Une semaine après la lecture de
Tout le bleu du ciel de la même autrice, qui m'avait laissé l'impression d'être passée à côté du phénomène, un voyage en train m'a amenée à croiser la route de
Je revenais des autres. Envies suicidaires, amour sans avenir, puis quête du bonheur au travers de rencontres coupées du monde à la montagne... je me suis dit, pourquoi ne pas lui laisser sa chance.
Nous faisons donc la connaissance de Ambre, qui, dans les cent premières pages, revêt une profondeur inexpliquée. A peine sortie de la crise existentielle de la débauche universitaire au bras de sa meilleure amie Angela (qui s'en prend d'ailleurs plein la gueule par la suite alors qu'elle ne fait rien de mal si ce n'est fumer des cigarettes et porter des fringues révélatrices), la voilà plongée dans une autre crise, celle de la dépendance affective dans une histoire hautement controversée par son entourage - celle qu'elle partage avec Philippe, quarante ans, qui porte les traits distinctifs rares d'un homme d'affaire avec beaucoup d'argent et une libido élevée. Les cent premières pages font le portrait d'une relation morte-née, dont Ambre réchappe de justesse, et proposent une structure très intéressante d'allers-retours entre entrevues psys et flash-back hauts en couleur. Je n'avais rien à reprocher à cette partie-là de l'intrigue, tout me paraissait même assez cohérent dans le personnage d'Ambre : la redescente, le mutisme qui suivent une tentative de suicide, le détachement de tout, et surtout de soi. Accepter, finalement, l'aubaine de recommencer ailleurs, en l'occurrence en tant que saisonnière dans les montagnes. Cent premières pages justes, douces, dures à lire lorsqu'il le fallait, dépeignant précisément les névroses de l'héroïne et le caractère détestable de Philippe, son amant qui ne prend sensiblement pas leur histoire avec le même sérieux qu'elle.
Et puis, il y a eu les six cents pages suivantes.
Six cents pages où Ambre repousse ses limites et celles du lecteur tant elle devient détestable. Ambre hausse le ton pour rien, une fois, deux fois, trois fois. Explose d'une colère injustifiée au visage de personnages gentils presque un peu trop qui l'accueillent immédiatement à bras ouverts une fois, deux fois, trois fois. Profère des hor-reurs "alors qu'elle n'en pensait pas un mot" (évidemment) à ces mêmes personnages une fois, deux fois, trois fois. Fort heureusement pour le scénario, ceux-ci la pardonnent toujours (évidemment), peu importe à quel point l'insulte a été blessante, visée, immorale et/ou dans le but ultime de détruire toute estime des personnages pour eux-mêmes. Ambre est égoïste et irritable sous couvert de ses émotions mises en vrac à cause de Philippe, sans jamais qu'on ne sente de réelle évolution profonde dans son personnage. J'ai eu énormément de mal à tisser des liens avec elle. Même si les personnages secondaires valent un peu plus le détour, le potentiel de chacun d'eux part en fumée quand ils laissent systématiquement tout passer à Ambre qui ne leur rend rien si ce n'est être désagréable et méchante.
Bien sûr, la quête de soi est là. Oui, il y a, dans la montagne saisonnière, la même poésie qui se dégageait de la nature que dans
Tout le Bleu du ciel. Evidemment - et encore heureux - il y a de jolies envolées d'émotions, notamment le début, le personnage ambigu d'Andréa, l'amitié (bien que téléphonée à souhait et dont on sait dès le début qu'elle arrivera comme par hasard au moment où l'héroïne a besoin d'un vieux mentor sage) de Wilson, les jolis poèmes, les quelques références. Et enfin le personnage de Rosalie, qui, elle, a accompli un véritable parcours humain et en a tiré les leçons qui auraient, assurément, fait un roman riche en rebondissements avec une héroïne attachante.