Le plat de tripes que nous nous passions était comme notre famille. Personne n'aimait ça mais, par politesse, on s'en servait une louche et on se forçait à en manger. Avec le sourire.
- Maman, c'est ça. Je n'aime pas les garçons.
Ma respiration est hachée, arrachée à mes poumons en feu, comme si j'avais couru pendant dix-sept ans et qu'enfin je m'arrêtais, à bout de souffle.
- […], et je me dis parfois que la vie, c'est un torrent dans lequel on est plongé, on est emporté par le courant, on ne contrôle rien. On se contente de surnager, de ne pas couler. J'en ai bu, des tasses, ma puce. Je ne voudrais pas que ça t'arrive. Je ne souhaite pas que tu souffres par ma faute.
Alors je n'ai pas répondu. À quoi cela aurait-il servi? Dans la pièce d'à côté, ils rejouaient la Révolution Française. Qu'ils se guillotinent entre eux. Mamou les a rejoints, attirée par le sang.
[...]
Dottie a placé ses lèvres contre mon oreille:
-Moi je sais ce que ça veut dire, gay, elle a chuchoté.
Sa voix de gamine, ses fossettes aux joues.
- Ah, j'ai dit, c'est quoi?
-C'est que tu es joyeuse.
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Ma grand-mère m'a téléphoné, quelques jours après. Elle voulait prendre de mes nouvelles, savoir si j'étais en forme, comme si j'étais une malade en voie de guérison. Nous avons parlé de la pluie et du beau temps et elle m'a répété à plusieurs reprises qu'elle pensait à moi.
Sa façon de me dire qu'elle m'aimait.
Prendre les gens comme ils sont.
Ne pas attendre d'eux plus qu'ils ne peuvent te donner.
J'étais sortie avec des garçons. En quatrième, à une soirée action et vérité, j'avais même galoché Dimitri. Mon ami d'enfance, le garçon qui pourrait être mon frère tellement on s'aime.