Odyssée

Puis les tremblements de terre, la sécheresse et les épidémies eurent également raison du nouveau site qui resta abandonné deux mille ans. Mais sa renommée connut un éclat nouveau quand, sept cents ans plus tard, un poète nommé Homère légua à la postérité le récit de la guerre de Troie et de l’odyssée de son héros, le Grec Ulysse.

- Puis-je vous aider ? s'informa Pitt.
- Oui, je vous ai contacté il y a quelque temps parce que je souhaitais admirer votre collection de voitures. Nous étions voisins à une exposition il y a quelques années.
- Bien sûr, j'exposais la Stutz et vous une Hispano Suiza.
- Exactement. (L'homme regarda derrière Pitt la foule des invités.) On dirait que j'ai mal choisi mon jour.
- Mais non, protesta Pitt. Aujourd'hui je me marie. Soyez le bienvenu.
- C'est très aimable à vous.
- Pardonnez-moi, j'ai oublié votre nom.
Le vieil homme le regarda en souriant.
- Cussler, Clive Cussler.
Pitt regarda un long moment Cussler d'un air pensif.
- C'est drôle, murmura-t-il, j'ai l'impression de vous connaître depuis longtemps.

D’une grande simplicité et faite pour piquer la curiosité – objectif parfaitement atteint –, l’affreuse construction reposait sur quatre solides montants en bois hauts de six mètres et fichés dans une plate-forme au ras du sol ; sorte de carapace triangulaire munie d’une ouverture à chaque sommet, elle présentait à l’avant une bosse en forme de visière qui protégeait deux fentes comme des yeux ; des peaux recouvraient les côtés. Les habitants de la citadelle n’avaient jamais rien vu de pareil, mais ceux qui faisaient preuve d’imagination pouvaient y voir une sorte de cheval campé sur des pattes raides.

Et les hommes se répartirent aussitôt les tâches : les uns confectionnèrent des rouleaux à partir de souches, d’autres se munirent de cordes et, s’alignant sur deux rangs, entreprirent de haler leur trophée sur la plaine qui s’étendait entre la ville et la mer. Leurs efforts pour faire grimper au monstre de bois la pente menant à la citadelle furent couronnés de succès car à la fin de l’après-midi il trônait devant la porte principale de la cité. La foule se précipita pour examiner, non sans une certaine appréhension, le désormais « cheval de Troie », et se retrouver pour la première fois depuis plus de deux mois sans avoir à craindre l’ennemi.

Ainsi chacun exultait-il, le vin courant dans ses veines, le prince en son palais, le riche dans sa vaste demeure ou le pauvre dans son taudis tapi au pied des murailles pour échapper au vent et à la pluie ; mais tous festoyaient, buvant et dévorant les précieuses provisions amassées au cours du siège. Vers minuit, les débordements s’apaisèrent et les sujets du vieux roi Priam, l’esprit embrumé par l’alcool, sombrèrent dans un profond sommeil, sous les auspices de la paix pour la première fois depuis que les Grecs exécrés avaient commencé le siège de leur ville.

Ils étaient nombreux à vouloir laisser la grande porte ouverte comme symbole de victoire, mais la sagesse l’emporta et on referma les lourds battants.

Ils étaient passés maîtres dans le maniement de la lance, leur arme préférée ; s’ils la brisaient ou la perdaient ils se rabattaient alors sur leur courte épée. Les combattants de l’âge du bronze faisaient rarement usage de l’arc et de la flèche qu’ils considéraient comme une arme de lâche. Ils se battaient derrière de grands boucliers – ronds ou quelquefois ovales – constitués par six à huit peaux de vache superposées et cousues par des lanières de cuir à un cadre d’osier aux bords renforcés de bronze.

Fait curieux, les Grecs, contrairement aux guerriers des autres cultures, n’avaient pas constitué d’unités de cavalerie et n’utilisaient pas non plus de chars ; les chariots leur servaient principalement à acheminer hommes et matériel jusqu’aux champs de bataille. Les Grecs, de même que les Troyens, préféraient combattre à pied. Ils ne cherchaient pas à conquérir un territoire ou à se livrer au pillage ; ils voulaient s’assurer la possession d’un métal presque aussi précieux que l’or.

Troie festoyait ; profitant de l’obscurité, les navires grecs quittèrent à force de rames l’île voisine de Tenedos où ils s’étaient cachés pendant la journée et se guidant sur un feu allumé par le fourbe Sinon, ils accostèrent de nouveau. Les guerriers revêtirent leur armure et traversèrent sans bruit la plaine, transportant avec eux un pieu colossal maintenu par des sangles de cordage tressé.

La belle Cassandre se réfugia à l’intérieur du temple, persuadée que, protégée par les gardes, elle ne risquerait rien. Mais il en fallait bien plus pour arrêter le guerrier Ajax. Il viola Cassandre aux pieds de la statue votive du temple. Plus tard, hanté par le remords, il se donna la mort en se jetant sur son épée.

Les guerriers troyens, quittant leur lit d’un pas mal assuré, l’esprit encore embrouillé par les vapeurs du vin, n’opposèrent qu’une faible résistance : leurs ennemis assoiffés de vengeance les massacrèrent sur place ; la plupart n’eurent le temps ni de voir leur maison incendiée, leur famille entraînée par les vainqueurs, ni d’entendre les hurlements des femmes, les pleurs des enfants, les plaintes des chiens de la ville. Le sang coulait dans les rues.

— Peu après mon départ d’Ilion, commença-t-il, se sont levés des vents contraires ; ma flotte a dérivé une dizaine de jours loin au large, dans des eaux agitées. Nous accostâmes enfin sur une terre inconnue dont les habitants – nous les baptisâmes Lotophages à cause du fruit d’un arbre inconnu qu’ils croquaient et qui les maintenait dans un état d’euphorie constante – nous traitèrent mes hommes et moi, fort amicalement. Quelques-uns de mes compagnons se mirent à consommer le fruit du lotus ; ils sombrèrent rapidement dans la léthargie et perdirent toute envie de rentrer chez eux. Comprenant que le voyage de retour risquait de s’achever là, j’ordonnai qu’on les traînât à bord des navires. Nous hissâmes immédiatement les voiles et prîmes le large.

15 août 2006,

Key West, Floride



LE Dr Heidi Lisherness – silhouette élégante et cheveux argentés ramenés en chignon – s’apprêtait à passer une soirée en ville quand elle jeta un bref coup d’œil aux dernières images recueillies par un satellite des Opérations du Super Scan. Heidi avait choisi, pour supporter la chaleur humide de la Floride en août, un short vert et un haut assorti.