire un coup, rire. Et je crois qu'au lieu de ça, j'ai pissé dans mon pantalon.
- Jacquot et Armand ont toujours voulu tous les deux la même chose: que la guerre s'arrête... mais chacun à sa manière... L'un en montrant le visage infamant, l'autre en la gagnant le plus vite possible... Au final, ils n'auront eu raison ni l'un ni l'autre...
- Personne n'a raison... Personne n'aura jamais raison... La raison n'a pas sa place ici... Elle ne l'a jamais eue... Cette guerre est née de la folie... et c'est la folie qui nous mène au tombeau!
- Il méritait pas d'y passer!
- Qui mérite quoi dans ce merdier?...
Comme tu peux le constater, Nini, en dépit de mes sombres prédictions, je suis toujours vivant. La seule question qui devrait me préoccuper mais que je ne me pose plus vraiment, c'est... pour combien de temps?
Je suis persuadé que cette vaste entreprise d'étripage collectif organisé ne profitera en somme qu'à ceux qui possèdent déjà quelque chose. Les autres, ceux qui n'ont rien, n'en retireront rien. Ils rentreront chez eux, comme Arsène, avec un bras ou une jambe en moins. Ils reviendront, comme Louis, avec le faciès d'un monstre à la place du visage. Ils deviendront fous, comme nous sommes tous en train de le devenir... Un peu plus chaque jour... Comme celui de Denis, leur cadavre s'incorporera à la chair de cette terre sur et pour laquelle ils se sont battus et il se décomposera lentement, sans bruit, dans le silence de la grande nuit. Plus rien ne poussera dans ces champs de désolation. Pas un brin d'herbe, pas un buisson. Pas un oiseau ne reviendra faire son nid sur ces terres ravagées. Seul l'écho des combats et les cris des blessés résonneront à tout jamais à travers ces espaces dévastés.
La magie n'est pas une illusion! Elle est plus réelle que la réalité!
Je suis persuadé que cette vaste entreprise d'étripage collectif organisé ne profitera en somme qu'à ceux qui possèdent déjà quelque chose. Les autres, ceux qui n'ont rien, n'en retireront rien.
Ce n'est pas la liberté qui nous attend là-bas, et encore moins la victoire! C'est la mort... le néant!
Et une fois qu'on sera au fond de notre trou, on fait quoi? On adresse une prière au tout-puissant en lui demandant de ne pas tirer la chasse?
Je vous ai aimés autant qu'un ami et un frère puisse le faire. Il est temps à présent de vous dire adieu.