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Critique de JIEMDE



Une gueule. Et quelle gueule !

C'est ce qui frappe d'emblée sur la couverture de Par le trou de la serrure, de Harry Crews, traduit par Nicolas Richard et très joliment édité par Finitude. Un regard de l'auteur quasi invisible, si sombre, si dur et à la fois si apaisant.

Un recueil d'une vingtaine de textes disparates, parfois publiés dans des magazines, parfois plus intimes et restés secrets. Par le trou de la serrure, Crews nous donne à voir quelques instantanés de ce que fut sa vie.

Celle de ses origines dans le Deep South de Georgie, dans le comté de Bacon où il naquit, dans les marais d'Okefenokee où il apprit tant avec son oncle Cooter, le long de la Suwanee qui l'inspira.

Celle de sa jeunesse et de ses classes chez les Marines puis de sa vie d'adulte marquée par la mort de son fils ainé et sa relation avec le second, survivant. Viennent alors la plongée dans l'alcool, les internements, les fuites et les rechutes, assumées et décrites avec un réalisme froid.

Celle de ses rencontres people, où l'on croise Madonna parlant de Bukowski, Kahlo et Arbus, puis un Sean Penn touchant, suivi de quelques télévangélistes stars et de combats de boxe à succès.

Celle du temps qui passe, à écouter un éleveur maquignon et aveugle vanter les bienfaits de la possession du mulet dans le Sud, échapper à un ouragan dans les keys, apprécier quand même la bouffe infâme des restos routiers et y écouter parler les hommes entre eux.

Celle de l'Amérique et – déjà - de ses dysfonctionnements : chefaillons du Klan tentant de manière grossière de se dédiaboliser, absurdité du système de santé américain et religions sans caps bien clairs.

Et enfin, last but not least, celle de sa vie d'auteur, donnant lieu à des pages magnifiques et émouvantes sur l'écriture. Après tant d'autres, il dit à son tour les affres de l'écrivain, la douleur et le doute de l'acte d'écrire, engendrant jusqu'à la peur de la mort que seule apaise la vision de la Suwanee.

Il cite Robert Penn Warren en maître, dit la difficulté du 2e roman quand la puissance d'invention a disparu, s'attarde sur les liens et les différences entre l'écriture et l'enseignement, classe les genres littéraires en majeurs et secondaires et reviens à nouveau vers la rivière pour servir de métaphore (petites gouttes devenant rivière fluide) à l'acte créatif.

Tout cela est superbement restitué et conclut par une postface de Joseph Incardona, citant Fante et Crews comme l'ayant accompagné dans ses années de galère. « Lire Harry Crews (…) c'est se relier à une expérience de vie, à un cheminement qui traverse l'homme et l'écrivain – une sorte de lieu paisible où siègent ceux dont l'écriture confine parfois à la grâce ».

Si avec ça vous n'êtes pas convaincus…
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