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Nicolas Richard (Traducteur)
EAN : 9782363391537
352 pages
Finitude (01/10/2021)
4.19/5   13 notes
Résumé :
Harry Crews écrit toujours à hauteur d’homme. Qu’il nous entraîne au bord du ring pour assister à un match de Mike Tyson en compagnie de Madonna et de Sean Penn, qu’il nous raconte quelques jours passés avec David Duke, le trop charismatique « Grand Sorcier » du Ku Klux Klan, ou avec un redoutable télévangéliste, il le fait toujours avec une humanité et une justesse incomparables. Même chose quand il se penche sur son enfance pauvre dans une ferme du comté de Bacon,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique

Une gueule. Et quelle gueule !

C'est ce qui frappe d'emblée sur la couverture de Par le trou de la serrure, de Harry Crews, traduit par Nicolas Richard et très joliment édité par Finitude. Un regard de l'auteur quasi invisible, si sombre, si dur et à la fois si apaisant.

Un recueil d'une vingtaine de textes disparates, parfois publiés dans des magazines, parfois plus intimes et restés secrets. Par le trou de la serrure, Crews nous donne à voir quelques instantanés de ce que fut sa vie.

Celle de ses origines dans le Deep South de Georgie, dans le comté de Bacon où il naquit, dans les marais d'Okefenokee où il apprit tant avec son oncle Cooter, le long de la Suwanee qui l'inspira.

Celle de sa jeunesse et de ses classes chez les Marines puis de sa vie d'adulte marquée par la mort de son fils ainé et sa relation avec le second, survivant. Viennent alors la plongée dans l'alcool, les internements, les fuites et les rechutes, assumées et décrites avec un réalisme froid.

Celle de ses rencontres people, où l'on croise Madonna parlant de Bukowski, Kahlo et Arbus, puis un Sean Penn touchant, suivi de quelques télévangélistes stars et de combats de boxe à succès.

Celle du temps qui passe, à écouter un éleveur maquignon et aveugle vanter les bienfaits de la possession du mulet dans le Sud, échapper à un ouragan dans les keys, apprécier quand même la bouffe infâme des restos routiers et y écouter parler les hommes entre eux.

Celle de l'Amérique et – déjà - de ses dysfonctionnements : chefaillons du Klan tentant de manière grossière de se dédiaboliser, absurdité du système de santé américain et religions sans caps bien clairs.

Et enfin, last but not least, celle de sa vie d'auteur, donnant lieu à des pages magnifiques et émouvantes sur l'écriture. Après tant d'autres, il dit à son tour les affres de l'écrivain, la douleur et le doute de l'acte d'écrire, engendrant jusqu'à la peur de la mort que seule apaise la vision de la Suwanee.

Il cite Robert Penn Warren en maître, dit la difficulté du 2e roman quand la puissance d'invention a disparu, s'attarde sur les liens et les différences entre l'écriture et l'enseignement, classe les genres littéraires en majeurs et secondaires et reviens à nouveau vers la rivière pour servir de métaphore (petites gouttes devenant rivière fluide) à l'acte créatif.

Tout cela est superbement restitué et conclut par une postface de Joseph Incardona, citant Fante et Crews comme l'ayant accompagné dans ses années de galère. « Lire Harry Crews (…) c'est se relier à une expérience de vie, à un cheminement qui traverse l'homme et l'écrivain – une sorte de lieu paisible où siègent ceux dont l'écriture confine parfois à la grâce ».

Si avec ça vous n'êtes pas convaincus…
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Harry Crews (1935 - 2012) est un romancier américain. Orphelin de père dès l'âge de deux ans, confronté à un beau-père alcoolique et violent, son enfance est marquée par les conditions de vie difficiles dans le Sud rural et de graves problèmes de santé. A 17 ans il s'engage dans le corps des Marines, où il passera trois années durant lesquelles il combat en Corée et découvre la littérature. Il intègre ensuite l'université de Floride pour des études d'anglais, qu'il interrompt en 1956 pour une virée de 18 mois en moto à travers les Etats-Unis. Il exercera jusqu'en 1997 comme enseignant d'anglais dans plusieurs écoles et universités de Floride. On lui doit une vingtaine de romans.
Par le trou de la serrure, qui vient de paraître, est un recueil de vingt-sept articles parus initialement dans des magazines américains (Playboy, Esquire…) entre 1976 et 1983 mais dont certains sont carrément inédits même aux Etats-Unis. L'ouvrage avait été établi par Harry Crews peu de temps avant sa mort et laissé dans un tiroir jusqu'à ce jour.
Deux types d'articles, des reportages in situ et des textes plus personnels touchant à son enfance, mes préférés car le Harry Crews aux allures de gros dur sur ses photos, se livre sans fard et sait se faire émouvant.
Les reportages nous font partager l'intimité de « figures » typiquement américaines pas toutes fréquentables et assez effrayantes quand on y réfléchit bien : le jeune chef du Ku Klux Klan, un évangéliste dirigeant une université et un autre occupant le créneau médiatique, d'autres sont plus agréables et finalement plus qu'on ne pouvait le penser comme Madonna et l'on suit aussi Sean Penn, son époux à cette époque. Des anonymes ne manquant pas de gueule complètent cette galerie de portraits.
Pour les souvenirs personnels, retenons principalement le vibrant hommage rendu à sa mère qui « n'a pas simplement été une maman pour moi, elle a aussi été le papa que j'avais perdu », ou ce magnifique chapitre où il se souvient que gamin assis par terre, il écoutait les histoires que les adultes se racontaient au coin du feu le soir. Une enfance dans le Sud, cette Géorgie de fermiers pauvres, celle d'Erskine Caldwell, celle où le mulet était roi et Harry Crews de consacrer deux chapitres à cet incroyable animal, « je célèbre le mulet car il a fait le Sud ».
Outre tout cela, il y a bien sûr de l'alcool, de la violence et des femmes, comment pourrait-il en être autrement ?
Un bon bouquin, amusant, effrayant, émouvant, dont les thèmes principaux tournent autour de la littérature, ses maîtres et sa manière d'écrire, des personnages cocasses qui font ce pays et les valeurs morales qui font d'un gamin un homme, à commencer par le travail.
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Un livre important pour les lecteurs de Crews, mais pas seulement : il a la même valeur littéraire, à mon sens, que ses grands romans. A travers ces reportages, on retrouve le même foisonnement de personnages improbables, abîmés, brutaux, sans issue, mais comme ils sont dépeints par Harry Crews, il y a toujours ce regard sans fard et sans jugement à la fois (même si Crews ne se prive pas de décrire l'horreur du Klu Klux Klan), qui nous fait accéder à ce qu'il y a de plus humains chez ces personnages, quand bien même les réalités qu'il décrit sont effarantes de violence, et parfois de stupidité.

Le recueil contient aussi des textes d'Harry Crews sur sa propre jeunesse, émouvants comme l'était Des mules et des hommes, texte autobiographique de Crews.
Et quand on lit ces textes, et sous sa plume le mot "maman", en pensant à son visage buriné de sudiste, taillé à la hache, c'est bouleversant.
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Par le trou de la serrure est une compile de textes portant sur des sujets inusités, comme le Klu Klux Klan, les alligators, le révérend Jerry Falwell et bien d'autres… bref, ça sent le Sud profond auquel Harry Crews est si attaché et qu'il sait si bien raconter.

Peu importe à quoi il s'attaque, il le fait avec des yeux profondément humains, en s'efforçant d'éviter le jugement — ce qui relève parfois de l'exploit — et, au fil des pages, on découvre des univers étranges, des situations loufoques et des personnages pour le moins bizarres.

Crews ne rate pas une occasion d'écrire un texte. Invité par Madonna et Sean Penn à un match de boxe avec Mike Tyson, il en tire pas moins de 3 récits et, contre toute attente, le moins réussi est celui portant sur la boxe (il se perd dans les détails). Les deux autres concernent ses hôtes et sont plutôt bien foutus, même si on sent de la retenue dans celui sur Madonna. En homme bien éduqué, Crews aura évité de mordre la main qui l'a nourri. On y découvre, entre autres, que ce couple archi célèbre est composé d'avides lecteurs et que tous deux s'intéressent à la littérature. L'aspect le plus réussi est d'avoir montré et fait ressentir l'envahissement de leur vie privée par les paparazzis, demandeurs d'autographes et autres adulateurs.

Le texte le plus bouleversant est celui sur la mort de son fils de 4 ans. Crews en tire un récit qui célèbre les liens du sang et où il assume sa culpabilité, culpabilité décuplée par le fait qu'il a subi une vasectomie et ne peut donc plus avoir d'enfant. Sa vasectomie a d'ailleurs fait l'objet d'un récit particulièrement savoureux dans Péquenots, autre compile de textes flirtant avec l'autofiction.

Dans Les discussions entre hommes, Crews y va de réflexions sur la violence qui existe dans le monde masculin : « Sous des apparences d'amitié et de rigolade, les hommes s'attaquent sans cesse. Des attaques accompagnées de sourire et de claques dans le dos, mais néanmoins des attaques contenant du sang, des attaques dont l'objectif est de déterminer qui est le boss. » [p. 300-301]

Ce genre de réflexions disséminées ici et là est un des aspects les plus intéressants de son écriture car elles nous amènent à voir avec des yeux différents. C'est un peu comme comme s'il nous disait : Prenez le temps de comprendre AVANT de juger.
Lien : https://alaincliche.wordpres..
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Un auteur" percutant" effarant de justesse dans ses regards sur les existences complexes terriblement bousculées
Faisant preuve d'une vision clairvoyante à l'extrême , acerbe, même visionnaire quant aux implications qui peuvent en être retirées.
Entre exubérance, outrances et folies humaines .il nous emmène loin
Au delà de nos vues arrêtées .
Pour dépasser certains horizons, de passions voire effrayants

Avec lui et le courage de son écriture

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critiques presse (3)
LeFigaro
09 janvier 2022
Un recueil d’articles de l’écrivain sudiste sur le Ku Klux Klan, Tyson et Madonna. Brillant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaLibreBelgique
09 janvier 2022
Un florilège de reportages et d’écrits plus intimes signés par un Harry Crews au sommet de son art.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
08 janvier 2022
La publication du recueil « Par le trou de la serrure » offre une nouvelle occasion de (re)découvrir cet écrivain américain hors du commun. Cuites, bagarres, fanatiques religieux, serpents…, c’est tout le Sud des Etats-Unis et sa folie qui ressortent. Yippie !
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
[Byron, le fils de Harry Crews, a abandonné ses études au bout de 2 ans, pour jouer de la guitare]
Finalement, je lui ai dit un truc paternel idiot :
– Byron, tu sais combien de gars dans ce pays jouent de la guitare et pensent qu'ils arriveront à gagner leur vie comme ça ?
Il s'est contenté de sourire et m'a répondu :
– Papa, quand tu avais mon âge, tu crois qu'il y en avait combien des gars qui avaient une machine à écrire et pensaient arriver à gagner leur vie en écrivant ?
Et voilà. Le père a son rêve. Le fils a le sien. Et un rêve, ça ne se discute pas. Tout ce qu'on peut faire pour un homme qui a un rêve, c'est de lui souhaiter le meilleur.
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Quand je m'allongerai pour mourir, je n'aurai souvenir plus beau à convoquer que n'importe laquelle de ces journées où j'emmène mon golden retriever et de quoi écrire à la main au promontoire dominant la Suwannee...
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Entre un père et un fils:
"Ce qui m'a touché n'est ni ce qu'il a dit ni le fait qu'il m'ai fait la bise. C'était plutôt le ton qu'il a employé, un ton qui n'est utilisé qu'entre deux hommes parlant d'égal à égal, qui s'admirent et se respectent. C'était finalement la voix de l'amour, le type d'amour qui ne demande rien et donne tout, qui se sacrifiera avec vous et pour vous. D'après mon expérience c'est la voix la plus difficile à trouver, et lorsqu'on a trouvé, la voix qui parle est celle des liens du sang. p. 208/209
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En 1953, j'avais alors 17 ans, mon frère était déjà en Corée, et il était communément admis dans ce pays – ou tout du moins dans le sud de la Géorgie – qu'il était de notre devoir de sauver la Corée du communisme. C'était une époque simple et bonne où les jeunes gens étaient prêts à en découdre et à buter du niakoué pour la démocratie. J'étais donc allé au bureau de poste à côté de chez moi voir le sympathique recruteur.
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Le révérend Falwell a des mots très durs pour le mouvement féministe, mais il se met absolument hors de lui lorsqu'il écrit à propos des homosexuels.[...]
« La question homosexuelle n'a rien à voir avec celle de l'égalité des droits entre des groupes qui ne s'entendent pas. Notre constitution affirme que tous les hommes ont été créés égaux, mais les lois ont été conçues pour faire face à des comportements inégaux. Si l'homosexualité est jugée normale, combien de temps faudra-t-il attendre avant que le viol, l'adultère, l'alcoolisme, la drogue et l'inceste soient considérés comme normaux ? » On s'émerveille de sa manière de passer de l'homosexualité au viol. Un bel effort d'imagination, vous ne trouvez pas ?
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Videos de Harry Crews (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Harry Crews
Le grand James Ellroy poursuit son tableau wagnérien de Los Angeles dans la tourmente de la seconde guerre mondiale. Et Harry Crews brosse un portrait saisissant des péquenots du sud dans les années 70. En contrepoint, un regard subtil sur l'Inde occupée par les Anglais au lendemain de la grande guerre par Abir Mukherjee, jeune auteur à suivre.
"La tempête qui vient" de James Ellroy (Rivages/Noir) "Péquenots" de Harry Crews (Finitude) "L'attaque du Calcutta-Darjeeling" de Abir Mukherjee (Liana Lévi)
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