Entre deux débarrassages, nous avons fait connaissance et il s’avère que cet homme est très respectueux de tout. Son langage est bien plus correct que le mien en coulisse, même avec les clients, il reste très à l’aise, ce qui m’étonne beaucoup de la part d’un cuisinier. En général, ils sont plutôt renfermés et peu loquaces. Tout le contraire de Nick.
Je dois être rouge pivoine. Je ne suis pas du genre à me faire remarquer. Je fais mon job, et je le fais bien parce que je l’adore. Je sais que l’hôtellerie-restauration, c’est ma vocation, je n’ai aucune honte à le dire, je suis complètement dans mon élément. Mais quand on pointe du doigt un de mes traits de caractère de manière négative sur mon lieu de travail, je suis mal à l’aise et ça me déstabilise.
Je suis polyvalente lorsque les patrons ne sont pas là. Je suis saisonnière chez eux depuis trois ans, donc ils me font confiance pour tout. Le samedi et le dimanche, ils le consacrent à leur famille et je suis responsable de l’hôtel, de la réception, aux chambres en passant par le restau. Mais la semaine, je suis une simple serveuse, au même niveau que toi.
Lui aussi était en retard, et je ne l’ai pas aidé à gagner du temps. Pourtant, il a gardé son sourire et m’a réconfortée. C’est une des raisons pour lesquelles j’aime la montagne. Je hais profondément la neige et le froid, mais les habitants ici sont fantastiques.
Même si je ne suis pas d’humeur, j’aime l’ambiance qui se dégage de ce village de montagne. Peisey est une toute petite station où j’adore passer mon temps l’hiver. Les gens y sont sympathiques, tout le monde se connaît, et l’entraide est omniprésente.
Je suis réglée comme une véritable partition, il suffit d’une fausse note pour que toute la composition soit une vraie cacophonie. J’ai privilégié Soline aux dépens d’une heure de dodo. Je vais devoir faire avec toute cette fichue journée !
Mon réveil sonne. Sonne. Sonne. Je ne veux pas me lever. Hier soir, j’ai fait l’impasse sur mon heure rituelle, et j’en ai perdu une de sommeil. Résultat, je maudis ce coq qui chante dans mes oreilles.
« Il est cinq heures ! Il est cinq heures ! Il est cinq heures ! » ne cesse-t-il de brailler.
Je le frappe sur le haut de la tête, le pauvre appareil dérape sur la table de nuit et s’échoue sous mon lit. Cela dit, il ne semble pas cassé puisqu’il continue sa litanie. Je grogne et m’extirpe de sous la couette pour partir à sa recherche.